L’ingénieur Azem Abou Daqqa est plein d’énergie positive, en voyant ses premiers succès en route vers les marchés locaux, quatre mois après avoir commencé un projet agricultural plein de promesses dans la bande de Gaza. L’ingénieur, comme le pharmacien Fedaa Abou Elyane, défie la réalité du siège israélien et la rareté des emplois pour les milliers de diplômés universitaires dans la bande côtière.
Au début de cette année (de l’année dernière), Abou Daqqa, diplômé en ingénierie agriculturale, s’est mis à cultiver 3000 plantes de laitue dans une serre de 200 m², cette fois-ci à l’aide de la technique d’hydroponie, rarement utilisée dans les territoires palestiniens occupés.L’ingénieur Abou Daqqa, en compagnie de sa sœur Safiya Abou Daqqa qui porte le même diplôme, a réussi à commercialiser les premières récoltes il y a à peu près un mois, après un effort commencé “à zéro” janvier dernier.
Grâce à ce succès, il a reçu un rendement financier qui lui donne satisfaction et espère développer son projet dans les jours qui viennent, dit Abou Daqqa.
La culture hydroponique dans la serre d'Azem Abou Daqqa dans la bande de Gaza | ©Afaq
Avantages de l’hydroponie
Abou Daqqa clarifie que la récolte sur la superficie indiquée correspond à la production à l’agriculture traditionnelle d’une parcelle de terre de 1500 m² de superficie.
Et donc parmi les avantages de la culture hydroponique, précise Abou Daqqa, est qu’elle raccourcit le temps d’attente de la récolte à peu près deux fois et demi, et produit jusqu’à deux fois le rendement de l’agriculture traditionnelle.
La culture hydroponique est une technique moderne mise en pratique dans la bande de Gaza, elle ne nécessite pas de terre et économise presque 90% de l’eau utilisée pour l’agriculture traditionnelle.
Selon le site web de l’Union des comités de travail agricole, cette méthode est importante dans la bande de Gaza, qui souffre du manque d’eau et de terre agricole. De plus, cette technique fournirait de la nourriture plus abondante et saine, car elle ne demande pas l’utilisation de pesticides chimiques et hormone artificielles utilisés dans le traitement de la terre agricole.
Le projet des ingénieurs Abou Daqqa se base sur la construction d’un support en acier sur lequel s’inclinent de larges tuyaux en acier de manière que l’eau touche les racines des plantes placées dans des pots en plastique troués pour permettre à l’eau d’y entrer et aux racines de s’étendre à l’extérieur.
Ensuite un cycle clos d’eau est activé à travers le pompage de l’eau dans les tuyaux qui contiennent une “ligne de retour” qui permet de rendre l’eau aux canons de pompe et de renouveler l’oxygène nécessaire aux plantes.
L’ingénieur Abou Daqqa poursuit en disant: “Dans ce système nous n’utilisons pas d’insecticides ou d’engrais chimiques comme dans l’agriculture traditionnelle, car nous avons des nutriments naturels pour nourrir les plantes.”
À travers l’hydroponie les plantes de laitue sont cultivées sans aucun milieu terreux car les plantes sont fixées à l’intérieur des sacs en plastique troués grâce à des roches volcaniques qui gardent les racines en place et augmentent l’humidité, selon Abou Daqqa.
Parmi trois types de cultures sur lesquels se fonde l’hydroponie, Abou Daqqa se concentre actuellement sur les cultures de feuilles estivales telles la laitue. Avec le succès de son premier essai, il compte se diriger vers la cultivation des cultures fruitières, tandis qu’il trouve que les cultures de tubercules nécessitent des techniques plus sophistiquées, et donc difficiles à mettre en pratique vu les ressources limitées auxquelles il a accès.
Précédemment, le ministère de l’agriculture à Gaza avait affirmé son soutien de l’hydroponie en vue d’économiser l’eau, les engrais, et la superficie de terre cultivée, étant donné la sévérité de l’étalement urbain et l'augmentation de la demande d'eau et de ressources à mesure que la population augmente.
La culture hydroponique à Gaza | ©Afaq
Difficultés
Car, comme dit l’ingénieur Abou Daqqa, “chaque début est difficile”, il admet que le début de ce projet a été “très difficile”, car il a dû commencer à zéro, mais il loue le soutien de sa famille, ses amis et de deux experts qu’il a consultés à propos de son idée.
Il ajoute: “Au début je n’ai pas pu obtenir certaines chose car elles ne sont pas disponibles dans la bande de Gaza, comme les pots déjà troués, et donc j’ai dû trouer près de 3000 pots manuellement pour planter autant de plantes de laitue,” appelant cela une tâche difficile.
L’ingénieur explique que l’hydroponie se caractérise par le coût élevé au départ pour lancer le projet, par rapport à l’agriculture traditionnelle, mais son avantage surgit plus tard demandant peu de frais, d’eau, de temps et de main d’œuvre.
Il signale également d’autres obstacles, comme l’indisponibilité des nitrates, qui servent de nourriture aux plantes, et qu’Israël interdit d’introduire dans la bande de Gaza, prétextant des raisons de sécurité.
Le projet d’Abou Daqqa est selon lui actuellement financé par l’Association allemande de coopération (BMZ), en partenariat avec l’organisation Save the Children International et implémenté par l’association Save Youth Future.
Israël prive depuis 13 ans des milliers de palestiniens dans la bande de Gaza de voyager à l’étranger pour commercialiser leurs initiatives ou suivre les développements dans divers spécialités. En même temps, Israël empêche l’entrée d’experts et spécialistes à la bande de Gaza pour aider à la qualification des entrepreneurs surtout les diplômés.
Les deux frères ingénieurs agronomes Abou Daqqa observent les plantules cultivées par hydroponie | ©Afaq
Autre défi
Non loin de la détermination des ingénieurs Abou Daqqa, Fedaa Abou Elyane, spécialiste en médicine de laboratoire, a défié l’interdiction israélienne et a pu fabriquer un appareil qui extrait les huiles des plantes médicinales et aromatiques.Les restrictions israéliennes ont posé un obstacle devant les tentatives répétées du diplômé de pharmacie d’importer de simples appareils de l’étranger pour extraire les huiles des graines, ce qui l’a poussé à développer ses compétences de recherche en profondeur sur internet, étudiant la composition de l’appareil et son fonctionnement jusqu’à ce qu’il put reproduire un appareil alternatif fabriqué à partir de matériaux locaux.
En parallèle, il s’est mis à cultiver une parcelle de terre avec quelques herbes et plantes médicinales et aromatiques à l’aide de l’agriculture biologique sans matières chimiques. Ensuite, il a commencé à extraire les huiles de ces herbes.
Abou Elyane a réussi à extraire les huiles selon deux méthodes: d’abord l’extraction d’huile à partir des graines, ensuite l’extraction d’huile des herbes et feuilles, comme l’huile de menthe, de ricin, de thym, de sauge, de camomille, de laitue, de nigelle, d’amande et le gel d’aloe. En plus de bien d’autres variétés.
Abou Elyane est fier d’extraire l’huile de sésame, en forte demande à Gaza pour traiter les enfants et les rhumes.
Des milliers de laitues cultivées par hydroponie à Gaza | ©Afaq
Idée préliminaire
Il affirme que cet appareil n’est qu’un prototype pour une usine d’huiles médicinales, et espère l’incuber et le développer pour servir les habitants de Gaza, riche, comme il dit, de plantes médicinales et aromatiques grâce au climat propice à ces cultures.Pour en revenir à l’ingénieur Abou Daqqa, sa première motivation pour le projet d’hydroponie a été sa profonde conviction que chacun doit avoir sa propre spécialité qui le distingue des autres, provenant de l’endroit où il se trouve, et suivant cette logique il en est arrivé à l’idée de la culture hydroponique qui correspond à ses études universitaires.
Abou Daqqa trouve que l’idée de l’hydroponie et de l’agriculture urbaine peut être généralisée dans la bande de Gaza, mais elle nécessite une bonne planification et suffisamment de temps.
De plus cela requiert comme l’affirme Abou Daqqa la tutelle d’associations de tels projets, et avant cela il faudrait essayer de convaincre les agriculteurs à la méthode traditionnelle de se convertir à la culture hydroponique à travers les expériences préliminaires, le parrainage institutionnel, l’entraînement et la sensibilisation.
Quant à Abou Elyane, il conseille les jeunes de sa génération à Gaza de ne pas perdre l’espoir ou se rendre à la triste réalité, mais de laisser des empreintes de succès à travers leur vie, car notre pays malgré tout “a beaucoup de bien” selon lui.
Décembre 2019