Vous est-il déjà arrivé de penser que vous mangiez ou buviez du plastique tous les jours ? Outre les milliers de photos et vidéos virales d’animaux pris dans des emballages plastiques – quand ils n’en ont pas ingéré de grandes quantités – qui défilent sur les réseaux sociaux, saviez-vous que 83 % de notre eau contient des microplastiques?
Le plastique ne se décompose jamais tout à fait ; il se désagrège en petites particules de moins de 2,5 mm, aussi appelées microplastiques, et rentre ainsi dans la chaîne alimentaire suivant deux scénarios : soit l’eau que nous buvons contient des microplastiques, favorisant le développement de cancers et de dysfonctionnements hormonaux ; soit les animaux, le confondant avec de la nourriture, ingèrent involontairement du plastique et nous le transmettent quand nous les mangeons. Dans les pays en voie de développement, comme l’Égypte, où le bétail, en liberté, pâture souvent dans les dépotoirs, lesquels regorgent souvent de plastique, il y a fort à croire que cette matière fasse partie de leur régime quotidien. Or, même en le gardant à la ferme et en surveillant ce qu’il mange, leur nourriture contiendrait très probablement du plastique – cela vaut pour l’Égypte comme pour le reste du monde.Le problème tient moins au plastique en soi qu’à son usage unique. Très pratique et polyvalent, il fait partie d’à peu près tout ce que nous utilisons au quotidien – ordinateurs portables, smartphones, vêtements, isolant électrique et j’en passe –, alors que le plastique à usage unique nous sert quelques secondes, met plus de 450 ans à se décomposer et finit dans les océans. Le plastique à usage unique, comme les sachets poubelles, les assiettes, les gobelets et les bouteilles, est fait d’un matériau très léger. Un simple coup de vent suffit à les envoyer dans le cours d’eau le plus proche qui finira par le rejeter dans la mer puis dans l’océan. Juste pour info, douze milliards de sachets plastiques ont été produits en Égypte en 2017 – prenez le temps de digérer cela.
Le mouvement contre le plastique : pourquoi il faut nous y mettre maintenant
Alexandrie n’est pas seulement la plus grande ville côtière d’Égypte. C’est aussi une des villes les plus touchées par les déchets marins, et partant, l’endroit idéal pour lancer le mouvement contre le plastique initié par le groupe Banlastic, qui s’est joint à plus de 70 autres pays ayant pris des mesures pour interdire le plastique. Si l’impact du plastique sur la vie aquatique et plus généralement le paysage ne suffisent pas à vous convaincre, songez aux objets plastiques qui volent et finissent par boucher les gouttières, provoquant des inondations en hiver. La perturbation de l’écosystème est un autre aspect du désastre. À l’été 2017, un nombre impressionnant de méduses envahissait la côte nord, empêchant les baigneurs mécontents de se mettre à l’eau. Et si vous vous demandez quel rapport il y a avec le plastique à usage unique, voici la réponse : les tortues se nourrissent de méduses. Et dans l’eau, la méduse ressemble à deux gouttes d’eau à un sachet plastique. Les tortues mangent donc le sachet par inadvertance, s’étouffent et meurent dans d’affreuses souffrances. Tout l’écosystème s’en trouve perturbé, jusqu’à faire de la tortue une espèce en voie d’extinction. Voilà pourquoi nous avons lancé Banlastic Egypt dans cette ville
Les actions comme celle du nettoyage de plage sont-elles efficaces?
Cela fait débat dans les cercles écologistes et au-delà de savoir si le nettoyage de plages peut résoudre le problème des déchets alors que les comportements des vacanciers n’ont pas changé. S’il n’y a pas de réelle prise de conscience, comment nos actions pourraient-elles avoir un quelconque effet ? Certains affirment néanmoins que les actions de nettoyage peuvent être considérées comme des manifestations écologiques et pacifiques pour attirer l’attention des vacanciers sur l’impact des détritus et la beauté des plages propres. Ces actions exercent indirectement une pression sur les pollueurs de plages. Elles contribuent à faire prendre conscience les gens qui jettent les détritus n’importe où et contribuent à normaliser les positions anti-déchets. Si les gens sentent que leurs actes sont condamnables, ils sont moins enclins à le faire. L’autre partie de l’équation est le gouvernement. Les actions de nettoyage peuvent pousser le gouvernement à intensifier ses efforts pour garder les littoraux propres, en fournissant plus de poubelles, en interdisant les plastiques à usage unique sur les plages pour, progressivement, les interdire jusque dans les supermarchés.
Par ailleurs, la pollution plastique n’affecte pas juste la vie aquatique : elle a aussi un impact sur l’eau potable, quand le plastique arrive dans les décharges, qui sont le plus souvent sauvages en Égypte. Avec un nombre d’autres facteurs, dont le soleil, la chaleur, la propagation de bactéries aérobies ou la décomposition des déchets organiques, le plastique commence à se désagréger, s’infiltre dans les sols et pollue l’eau souterraine. Plus tard, quand on la boit ou s’en sert pour irriguer les cultures, elle peut entraîner des problèmes sanitaires. Ainsi, l’accumulation de déchets plastiques dans les canaux d’eau et les sols accroît le taux d’évaporation, renforçant ainsi la pénurie d’eau dans les régions qui souffrent déjà de sécheresse.
Il en va de nos ressources en eau
Mais le problème ne s’arrête pas là. L’industrie de l’eau minérale en bouteille contribue directement à la crise. Et pour cause puisqu’elle fabrique plus de plastique que d’eau. Pour chaque litre d’eau mis en bouteille, elle en consomme trois litres pour fabriquer la bouteille en plastique. L’industrie de l’eau et des boissons en bouteille non seulement pollue l’environnement mais exacerbe aussi la crise de l’eau. Les sociétés d’eau en bouteille forent très profondément dans des villages éloignés pour pomper l’eau dont les populations ont besoin pour leur consommation ou l’agriculture. La situation est particulièrement dramatique dans les régions éloignées où les gens n’ont pas accès aux moyens pour extraire l’eau profondément enfouie
On pourrait facilement garder propres les plages en boycottant les plastiques à usage unique. Pour cela, il suffit de nous inspirer de nos grands-mères : apportons nos propres contenants pour le ful (haricots), prenons un filet pour le pain baladi, faisons nos courses avec des sachets maison, réutilisons nos bouteilles en verre et, enfin et surtout, boycottons les absurdités comme les pailles en plastique – et, s’il le faut, utilisons des pailles en inox, en papier ou en bambou !
La prochaine fois que vous achèterez une bouteille en plastique ou mangerez quelque chose dans un emballage plastique, demandez-vous : vais-je apprécier mon repas au plastique aujourd’hui ?!
Décembre 2019