Politique linguistique
Les professeur·e·s d'allemand sont des acteurs/-trices clés

Au moins 4.000 professeur·e·s d'allemand langue étrangère supplémentaires sont nécessaires dans le monde entier. Car pour les travailleurs/-euses qualifié·e·s et les étudiant·e·s intéressé·e·s, les connaissances linguistiques sont la clé de l'intégration. Seuls des enseignant·e·s bien formé·e·s dans les pays d'origine peuvent constituer un appui efficace. C'est ce qu'a abordé un colloque de deux jours à Berlin : « Pas de travailleurs/-euses qualifié·e·s sans enseignant·e·s ».
De Elske Brault
« Une enseignante d'allemand à l'étranger ne fait pas qu'enseigner l'allemand. S'il s'agit de cours pour des travailleurs/-euses qualifié·e·s, elle est également conseillère en matière d'intégration », explique Dina Radwan, directrice de la coopération éducative et linguistique au Goethe-Institut du Caire. « Les enseignant·e·s ont besoin d'une qualification supplémentaire ». Radwan a trouvé le chemin de l'enseignement via le programme du Goethe-Institut « Apprendre à enseigner l'allemand » (DLL) et des stages d'observation : des éléments théoriques et pratiques sont combinés dans le « diplôme vert », la qualification interne pour les enseignant·e·s d'allemand dans les Instituts Goethe à l’étranger. Lorsque le ministère égyptien de l'Éducation a voulu proposer en 2019 des cours d'allemand d'accompagnement pour les étudiant·e·s en ingénierie et en médecine, la coopération avec le Goethe-Institut, dont Dina Radwan s'occupe, s'est mise en place. « Quelques entreprises allemandes sont installées au Caire", explique-t-elle, « la Deutsche Bahn ou la Chambre de commerce extérieur réservent des cours de langue pour des groupes ».

Des expert·e·s en formation continue du Goethe-Institut informent sur le programme (Axel Grimpe, Goethe-Institut Jakarta, Steffen Kaupp, Goethe-Institut Hanoi, Jörg Klinner, Goethe-Institut Sao Paolo, Katina Klänhard, siège du Goethe-Institut). | © Goethe-Institut / Bernhard Ludewig
Tou·te·s trouvent l'apprentissage des langues important
Un bon enseignement de l'allemand est une condition préalable à la réussite de l'immigration en Allemagne. C'est ce qu'a étudié Thomas Liebig, économiste en chef à l'OCDE. Il a interrogé des candidat·e·s à l'immigration et des immigré·e·s du monde entier sur l'importance qu'ils ou elles accordent à la langue allemande pour une installation réussie. Avant même de partir pour l'Allemagne, rares étaient celles et ceux qui se faisaient l'illusion de pouvoir s'en sortir en parlant uniquement anglais. Mais pour celles et ceux qui ont déjà immigré, les choses sont claires : ils ou elles estiment qu'il est particulièrement important de maîtriser la langue pour réussir sa nouvelle vie en Allemagne. C'est au plus tard à ce moment-là qu'il devient évident qu'un bon enseignement de l'allemand dans le pays d'origine devrait viser à renforcer la capacité de communication. "La volonté d'apprendre l'allemand avant l'arrivée est très élevée chez les candidat·e·s à l'étranger - mais les possibilités sont limitées", résume Liebig. Dans des pays comme le Mexique, le Kenya ou l'Inde, la formation des enseignant·e·s ne suit pas le rythme de la demande.Surana Vibah, professeure d'allemand à l'université de Mumbai, raconte en riant qu'elle a été réveillée la veille par un appel du ministre de l'Éducation d'une grande province indienne : "Il nous a demandé si nous pouvions enseigner l'allemand à 10.000 travailleurs/-euses qualifié·e·s. Il s'agirait d'un accord avec le Bade-Wurtemberg". Au représentant de l'Office allemand d'échanges universitaires (DAAD), qui était également présent sur le podium, Vibah a demandé des bourses pour les professeur·e·s d'allemand ou d'autres formes de soutien financier. Car cela aussi est un obstacle : les enseignant·e·s sont souvent moins bien payé·e·s et moins considéré·e·s à l'étranger qu'en Allemagne. Le Goethe-Institut tente de remédier à cette pénurie par le biais de programmes spéciaux et de coopérations, afin que l'enseignement de l'allemand, par exemple, fasse partie à l'avenir de l'offre des écoles professionnelles au Vietnam.

La professeure Surana Vibah de l'université de Mumbai parle du potentiel de l'allemand langue étrangère en Inde. | | © Goethe-Institut / Bernhard Ludewig
Petits groupes et formation améliorée des enseignant·e·s
Dans de nombreux pays, les connaissances méthodologiques et didactiques de base font défaut : la tradition y est l'enseignement frontal avec soixante apprenant·e·s qui répètent des phrases prémâchées par l'enseignant·e. Et les examens portent sur la grammaire, par exemple sur la reconnaissance du verbe dans la phrase. Au lieu de cela, il faudrait s'entraîner à parler de ses sentiments et de ses problèmes quotidiens en petits groupes. Une meilleure formation des enseignant·e·s doit à l'avenir briser les vieilles habitudes et ne pas se contenter de transmettre des connaissances en allemand, mais aussi une conception moderne de l'enseignement. Jan Sprenger, directeur de la formation continue au Goethe-Institut, a formulé les principales exigences d'une formation des enseignant·e·s à l'étranger adaptée aux besoins :- offrir de bonnes opportunités de travail et de carrière aux enseignant·e·s d'allemand,
- permettre des séjours en Allemagne grâce à des bourses, afin que les professeur·e·s puissent enseigner dans leur pays d'origine avec des connaissances pratiques et des connaissances civilisationnelles
- établir également une reconnaissance des qualifications dans les systèmes éducatifs étrangers.

Amira El-Ahl (modératrice), Christoph Mohr (responsable du programme de mise en réseau) et Jan Sprenger (responsable de la formation continue) donnent un aperçu des axes principaux de la conférence. | © Goethe-Institut / Bernhard Ludewig
4.000 professeur·e·s d'allemand supplémentaires seront nécessaires dans les années à venir pour couvrir les besoins, selon la présidente du Goethe-Institut, Carola Lentz. La nouvelle loi sur l'immigration des travailleuses et travailleurs qualifié·e·s, en vigueur en tous points depuis juin 2024, facilite l’arrivée de ces derniers/-ères en Allemagne. Toutefois, « l'allemand n'était pas au centre des préoccupations », admet Boris Petschulat du ministère fédéral de l'Économie et de la Protection du climat, « pour la plupart des visas, les connaissances linguistiques ne sont pas nécessaires ».
Un bon enseignement de l'allemand nécessite un soutien ciblé
Il était donc d'autant plus important de faire comprendre lors de la conférence aux conseillères et conseillers des ministères qu'un bon enseignement de l'allemand à l'étranger nécessite un soutien ciblé et des programmes de formation. Le Goethe-Institut a développé une large offre en ligne pour, d'une part, recruter de nouveaux et nouvelles professeur·e·s d'allemand et, d'autre part, préparer à l'immigration en Allemagne. Le site web "Mon chemin vers l'Allemagne" (Mein Weg nach Deutschland) fournit des informations préalables sur de nombreuses questions pratiques : l'éventail va de l'inscription aux impôts à l'assurance maladie en passant par le tri des déchets.
Comment l'enseignement des langues doit-il évoluer pour mieux répondre aux exigences complexes ? | © Goethe-Institut / Bernhard Ludewig
C'est manifestement nécessaire, car : "L'Allemagne a été un choc culturel pour moi", déclare Houssame Mabrouk, originaire du Maroc. Cuisinier et restaurateur de formation, il a découvert les possibilités de travail en Allemagne grâce à un projet de la GIZ (n.d.l.r. une organisation allemande de coopération au développement) pour les travailleurs/-euses qualifié·e·s en fin de formation. Pendant la pandémie de Covid, il a appris l'allemand en suivant des cours en ligne. Aujourd'hui, il dirige le restaurant d'une entreprise familiale à Oberstaufen, une petite ville bavaroise de 3000 habitant·e·s. Le colloque a montré que les immigré·e·s comme Mabrouk sont aussi une chance pour la société allemande. La langue allemande est la clé de la compréhension pour les deux parties et elle a besoin de médiateurs/-trices compétent·e·s et engagé·e·s.