Écoblanchiment  Mensonges verts: Faire confiance c'est mal, contrôler, c'est mieux

Champ de soja au Brésil.
Champ de soja au Brésil. Photo (détail) : © Adobe

Non seulement l'écoblanchiment trompe les consommateurs.rices, mais il fait également obstacle à un véritable changement : les promesses écologiques, telles que les certifications volontaires, ont longtemps fait croire au public que l'économie mondiale deviendrait plus verte par elle-même. Mais cela n'a jamais été le cas. Une loi doit désormais y remédier.
 

Les aliments pour chiens de la marque Terra Canis de Nestlé portent l’inscription « Save the Planet » : pour chaque boîte de viande vendue de cette gamme de produits, un don est fait pour le reboisement des forêts, la production de lumières solaires en Afrique ou le nettoyage des océans. Plus on achète de boîtes de viande, plus on contribue à sauver la planète - c'est du moins l'impression que l'on veut donner.

Ce que les emballages d'aliments pour chiens contenant de la viande ne mentionnent pas, c’est que c'est justement la consommation immense et croissante de viande dans le monde entier qui contribue de manière déterminante à la destruction des forêts. Celles-ci sont notamment détruites pour cultiver des aliments pour le bétail comme le soja, et ce de préférence dans des monocultures nocives pour le climat. C'est aussi pour cette raison que, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'élevage de bétail est à l'origine d'environ 14,5 pour cent des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

L’écoblanchiment est la stratégie des groupes qui, à l'instar de Nestlé, tentent de dissimuler leur activité principale, nuisible à l'environnement et au climat, sous un manteau vert. Les instruments utilisés diffèrent, mais le mode de fonctionnement est toujours le même : le marketing met l'accent sur l'engagement environnemental de l'entreprise à l'aide de belles paroles et d'images - sans mentionner son activité principale, aussi nocive que rentable. Ainsi, on donne bonne conscience aux consommateur.trices. Les promesses de réduction des émissions de CO2 en font également partie. Certains groupes oeuvrant dans les domaines du pétrole, de l’automobile, du béton et du charbon promettent même des « émissions zéro » d'ici 2050, c'est-à-dire que leurs industries ne rejetteront plus de gaz à effet de serre d'ici là. Pour compenser leurs émissions, ils misent sur des mesures de reforestation, par exemple, sans pour autant renoncer à leur activité principale basée sur l’exploitation de matières premières non renouvelables. Les dommages environnementaux causés par l'extraction de combustibles fossiles ne sont pas évités pour autant. Et sur dix projets de reforestation, neuf échouent.
 
Shell s'est fixé pour objectif de devenir carboneutre d'ici 2050 - mais le groupe ne veut pas pour l'instant abandonner ses activités pétrolières et gazières, et mise sur la compensation et le stockage de CO2. Des militants de Greenpeace manifestent en octobre 2021 à Glasgow contre l'exploitation des combustibles fossiles avec des affiches arborant le slogan « Fossil free revolution ».

Shell s'est fixé pour objectif de devenir carboneutre d'ici 2050 - mais le groupe ne veut pas pour l'instant abandonner ses activités pétrolières et gazières, et mise sur la compensation et le stockage de CO2. Des militants de Greenpeace manifestent en octobre 2021 à Glasgow contre l'exploitation des combustibles fossiles avec des affiches arborant le slogan « Fossil free revolution ». | Foto (Détail) : © picture alliance/ASSOCIATED PRESS/Peter Dejong

Les promesses vaines des sceaux écoresponsables 

L’écoblanchiment a de nombreux visages. Certaines entreprises ont recours à des campagnes de dons comme Nestlé, d'autres lancent leurs propres projets environnementaux ou travaillent avec des organisations de protection de la nature. Mais les systèmes de certification privés et volontaires, tels qu'ils existent pour des matières premières comme le bois, l'huile de palme, le soja, le coton, le cacao, le café et le thé, sont également devenus un instrument essentiel de l'écoblanchiment.

Non seulement de tels sceaux de durabilité inspirent confiance auprès des consommateur.trices - des organisations non gouvernementales (ONG) et même une partie de la classe politique misent sur leur capacité à orienter l'économie sur une voie durable. Les partisans de ces initiatives affirment que si l'on incite les entreprises qui causent des dommages environnementaux majeurs à se conformer volontairement à des normes environnementales et sociales, il sera possible d’endiguer la destruction de l’environnement. Mais cet effet ne s’est pas encore fait sentir. De plus, les initiatives de certification font régulièrement l'objet de critiques, car il s'avère que les produits certifiés ne sont pas fabriqués de manière durable ou ne le sont pas suffisamment.
 
Les systèmes de certification privés ou volontaires sont devenus un instrument essentiel de l’écoblanchiment.

Les systèmes de certification privés ou volontaires sont devenus un instrument essentiel de l’écoblanchiment. | Foto (Détail) : © picture alliance/ZB/Patrick Pleul

L'autocontrôle ne fonctionne pas 

Il y a quelques années, l'entreprise de produits surgelés Iglo annonçait que pour chaque paquet de bâtonnets de poisson vendu, elle reversait quelques cents à un projet de protection des mers soutenu par l'organisation de protection de la nature WWF. Aujourd'hui, Iglo vend du poisson issu d’une pêcherie durable et certifiée MSC. Le sceau du Marine Stewartship Council figure sur douze pour cent des produits de la mer dans le monde. Mais cette initiative est critiquée depuis des années : en 2012, l'institut Geomar de Kiel a prouvé qu'un tiers du poisson certifié MSC provenait de stocks surexploités. Selon un rapport récent de l'ONG française BLOOM, 83 pour cent des prises certifiées MSC ont été réalisées à l’aide de méthodes de pêche destructrices, comme le chalutage par de grands navires industriels. Et le sceau MSC n'est pas un cas isolé.

En mars 2021, Greenpeace présentait une étude  intitulée « Destruction certifiée ». Celle-ci examinait neuf grands systèmes de certification de matières premières, dont la Table ronde sur l'huile de palme durable (RSPO), la Table ronde sur la production responsable de soja (RTRS), la Rainforest Alliance et le Forest Stewardship Council (FSC). L'étude a conclu que ces systèmes constituaient « un instrument faible contre la destruction globale des forêts et des écosystèmes ». La plupart des sceaux étudiés permettaient aux entreprises de poursuivre leurs pratiques destructrices.
 
Là où se trouvait autrefois la forêt tropicale, on cultive aujourd'hui du soja : récolte de soja dans le Mato Grosso au Brésil.

Là où se trouvait autrefois la forêt tropicale, on cultive aujourd'hui du soja : récolte de soja dans le Mato Grosso au Brésil. | Photo (détail) : © Adobe

Cela ne s’explique pas seulement par des critères trop faibles, mais souvent aussi par une mauvaise mise en œuvre et un manque de transparence. En effet, les comités et conseils d'administration régissant les systèmes de certification sont souvent composés majoritairement de groupes qui dépendent de l'extraction des matières premières ou qui en profitent. Ainsi, la Table ronde sur l'huile de palme durable compte 1934 membres à part entière, dont 973 entreprises oeuvrant dans le domaines des biens de consommation, 887 entreprises d'huile de palme et 15 banques - mais seulement 50 ONG. En conséquence, il n'y a pas ou peu de sanctions efficaces si les membres enfreignent les directives - souvent faibles de toute façon - qu'ils ont eux-mêmes contribué à définir. L'étude n'a pas pris en compte la certification bio pour les produits alimentaires qui, selon Greenpeace, est bien réglementée et beaucoup plus fiable. Il est vrai que cette certification fait l’objet de critiques - mais le sceau bio est attribué par l’État, et il existe des normes obligatoires ainsi que des contrôles et des sanctions en cas de non-respect.

De nouvelles lois au lieu de l'écoblanchiment 

Au cours des 20 dernières années, l'engagement volontaire des entreprises n’a pas apporté de changements significatifs - la classe politique allemande reconnaît cet état de fait et veut rendre les groupes juridiquement responsables. Soumis à une forte pression de la société civile, le gouvernement fédéral a adopté à l’été 2021 une loi sur la chaîne d'approvisionnement. Cette loi doit contraindre les entreprises à s’acquitter de leur obligation de diligence en matière de droits de l'homme tout au long de la chaîne d'approvisionnement.

Les groupes de pression de l'industrie ont certes réussi à affaiblir considérablement le projet de loi : au lieu de s'appliquer aux entreprises à partir de 250 employés; il ne s'applique dans un premier temps qu'à celles employant au moins 3000 personnes, il ne contient aucune responsabilité civile et ne concerne que les fournisseurs directs. Mais ils n'ont pu empêcher son entrée en vigueur. L’époque où les engagements volontaires suffisaient sera bientôt révolue.