Carbon Technostructures : L’impact écologique de nos actions numériques
DÉPENDANCE À L’ÉNERGIE ET VISUALISATION
L’initiative Carbon Aware[4], qui rend visible ce qui a vocation à rester invisible, déploie une approche pédagogique de la question des objectifs de neutralité carbone et montre ainsi comment des interactions numériques en apparence simple peuvent déclencher un enchainement complexe de sources d’énergie et d’éléments composants le réseau. Pour visualiser leur provenance et leur empreinte carbone, ils ont développé un site web léger[5], dont la structure typographique et l’économie d’images permettent aux informations de parler pour elles-mêmes, à contre-courant des représentations romantiques du cloud[6].
TRACER SUR LE CLOUD
Cette étude se prolonge par une installation au sein même d’un espace culturel. Celle-ci représente en temps réel l’empreinte carbone à la manière d’un sismographe, attirant l’attention des visiteurs sur l’ironie sémantique de la légèreté et de l'immatérialité auquel le cloud est associé. Sur une structure en panneaux de verre, des dessins éphémères réalisés sur de la vapeur par un traceur mécanique mêlent rationalité des données et métaphore, pour exprimer l’ambiguïté du numérique qui structure notre réalité tout en restant insaisissable.
RECOMPOSER UNE INTELLIGIBILITÉ TECHNIQUE
S’il est souvent présenté comme un moyen de réduire les répercussions de la croissance sur la biosphère, le numérique a un impact environnemental réel qui va au-delà des appareils et des réseaux que nous utilisons et englobe aussi les émissions[7] du système technocapitaliste. Carbon Technostructures offre la possibilité d’une réflexion collective sur le statut des nouvelles technologies et sur le narratif imposé par l’hégémonie néolibérale. Sans prétendre à l’exemplarité, le projet est une introduction à la transformation numérique, comme une tentative pour recomposer une intelligibilité technique.(Texte traduit de l'anglais)
NOTES
[1] Fabrice Flipo, La Face cachée du numérique, Paris, L’Échappée, 2013[2] Fanny Lopez, À bout de Flux, Divergences Éditions, 2022
[3] Le Pavillon (Namur, Belgique) est un centre d’exposition, d’expérimentation et d’innovation consacré à la culture numérique.
[4] L’initiative Carbon Aware, phase initiale de Carbon Technostructures, est un projet portant sur l’estimation de l’impact carbone des technologies numériques. Il s’articule en deux volets : refonte de site web et visualisation des sources d’énergie.
[5] Un site web léger est un site conçu de façon à être fonctionnel, sans éléments superflus. Cette approche permet d’en réduire la consommation d’énergie tout le rendant plus performant, plus éthique et plus accessible.
[6] Le cloud est à la fois une machine et un système technocapitaliste qui se matérialise dans des disques durs, des câbles de fibre optique qui parcourent le fond des océans, du ciment, du métal, du bitume, des data centers et des ordinateurs.
[7] La production et le renouvellement des appareils numérique, le transport de l’énergie électrique et les infrastructures de distribution.
À propos de l'auteur :
Hugo Roger est un directeur artistique et curateur basé à Bruxelles. Son travail d’écriture et de curation examine les notions de représentation, d’héritage et de dialogue, à l’intersection de l’individuel et du collectif, afin d’initier des espaces de transmission durables et la réécriture de scénarios futurs. Actuellement, il explore les pratiques qui bouleversent les récits historiques et coloniaux, au travers de la recherche d’archives, du storytelling et de la fiction spéculative.En 2024, il a obtenu un diplôme post-universitaire en études curatoriales à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Gand (KASK). Il a travaillé pour le .tiff au FOMU d’Anvers, est assistant-curateur de la même exposition au Brakke Grond à Amsterdam, et a co-curaté les expositions collectives « Jumping Fences » à Het Paviljoen et « Grains of Sand Like Mountains » au Kunsthal Gent. Il a été sélectionné comme co-curateur et médiateur pour le pavillon belge à la 60e Exposition Internationale d’Art—La Biennale di Venezia dans le cadre du Young Curators Programme. Auparavant, il a été directeur artistique du studio Page Works à Bruxelles. Il a également travaillé comme designer graphique pour Philippe Apeloig à New York, où il a aussi collaboré avec Studio Lin, Small Editions, Nicole Kaack et SUN Publishing.