Danse contemporain
La forme de l’avenir
La prise de risques est intimement liée à la réalisation d’erreurs. En matière de réflexion et de création artistique, les erreurs peuvent être corrigées ou modifiées. Il est possible de façonner la rupture. L’idée primordiale est de comprendre que ce sont les dissonances et les questions inhérentes qui prévalent.
Il ne s’agit pas de chercher consciemment les erreurs ou de créer des artifices pour les masquer. Il s’agit plutôt d’une attitude de remise en question qui est à la base de ces interrogations sur l’imperfection et qui encourage la quête d’une voix authentique. En danse contemporaine, l’idée de mobiliser le pouvoir de la spontanéité et d’accueillir les opportunités — et les erreurs — est essentielle.
À la fin des années 1990, la chorégraphe de danse contemporaine et conservatrice Lynda Gaudreau proposait une série d’œuvres faisant partie intégrante de son projet Encyclopœdia. À l’époque, elle levait le rideau sur les questions qui s’imposent et qui se posent au cours de son œuvre, donnant un aperçu de son art, et surtout, de son identité en tant qu’artiste. « L’essentiel dans cette Encyclopœdia, c’est de conserver cet esprit de laboratoire, de recherche, de ne pas avoir peur de faire des erreurs. Voilà ce qui me pousse à utiliser d’autres formes d’expression, dont la littérature, la vidéo, la photographie, le film et l’installation », a-t-elle déclaré.
En vérité, l’espace créatif évolue autour de contradictions, de questions délicates, de ruptures imprévues et d’une aversion à l’égard de la « perfection ». Sonder les failles de la création est une pratique immersive. La réflexion d’Akram Khan sur les exigences de la recherche de la perfection est éloquente. Il préfère les erreurs, car elles sont plus intéressantes. Lors d’une discussion après un spectacle, il a affirmé que sa formation s’était complétée en se consacrant entièrement à la tâche, toutefois, lorsque les mesures se brisent, c’est de là que naît l’information.
À l’instar des erreurs, cette pratique a ouvert de nouvelles voies pour Cunningham et Cage. Dans leur lieu de refuge, ils ont profondément transformé la façon dont la collaboration est perçue.
Le spectacle du MoMA a fait des merveilles, puisque chaque personne créait sa propre danse/chorégraphie de deux minutes sur un morceau de musique favori, qu’elle interprétait ensuite alors que le reste de la compagnie essayait de suivre derrière elle. J’insiste sur le mot « essayé », car personne n’était censé apprendre la danse ou prouver son savoir-faire. En réalité, le fait d’être bon joueur, d’être vulnérable et de commettre des erreurs a fondamentalement démocratisé l’œuvre. Comme l’a remarqué un participant, cet esprit d’ouverture qui « expose nos dérapages — en d’autres termes, tout ce qui est doux-amer dans le fait d’être humain — est précisément ce qui nous attire les uns vers les autres ».
Selon un article du New York Times, Bel n’a pas peur de l’échec ni ne se préoccupe des structures verrouillées. « Je ne souhaite pas faire un musée de moi-même », dit-il. « Je veux créer de nouvelles choses. » Avec son approche du mouvement, ce type de mise en scène renforce le fait que plus l’on prend de risques, plus l’on a de liberté pour inviter au discours.
Pendant cette période de confinement, nous découvrons une série de manœuvres douteuses, pleines de paradoxes et de contradictions. Nous sommes devenus attentifs à l’idée de déconstruire les choses, de revoir nos idées sur la façon de « transgresser la ligne » et de trouver un nouveau sens aux codes préconçus pour travailler ensemble. Dans ce monde bouleversé de confinement pandémique, on nous encourage à élargir les possibilités d’apprentissage et de croissance, à favoriser l’ouverture d’esprit et le respect mutuel dans nos interactions et à concevoir de façon créative de nouveaux moyens de connexion. Au fur et à mesure que les jours se transforment en semaines, les gens réfléchissent constamment et évaluent les possibilités qui se présentent à eux. On nous a dit un jour que l’isolement nous rendrait impuissants, car les gens s’étaient autrefois vite adaptés à la nécessité de se réunir pour travailler et créer. Aujourd’hui, alors que les récits de développement néolibéral sont en pleine évidence et que nous acceptons les ruptures dans notre vision de la société, les échecs sont des catalyseurs subversifs. À notre époque d’existence en ligne partagée, le public et les créateurs revoient sérieusement les stratégies de création et s’arrêtent pour considérer une multiplicité de sens; submergés sont-ils dans la manière dont ils perçoivent, observent et jugent les actions, ou un ensemble d’actions, concernant nos vies communes.
Ne pas avoir peur de faire des erreurs
À la fin des années 1990, la chorégraphe de danse contemporaine et conservatrice Lynda Gaudreau proposait une série d’œuvres faisant partie intégrante de son projet Encyclopœdia. À l’époque, elle levait le rideau sur les questions qui s’imposent et qui se posent au cours de son œuvre, donnant un aperçu de son art, et surtout, de son identité en tant qu’artiste. « L’essentiel dans cette Encyclopœdia, c’est de conserver cet esprit de laboratoire, de recherche, de ne pas avoir peur de faire des erreurs. Voilà ce qui me pousse à utiliser d’autres formes d’expression, dont la littérature, la vidéo, la photographie, le film et l’installation », a-t-elle déclaré. En vérité, l’espace créatif évolue autour de contradictions, de questions délicates, de ruptures imprévues et d’une aversion à l’égard de la « perfection ». Sonder les failles de la création est une pratique immersive. La réflexion d’Akram Khan sur les exigences de la recherche de la perfection est éloquente. Il préfère les erreurs, car elles sont plus intéressantes. Lors d’une discussion après un spectacle, il a affirmé que sa formation s’était complétée en se consacrant entièrement à la tâche, toutefois, lorsque les mesures se brisent, c’est de là que naît l’information.
Des innovations radicale
Au début des années 1950, la collaboration entre le chorégraphe Merce Cunningham et le compositeur John Cage a apporté des innovations radicales, notamment en bouleversant la relation d’interdépendance entre la danse et la musique. Les artistes ont mis au point une méthode de travail connue sous le nom de procédures aléatoires, un processus organique déterminant et ordonnant les phrases de la danse et de la musique, y compris le nombre de répétitions, la direction et la relation spatiale. Les chiffres en haut sont des paires d'hexagrammes. Dans ce cas, chaque hexagramme correspond à un solo, un duo, un trio, un quatuor, un quintette ou un sextuor. Il y a une clé en dessous qui indique quels hexagrammes correspondent à quels groupes (par exemple, l'hexagramme 1-11 est un solo, 12-21 est un duo). Ensuite, en dessous des chiffres, il a "traduit" la partition dans les groupes. Ici, la danse s'ouvre sur une section pour un quatuor et un duo. En bas, il est écrit "throw" pour le contenu des solos (ce qui signifie, lancer le I Ching pour obtenir un hexagramme, chaque hexagramme correspondant dans ce cas à une phrase). | © Merce Cunningham Trust, all rights reserved.À l’instar des erreurs, cette pratique a ouvert de nouvelles voies pour Cunningham et Cage. Dans leur lieu de refuge, ils ont profondément transformé la façon dont la collaboration est perçue.
« Je veux créer de nouvelles choses. »
Un excellent exemple de développement des compétences et de présentation d’aventures chorégraphiques où les artistes peuvent se tromper s’est produit lorsque le chorégraphe Jérôme Bel a présenté au public « Jérôme Bel/MoMA Dance Company » au Musée d’art moderne de New York, dans le cadre de la série Artists’ Choice, en 2016. Normalement, les artistes du programme doivent reconnaître les œuvres d’art de la collection du musée. Bel a fait différemment : il a mis en vedette comme interprètes 25 membres du personnel du MoMA, issus des services administratif, opérationnel, financier, éducatif, de conception des expositions et de conservation du musée. Il s’agissait de danseurs non professionnels et, sans surprise, ils se déplaçaient tous différemment. Ils n’ont eu que trois répétitions en groupe. Selon le communiqué de presse de l’événement : « Bel […] s’est intéressé à la relation des employés du musée avec des œuvres d’art précises, avec l’institution, et même avec la danse. […] Le projet explore le potentiel social de la danse pour créer des communautés éphémères par le biais de mouvements communs. »Le spectacle du MoMA a fait des merveilles, puisque chaque personne créait sa propre danse/chorégraphie de deux minutes sur un morceau de musique favori, qu’elle interprétait ensuite alors que le reste de la compagnie essayait de suivre derrière elle. J’insiste sur le mot « essayé », car personne n’était censé apprendre la danse ou prouver son savoir-faire. En réalité, le fait d’être bon joueur, d’être vulnérable et de commettre des erreurs a fondamentalement démocratisé l’œuvre. Comme l’a remarqué un participant, cet esprit d’ouverture qui « expose nos dérapages — en d’autres termes, tout ce qui est doux-amer dans le fait d’être humain — est précisément ce qui nous attire les uns vers les autres ».
Selon un article du New York Times, Bel n’a pas peur de l’échec ni ne se préoccupe des structures verrouillées. « Je ne souhaite pas faire un musée de moi-même », dit-il. « Je veux créer de nouvelles choses. » Avec son approche du mouvement, ce type de mise en scène renforce le fait que plus l’on prend de risques, plus l’on a de liberté pour inviter au discours.
Pendant cette période de confinement, nous découvrons une série de manœuvres douteuses, pleines de paradoxes et de contradictions. Nous sommes devenus attentifs à l’idée de déconstruire les choses, de revoir nos idées sur la façon de « transgresser la ligne » et de trouver un nouveau sens aux codes préconçus pour travailler ensemble. Dans ce monde bouleversé de confinement pandémique, on nous encourage à élargir les possibilités d’apprentissage et de croissance, à favoriser l’ouverture d’esprit et le respect mutuel dans nos interactions et à concevoir de façon créative de nouveaux moyens de connexion. Au fur et à mesure que les jours se transforment en semaines, les gens réfléchissent constamment et évaluent les possibilités qui se présentent à eux. On nous a dit un jour que l’isolement nous rendrait impuissants, car les gens s’étaient autrefois vite adaptés à la nécessité de se réunir pour travailler et créer. Aujourd’hui, alors que les récits de développement néolibéral sont en pleine évidence et que nous acceptons les ruptures dans notre vision de la société, les échecs sont des catalyseurs subversifs. À notre époque d’existence en ligne partagée, le public et les créateurs revoient sérieusement les stratégies de création et s’arrêtent pour considérer une multiplicité de sens; submergés sont-ils dans la manière dont ils perçoivent, observent et jugent les actions, ou un ensemble d’actions, concernant nos vies communes.