Faille dans le système
Le Principe de Peter
Comment est-il possible, se demandait le jeune professeur canadien Laurence J. Peter au milieu des années 60, que l’on rencontre autant d’employé.e.s incompétent.e.s dans sa vie professionnelle ? Où se trouve la faille dans le système ? Il a publié ses recherches dans un livre, qui ne se prend pas toujours au sérieux, « Le Principe de Peter » . Nous jetons ici un regard critique sur ce principe, qui semble à première vue concluant. Parvient-il vraiment à expliquer les inefficacités du marché du travail, ou est-il plutôt ce qu’il était censé être à l’origine, à savoir une plaisanterie ?
« Dans une hiérarchie, tout employé tend à s’élever jusqu’à son niveau d’incompétence. »
Laurence J. Peter
Le monde des décideurs et des meneurs
Pour illustrer ce principe, Peter présente, entre autres exemples, celui de l’enseignant B. Lunt. Ce jeune homme avait été un étudiant exemplaire et il était un enseignant talentueux et compétent. Il a donc bientôt porté le titre de directeur d’école. Comme il s’agit d’un exemple, la catastrophe prévue par le principe de Peter suit immédiatement. Le nouveau directeur n’arrive pas à s’acquitter de ses nouvelles tâches. M. Lunt ne s’y retrouve pas dans le monde bureaucratique des décideurs et des meneurs, il manque de finesse et de compétences stratégiques. Pourtant, la tâche d.’une.u directeur.trice n’est pas nécessairement plus difficile que celle d’un.e enseignant.e (le contraire pourrait être tout aussi juste) - elle est simplement différente. En tant que directeur.trice, on doit faire preuve de compétences politiques. Il faut avoir un horizon de planification beaucoup plus large et moins de patience, et les personnes avec lesquelles on traite savent déjà tout et ne veulent en aucun cas apprendre quelque chose de nouveau. Si on y réfléchit bien, un.e directeur.trice est une sorte d’anti-enseignant.e.Comme un cours pour débutants
Revenons aux conditions du modèle. Peter part du principe que toutes les entreprises ont une forme pyramidale, c’est-à-dire que le nombre de titulaires de postes diminue à mesure que le niveau hiérarchique augmente. Dans son modèle, tous les postes sont définis avec précision et les tâches qui les accompagnent sont immuables. De plus, les activités associées à un poste en particulier sont très différentes de celles du poste supérieur. Il est clair que dans le monde du travail actuel, des conditions aussi extrêmes sont rarement remplies. Dans la plupart des entreprises, il est très utile de bien maîtriser les tâches des niveaux hiérarchiques inférieurs, et l’ascension linéaire et régulière est beaucoup plus rare aujourd’hui qu’il y a 60 ans. Les gens changent beaucoup plus souvent d’emploi, ils commencent quelque chose de nouveau et surtout - ils sont capables d’apprendre. C’est là que réside l’erreur du principe de Peter : les gens sont capables d’apprendre. Ils s’adaptent à la nouvelle situation. Ou mieux encore, ils adaptent leur poste à leurs propres capacités.Mais alors pourquoi devrait-on encore se préoccuper du principe de Peter aujourd’hui ? On peut le considérer comme une introduction à un sujet complexe, une sorte de cours pour débutants. Les failles dans le système existent toujours, mais qui sait, le monde du travail d’aujourd’hui doit peut-être des remerciements aux observations astucieuses de Laurence J. Peter. Car l’hiérarchologie, telle que Peter l’a décrite il y a presque 60 ans n’existe plus aujourd’hui, pas même dans le service public.
Autres raisons de promotions injustifiées
Heureusement, Laurence Peter a tout un éventail de cas particuliers pour appliquer son principe à encore plus de cas. Les plus intéressants sont ceux dans lesquels même des employé.e.s incompétent.e.s dans le poste qu’ils occupent obtiennent une promotion.
La sublimation percutante est une sorte de motivation pour tous les autres. La promotion d’un.e incompétent.e est censée faire naître l’espoir que d’autres obtiendront bientôt une promotion aussi.
L’inversion de Peter. Dans ce cas, la promotion d’un.e. incapable dépend de son respect rigoureux des règles. Le sens de la règle est poussé ad absurdum. En fait, les règles ont été créées pour accroître la productivité. Mais dans ce cas pratique, le respect des règles devient plus important que la productivité, qui souffre en outre d’une observation obsessive et rigoureuse des règles bureaucratiques.
L’arabesque latérale consiste à promouvoir une personne pour la mettre à l’écart. En créant un poste qui semble intéressant, on retire la personne incapable du poste où elle pourrait nuire.