Ce n'est pas la meilleure des réputations qui précède Francfort : le quartier des banques, l'aéroport, le milieu de la drogue et le quartier chaud. Très peu de gens choisiraient en effet de vivre dans cette ville. Mais ceux qui se retrouvent ici n'ont généralement pas envie de partir. Notre auteure Eva-Maria Verfürth montre ce qui rend la métropole financière allemande si agréable à vivre et à aimer, malgré tous les clichés.
Mais si Francfort ne s’est pas enrichi davantage de ces géants en béton au détriment d’anciens bâtiments, c’est en grande partie grâce à la résistance opposée à l’époque par la population. Celle-ci a organisé de grandes manifestations dans les années 1970 contre les évictions de locataires dans le quartier Westend et tenté d'empêcher la démolition de bâtiments historiques en occupant des immeubles. Des affrontements violents ont eu lieu avec la police ; le mouvement de résistance est entré dans l'histoire sous le nom de « Frankfurter Häuserkampf » (combat urbain de Francfort). De nombreux bâtiments historiques ont été sauvés à l'époque, et la construction de tours, qui s'est poursuivie surtout dans les années 1980 et 1990, est restée limitée à quelques pâtés de maisons. Cependant, les manifestants n'ont pu éliminer les fléaux sous-jacents : la spéculation immobilière, l'embourgeoisement et l’éviction de locataires comptent toujours parmi les problèmes les plus pressants de la ville aujourd'hui.
Les supermarchés indiens, les snack-bars persans, les kiosques pakistanais, les restaurants éthiopiens et les pubs allemands du coin s'alignent les uns à côté des autres dans ce qui est devenu le quartier le plus international de Francfort. Des bars branchés et des clubs de musique électronique ont également ouvert leurs portes. Et cela vaut le détour : on retrouve l’ambiance de l'ancien quartier de la gare au Moseleck, un bar où on peut discuter des choses les plus curieuses avec des étrangers à toute heure du jour ou de la nuit. On découvre l’atmosphère du nouveau quartier au Yok Yok, un kiosque où les fêtards se donnent rendez-vous pour une bière le soir. On danse sur de la musique house au Planck ou au Pracht; on assiste à des spectacles de cabaret dans l’ancien bar à strip-tease Pik Dame, bien installés dans des meubles en peluche rouge; et on danse le swing dans une véritable ambiance des années vingt au Orange Peel.
Chaque quartier a sa propre rue commerçante - la plus longue, la Berger Strasse, s'étend sur près de trois kilomètres, du centre-ville jusqu’au cœur de l’ancien village avec ses maisons à colombages et son église à clocher à bulbe. Ici, même le petit commerce de détail survit encore, qu'il s'agisse du magasin d'artisanat spécialisé ou de la petite quincaillerie sur la place. Et entre tout ça, il y a toujours beaucoup de verdure : le pittoresque Bethmannpark avec son jardin chinois, le Günthersburgpark avec ses pelouses et ses concerts en plein air, l'espace vert du Holzhausenschlösschen, le vaste et sinueux Grüneburgpark et l'Ostpark à l'aspect sauvage. On y voit rarement des cravates et des porte-documents. De temps en temps seulement apparaît le sommet d'une tour de verre au bout d'une rue bordée de vieux bâtiments de différentes couleurs ou au-dessus de la cime des arbres des parcs - un petit rappel du monde bancaire, qui semble par ailleurs très lointain vu d’ici.
Mais aujourd'hui, ils sont à nouveau ouverts au grand public. Une visite du bâtiment principal de l'université vaut le détour, et ce non seulement en raison du bruit provoqué par l’engrenage de ces ascenseurs particuliers, mais surtout en raison de la structure imposante qui les entoure. Le bâtiment de 250 mètres de longueur, qui a été construit vers 1930 comme siège social du géant de l’industrie chimique et pharmaceutique I.G. Farben, est en même temps un monument commémorant un chapitre sombre de l’histoire, cette société ayant participé à la distribution du gaz d'extermination Zyklon B pendant le national-socialisme et opéré ses propres camps de concentration. Après la fin de la guerre, les États-Unis ont d'abord utilisé le bâtiment comme base militaire ; aujourd'hui, l'université doit opposer à l'histoire quelque chose de positif. Et elle y parvient : d'énormes tilleuls et saules pleureurs poussent dans les espaces verts historiques qui entourent les bâtiments; de petits murs de pierre sillonnent les espaces verts; une sculpture de nymphe orne les bassins d’eau; le café de l'université propose des rafraîchissements dans sa rotonde vitrée - et des étudiants, professeurs et même des enfants et adolescents s'adonnent partout à la planche à roulettes et au patin à roues alignées sur les larges sentiers.
Le FSV Bornheim a également été longtemps un petit bijou sportif. En effet, pendant des années, les hommes de ce club de quartier se sont maintenus dans la deuxième Bundesliga et ont attiré des clubs vedettes comme le 1. FC Köln ou le FC St. Pauli dans le stade de 12 000 places situé au centre-ville - nulle part ailleurs n’a-t-on été aussi proche de joueurs professionnels. Mais depuis que le club a été relégué à la Regionalliga en 2017, il faut à nouveau se rendre au stade de la Commerzbank pour voir la Bundesliga masculine et se mêler aux 45 000 partisans de l'Eintracht. Soit dit en passant, la division féminine du FSV a également connu plus de succès que son pendant masculin, avec trois championnats et cinq coupes, mais elle a été dissoute en 2006 pour des raisons financières.
Des dizaines d'entre eux ont lieu chaque année : le Brückenstraßenfest avec ses boutiques de design et de mode; le Berger Straßenfest, long de plusieurs kilomètres, où des dizaines de milliers de personnes se retrouvent pour une fête en plein air; ou le Koblenzer Straßenfest, d'inspiration alternative, avec des ventes aux enchères de vélos et de la musique électronique. Ces festivals sont organisés par des résident.e.s ou des groupes de citoyen.nes, on y installe des stands de nourriture et des bars à caïpirinha, et en plus des tombolas, des marchés aux puces et des stands d'information sur des initiatives citoyennes, on y organise des fêtes de rue jusque tard dans la nuit.