Didactique
Le multilinguisme dans la formation des enseignant·e·s
Comment les enseignant·e·s peuvent-ils ou elles exploiter le potentiel multilingue de leurs élèves en classe ? Et comment les étudiant·e·s en enseignement devraient-ils ou elles être préparé·e·s à la diversité linguistique en classe ? Telles sont les questions que se posent les chercheurs et chercheuses et les praticien·ne·s en Allemagne et en Europe.
De Janna Degener
Dès le recrutement des premiers travailleurs immigré·e·s dans les années 1950, les enfants d'immigré·e·s ont reçu un enseignement dans leur langue maternelle dans les écoles allemandes. Toutefois, ces offres étaient plutôt négligées et n'étaient pas reliées à l'enseignement régulier. Pendant longtemps, le plurilinguisme en tant que concept didactique n'a joué un rôle que dans les disciplines des langues étrangères.
Depuis le « choc PISA », certains départements, universités et instituts de formation ont développé davantage d'approches pour tenir compte de la diversité linguistique dans les écoles allemandes et du plurilinguisme de certain·e·s élèves : les enfants dont la langue d'origine n'est pas l'allemand doivent être encouragé·e·s sur le plan linguistique de manière à ce qu'ils ou elles atteignent, tant en allemand que dans leur langue maternelle, les conditions linguistiques nécessaires à la poursuite d'études supérieures. Pour ce faire, les langues d'origine ou familiales, mais aussi les connaissances en langues étrangères, doivent être intégrées dans l'enseignement de manière valorisante. Outre les compétences linguistiques quotidiennes, les élèves doivent également acquérir des compétences linguistiques éducatives ou spécialisées.
Dans le cadre du programme de recherche „Förderung von Kindern und Jugendlichen mit Migrationshintergrund“ (FörMig), la Commission fédérale des Länder pour la planification de l'éducation et la promotion de la recherche (BLK) a par exemple développé un modèle de « formation linguistique continue » qui encourage les compétences linguistiques éducatives des enfants et des jeunes, de la crèche à l'université. Même si ce concept a déjà été mis en pratique avec succès dans certains projets, on ne peut toutefois pas parler d'une mise en œuvre systématique ou même généralisée.
« De l'éducation de la petite enfance à la formation des adultes, il existe désormais de nombreux projets réussis. Au lieu d'intégrer le concept de formation linguistique continue et la mosaïque de projets réussis dans une stratégie globale, de nombreux projets ne sont malheureusement pas poursuivis », déclare Elisabeth Gessner du Forum Lesen à Kassel.
Apprendre à apprécier et à utiliser le multilinguisme
Néanmoins, les thèmes de l'éducation linguistique, de la promotion de la langue et de l'allemand langue seconde sont désormais également présents dans la formation initiale et continue des enseignant·e·s. « Nous en sommes arrivés au point où le multilinguisme joue un rôle dans la formation pluridisciplinaire des enseignant·e·s », explique le professeur Beate Lütke du département « Didactique de la langue allemande et de l'allemand langue seconde » pour tous les corps enseignants à l'université Humboldt de Berlin.Actuellement, les scientifiques et les praticien·ne·s discutent de la manière dont les enseignant·e·s et les étudiant·e·s en formation initiale peuvent être amené·e·s à aborder le thème du plurilinguisme et sur quels contenus il convient de se concentrer. « Un aspect important est la sensibilisation des étudiant·e·s aux exigences linguistiques de l'enseignement non linguistique et à l'activité d'enseignement à des groupes d'élèves hétérogènes sur le plan linguistique et culturel. Les études portent par exemple sur les attitudes des étudiant·e·s en formation initiale face à un groupe d'élèves plurilingues et sur la façon dont ils ou elles tiennent compte des ressources plurilingues de leurs élèves dans la planification de leurs cours », explique Beate Lütke. Aux États-Unis, par exemple, il existe déjà des concepts permettant d'intégrer l'espagnol, langue d'origine de nombreux migrant·e·s, dans les phases d'enseignement de l'activation des connaissances préalables et de l'organisation du travail. En Allemagne, le matériel FörMig offre de premiers exemples.
Dans le projet berlinois Sprachen - Bilden - Chancen, que dirige Beate Lütke, des linguistes et des didacticien·ne·s ont développé ensemble du matériel afin d'améliorer la formation des enseignant·e·s dans le domaine de l'apprentissage des langues et de l'allemand langue seconde. « Les étudiant·e·s en formation d'enseignant·e·s et les formateurs/-trices peuvent, à l'aide de ces matériaux, se faire une idée de la manière dont les élèves peuvent être soutenu·e·s dans le développement d'une compétence linguistique quotidienne vers une compétence linguistique éducative et spécialisée, et du rôle que peuvent jouer des méthodes telles que le macro- et le micro-scaffolding », explique Beate Lütke. En outre, les guides contiennent des exemples sur la façon dont les potentiels de la langue d'origine, l'apprentissage technique et l'acquisition de l’allemand en tant que langue seconde peuvent être combinés. Le programme FörMig met également à disposition du matériel pour la formation continue des enseignant·e·s, qui porte par exemple sur la lecture dialoguée, le décodage et l'élaboration de consignes de travail et sur l'acquisition de la langue écrite chez les enfants monolingues et multilingues.
Échange international de praticien·ne·s et de scientifiques
La neuvième réunion de la série internationale "Le multilinguisme, une chance", organisée par un consortium européen d'instituts de recherche à Nysa (Pologne) en mai 2023, vise à renforcer les échanges entre les praticien·ne·s et les chercheurs/-euses qui s'occupent de l'internationalisation de la formation des enseignant·e·s et de la promotion du multilinguisme chez les enfants et les jeunes. "Étant donné que les conditions-cadres varient d'un pays à l'autre, nous ne cherchons pas de recette miracle valable partout, mais nous travaillons à l'élaboration d'un atlas du plurilinguisme", explique la directrice du consortium, Elisabeth Gessner.En Suisse et en Belgique, les scientifiques étudient par exemple la manière dont les textes peuvent être rendus compréhensibles pour tou·te·s les élèves en graduant le niveau de difficulté. Pour développer de telles idées, les expert·e·s misent de manière ciblée sur la collaboration avec des étudiant·e·s en formation d'enseignant·e·s issu·e·s de l'immigration, explique Elisabeth Gessner : « Ces étudiant·e·s sont des bénéficiaires de l’éducation qui ont traversé avec succès le système scolaire allemand. Ils ou elles montrent un grand intérêt à améliorer la réussite scolaire des enfants issu·e·s de familles immigrées et nous aident à attirer l'attention sur le potentiel du multilinguisme ».