Comment assurer une transition juste vers un monde plus durable, et pourquoi est-ce essentiel ?
L'importance de la JUSTICE climatique
Face à la crise climatique, il faut garder à l'esprit que, même si nous traversons tous la même tempête, nous ne sommes pas tous dans le même bateau. Là où d'aucuns naviguent paisiblement sur leur yacht, d'autres s'échinent à bord de leur canoë, tandis que d'autres encore sont en train de sombrer. Si nous voulons nous orienter vers une économie climatiquement neutre, nous devons admettre que le point de départ diffère pour chacun d'entre nous. Partager des ambitions identiques n'empêche pas certains d'avoir besoin de plus de soutien que d'autres pour parvenir à leurs fins. Pour qu'une transition soit juste, il est impératif de tenir compte des communautés qui se trouvent en première ligne et subissent actuellement les effets de la crise climatique, mais aussi de veiller à ce que personne ne soit oublié lors du passage à une économie plus durable.
De Lola Segers
Comment l'UE va-t-elle garantir une transition juste ?
En 2020, la Commission européenne a présenté le mécanisme pour une transition juste (MTJ) du Pacte vert pour l'Europe, qui vise à assurer une transition juste vers un monde plus écologique où personne n'est laissé pour compte. Ce mécanisme est un élément important ajouté au Pacte vert et à son objectif de zéro émission nette d'ici 2050. Il repose sur trois piliers :
PREMIÈREMENT, un Fonds pour une transition juste – 7,8 milliards d'euros
Un outil financé par l'UE, destiné aux régions qui dépendent encore beaucoup des industries employant des combustibles fossiles et générant d'importantes émissions. Ce fonds sera investi dans des entreprises écologiques, dans la recherche et l'innovation, dans la reconversion professionnelle des travailleurs, dans l'aide à la recherche d'emploi, etc.
DEUXIÈMEMENT - un dispositif pour une transition juste dans le cadre d'InvestEU – 1,8 milliard d'euros
Ce deuxième pilier fournira une plus large gamme d'investissements, notamment dans l'énergie et les infrastructures de transport.
TROISIÈMEMENT, une facilité de prêt au secteur public – 1,5 milliard d'euros – et un prêt de 10 milliards d'euros de la Banque européenne d'investissement
Cette facilité de prêt viendra surtout renforcer les investissements publics en proposant des conditions d'emprunt avantageuses aux régions les plus touchées par la transition.
Le financement du MTJ européen servira principalement à soutenir les régions d'Europe qui consomment encore de grandes quantités de combustibles fossiles (Pologne, Grèce, etc.). Ces régions devront subir de profondes mutations ; elles auront donc besoin d'aide pour assurer une transition juste, mais aussi protéger les catégories de population les plus touchées, celles et ceux qui travaillent dans des industries polluantes qui n'ont plus leur place dans le monde de demain.
Que voulons-nous ? LA JUSTICE CLIMATIQUE !
Quand la voulons-nous ? MAINTENANT !
Le terme justice climatique a toute son importance : l'utiliser permet d’envisager le changement climatique de façon plus globale. Il inclut l'aspect éthique, politique et social au lieu de se cantonner au seul environnement physique. Ces dernières années, le mouvement climatique international a tenté de détourner l'attention du monde occidental pour l'attirer vers les régions MAPA*, afin de mettre en lumière les difficultés qu'elles rencontrent d'ores et déjà à cause du changement climatique. Nous sommes convaincus qu'il incombe à l'Occident d'offrir un maximum de soutien à ces régions, car ce sont elles qui souffrent le plus malgré leur responsabilité quasi nulle dans la crise climatique. (Mon précédent article de blog s'intéresse plus en détail à cette problématique).
En dépit des efforts consentis, nous constatons qu'aucune politique n'en tient compte. Le MTJ se concentre exclusivement sur les citoyens européens, sans étendre le concept de transition juste au-delà des frontières de l'UE. Or l'abandon progressif des combustibles fossiles aura non seulement un impact sur les Européens qui dépendent encore grandement de ces secteurs polluants, mais aussi sur d'autres nations pour qui les échanges avec le Vieux Continent sont capitaux. Si l'Europe continue à se procurer des ressources toxiques dans de lointaines contrées, la transition n'est qu'une illusion ; d'un autre côté, si elle met fin à ce commerce, le concept de transition juste doit dépasser ses frontières. Avec la mondialisation, nous avons commencé à entretenir des liens étroits avec une multitude de pays, ce qui comporte son lot d'avantages mais aussi d'obligations les uns envers les autres, indépendamment des frontières géographiques.
La justice climatique est indissociable de la justice sociale. Nous devons embarquer tout le monde à bord et ne laisser personne en reste à quai au moment où nous opérerons notre transition. La lutte contre le changement climatique consiste à créer un monde meilleur pour l'ensemble de la population ; nous n'y parviendrons pas si nous fermons les yeux sur les inégalités de l'ère actuelle, car nous ne ferions que remplacer un problème (la crise climatique) par un autre (d'autres crises sociales). Nous devons prendre soin de l'ensemble des habitants de cette planète.
Les tracés des frontières nationales sur les cartes sont artificiels, aussi peu naturels pour nous que pour les oiseaux qui les survolent. Notre premier réflexe devrait être de les ignorer.
Mohsin Hamid
Soyons inclusifs, impliquons tout le monde, établissons un dialogue entre nations et générations. Mais comment ? Vous le découvrirez dans l'article de la semaine prochaine !
*MAPA est l'abréviation de « Most Affected People and Areas ». Ce terme donne plus de visibilité aux communautés les plus touchées par les effets du changement climatique.