En parlant de la femme du Golfe et de son rôle en l’édification de la famille et de la société, il serait injuste de commencer par les mouvements féministes organisés qui ont commencé à prendre forme aux années cinquante du siècle dernier de manière institutionnelle.
En effet, bien avant l’aube de l’éducation, la femme a su s’habiliter et habiliter sa famille économiquement et a joué bien des rôles depuis sa position à la maison, dans les coulisses de la société, lorsque celle-ci glorifiait les hommes pour leur participation aux dures tâches au dehors de la maison pour gagner leur vie pendant que la femme jouait silencieusement le rôle traditionnel en effectuant les tâches domestiques et en prenant soin des enfants et de la famille, en plus des travaux qui apportaient un revenu qui contribuait à relever le niveau de vie de la famille comme la couture et le commerce rudimentaire ainsi que de simples services esthétiques à l’époque. Cependant, la société a relégué la femme à l’arrière-plan invoquant tour à tour les traditions, la religion, et la nature humaine qui soi-disant accorderait à l’homme la supériorité physique et mentale sur la femme. Cette discrimination sociétale s’est étendue aux législateurs, qui ont supprimé bien des droits de la femme parmi les droits civils dont chaque individu doit jouir, et dans certains pays la femme est sous tutelle toute sa vie, comme un mineur qui n’aurait pas encore atteint l’âge de majorité qui lui permet de prendre ses propres décisions. En plus de cela, en une contradiction incompréhensible, alors que la femme est considérée une créature plus faible, la plupart des lois qu’elle tente de modifier ne fournissent pas la protection qu’exige sa vie personnelle et mettent en danger sa sécurité sociale et économique. Là la femme dut se révolter et exiger ses droits et ainsi l’étincelle du mouvement féministe fut lancée dès la seconde moitié du siècle dernier. Bahreïn a été à la tête de tel mouvement avec la fondation de “l’Association pour l’avancement de la fille de Bahreïn” en 1955, la première association officiellement sanctionnée qui s’occupe de la question de la femme.En effet, cette forte résistance à laquelle la femme fait face en demandant le changement, que ce soit de la part des législateurs ou des décideurs, n’est que le reflet de la peur générale de perturber la balance de la domination masculine sur les femmes, comme si chaque gain pour la femme correspond à une perte pour l’homme, en ignorant les concepts modernes de développement qui insistent sur l’importance de la participation de chaque individu en mettant ses capacités au service du développement sociétal, et que l’exclusion de quiconque, femme ou homme, serait dommage pour la société avant de l’être pour la femme sujette de discrimination.
Structures du mouvement féministe au cours du temps
L’organisation des efforts et la structure organisationnelle fut l’étape suivante de l’ouverture de la femme du Golfe à l’effort féministe dans le monde arabe autour d’elle, un effort qui a été en marche depuis la fin du dix-neuvième siècle.
Le mouvement féministe a pris une forme plus distincte à Bahreïn et au Koweït car ces deux pays ont été pionniers en l’éducation des filles, et ils ont été influencés par le mouvement féministe arabe et par les écrits que produisaient les activistes.
À Bahreïn l’éducation a commencé tôt, laissant une trace importante en la formation d’une classe active de filles qui vont pousser la société de Bahreïn à avancer à grands pas en comparaison avec ses voisins du Golfe. En effet, la première école privée pour filles a été fondée en 1899 par la femme du pasteur Zoueir. Et malgré le caractère missionnaire de cette école, un nombre de filles ont assisté à ses classes avant l’inauguration de l’éducation publique à Bahreïn en 1928.
Avec l’avènement des années 50 du siècle dernier, la fille bahreïnienne avait bien progressé et s’était implantée dans des rôles influents dans la société, surtout à travers des médias et de la presse qui étaient influencés par les médias arabes. L’ouvrage La femme bahreïnienne au vingtième siècle, de Dr. Sabika Al-Najjar et Fawzia Matar, mentionne que “Bahreïn a vu pendant les années 50 une ouverture sur le mouvement féministe en Égypte et au Levant, et les écrits des intellectuels de cette époque, comme Rifaa Al-Tahtawi et Qasim Amin, et des pionnières Hoda Shaarawi et May Ziada et d’autres qui ont été influents dans le mouvement féministe. La communauté féministe suivait les évènements féministes à l’étranger, comme le montre le reportage en un hebdomadaire de l’époque, Al-Qafila (La Caravane), du voyage de trois jeunes femmes pendant les vacances d’été pour étudier les systèmes organisateurs des sociétés et organisations culturelles en vue de créer des institutions semblables à Bahreïn.”
Les médias de cette époque se sont distingués par leur audace, contribuant à grande part à la présentation de la femme en tant que membre de la société ayant ses propres opinions, en ouvrant le domaine à des écrits féminins audacieux qui abordaient les questions de la femme concernant le mariage et la famille, explorant son quotidien et le regard de la société, et les traditions, ainsi qu’en critiquant les hommes religieux qui se servaient de la religion comme camouflage pour combattre la femme. En cette période, les sœurs Badreya et Shahla Khalfan, ainsi que Moza Al-Zayed, ont émergé comme les meilleurs exemples d’écrivaines qui ont réagi et influencé non seulement Bahreïn mais aussi les pays du Golfe où la presse bahreïnienne était distribuée. Les deux sœurs ont courageusement adressé les droits politiques et sociaux de la femme, et son droit au travail, et Badreya fut la première à préconiser la nécessité d’une loi familiale, ou ce qu’elle appela la loi sur le divorce pour protéger l’épouse et les enfants, appelant à l’égalité des sexes. Quant à Shahla Khalfan, ses écrits laissaient voir ses croyances marxistes féministes, et prônaient l’égalité et la sensibilisation politique des femmes pour qu’elles participent au mouvement national, appelant le mouvement féministe bahreïnien à se lier aux mouvements féministes mondiaux. En contraste, l’écrivaine Moza Al-Zayed provenait d’un contexte conservateur et donc présentait un autre modèle de femme, tiraillée entre sa tendance libérale et sa formation conservatrice, appelant en un temps à la libération de la femme par le savoir et en un autre se révisant et demandant à légaliser l’éducation de la femme en ce qui lui sera utile dans sa vie, et à laisser aux hommes la politique, la science et la philosophie, et en un troisième temps avertissant les hommes du danger de priver les femmes de leurs droits, ce qui les conduirait à la révolte.
Dans les années cinquante, le mouvement féministe progressa en parallèle avec the mouvement national, et en tentant de suivre le rythme de ce dernier, la femme prenait de lents pas, à la recherche des outils pour briser ses chaînes sociales et traditionnelles. La première graine d’organisation féministe a germé dans les écoles grâce aux enseignantes arabes étrangères, et l’association d’aide aux orphelins fut créée dans la première école de filles. De son côté, le “Club des femmes” fut le premier rassemblement féminin, fondé en 1953 par les femmes de société riches et éduquées, mais ayant eu pour présidente la femme du conseiller britannique Belgrave, symbole de la colonisation, les chefs nationaux le fuirent et ont lancé maintes campagnes médiatique contre le club. Ils appelèrent à la création d’une association féminine semblable à celles de l’Égypte et des pays du Levant, et en 1955 fut fondée “l'Association pour l’avancement de la fille de Bahreïn”, appellation qui sera celle des associations de la femme dans ces pays, et nous verrons plus tard son adoption de la part des associations féminines dans la majorité des pays du Golfe.
En 1960, des membres de la famille royale et des classes aisées créèrent l’Association de protection de l’enfant et de la mère. Les deux associations ont mis le point sur la philanthropie, la lutte contre l’analphabétisme et la protection des enfants, jusqu’aux années soixante-dix lorsque les membres universitaires de “l'Association pour l’avancement de la fille de Bahreïn” revinrent du Caire, du Koweït et de Beyrouth, avec un nouvel enthousiasme national et revendicatoire.
En 1970, “l’association féminine d’Awal” fut créée par des membres de la classe moyenne, pour la plupart fonctionnaires ayant étudié à l’étranger et rejoint les mouvements étudiants et politiques là-bas et ainsi l’activisme revendicatoire et féministe. “L’association culturelle charitable Al-Refaa” a été créée la même année par des membres fonctionnaires et surtout enseignantes. Cette association était au début proche des tendances d’Awal, mais de suite elle mettra l’accent sur l’action caritative et pastorale, surtout après la dissolution de l’Assemblée nationale et la promulgation de la loi sur la sécurité nationale, car les activités féministes pourraient être interprétées comme actes politiques. En 1974, “l’Association mondiale des femmes” fut créée par des femmes de la haute bourgeoisie et des épouses de diplomates.
Le nombre d’associations féminines à Bahreïn se porte actuellement à 21 associations, la plupart desquelles ont été fondées au début du troisième millénaire, en l’ère qui fut appelée l’ère d’ouverture politique et de foisonnement des libertés. C’est en cette période qu’a été fondé le Haut conseil de la femme, une institution officielle qui se charge des affaires des femmes. Et en 2006, l’Union des femmes fut établie, réunissant les associations féminines. Nadia Al-Masqati, présidente de la Association pour l’avancement de la fille de Bahreïn remarque que: “Bahreïn a profité de la plate-forme de Pékin depuis 1975 et des éditions suivantes, car l’action féministe s’est mieux organisée, et les stratégies ont été établies en fonction de la plate-forme. De même, la signature de la CEDAW a renforcé la demande de rédaction de rapport fictif de la part de l’Union des femmes, pour cerner les véritables demandes au lieu des mises en scène au profit de la communauté internationale.”
Au Koweït, où les filles vont régulièrement à l’école depuis les années quarante, l’action féministe a vu sa première initiative au début des années soixante, grâce à des koweïtiennes influencées par le mouvement féministe arabe, qui réclamèrent l’établissement d’un club pour la “femme Koweïtienne” afin d’organiser les efforts d’habilitation de la femme pour jouer ses rôles et y mettre des cadres législatifs. Cependant, l’idée fut refusée par la société et les autorités à cause de la nouveauté de la notion de club, ce qui conduisit le même groupe à changer la revendication et demander la création d’une association nommée “l’Association féminine culture et sociale”, qui a été fondée en 1963, représentant la classe bourgeoise, et qui porte son attention sur les activités caritatives et s’occupe des causes arabes. Quelques jours auparavant fut établie “la Renaissance des femmes arabes”, qui a changé son nom en 1971 en “l’Association de l’avancement familial” après la retombée des tendances nationalistes, représentant la classe moyenne qui s’occupe des problèmes des femmes tels que l’éducation, le divorce et la polygamie. En 1974, l’Union féminine koweïtienne a été établie, intégrant ces deux associations en plus du “Club féminin” qui fut fondé au même moment. Cependant, cette étape a précipité l’effondrement de ces institutions, car “l’Association culturelle” s’est retirée et “l’Association de l’avancement” dissolue, et en 1977 un décret du Ministère du Travail annonce la dissolution de l’Union féminine. En la décennie suivante, avec la montée de l’islamisme, les deux associations “Greniers de l’Islam” et “la Charité islamique” furent fondées, ainsi que “l’Association féminine koweïtienne de volontariat” à la suite de l’envahissement irakien du Koweït. En 1994, l’Union féminine fut rétablie sous les auspices du gouvernement et avec pour présidente l’épouse du prince héritier, pour réunir les associations, mais son rôle s’est limité à la représentation à l’étranger et à la coordination entre associations.
Fajr Al-Khalifa, écrivaine et activiste koweïtienne, dit: “Dans ses débuts, le mouvement féministe se limitait à certaines classes, surtout la bourgeoisie, et donc se concentrait sur les soucis et les besoins de cette classe-là, ce qui ne diminue en rien ce qu’elles ont achevé, car l’acte de Fatma Hussein de mettre feu à son abaya était un grand acte symbolique. Mais d’autres femmes sont restées prisonnières à la maison et dans leur tribu, privées d’éducation, car le problème est qu’elles n’ont pas pu pénétrer les classes plus modestes, et c’est pour cela qu’aujourd’hui les meilleures campagnes qui s’occupent des questions des femmes sont indépendantes et n’ont rien à voir avec la société civile par exemple.
Dans les Émirats Arabes Unis, où l’éducation a commencé en 1953, la femme a profité de l’intérêt des chefs d’états, et les associations féminines furent fondées pour compléter les apparences de l’état moderne, et aussi pour fournir les services caritatifs dans les émirats de l’état récemment créé, tels que les formations professionnelles, l’enseignement et l’éducation familiale. Tandis que l’Association d’Abu Dhabi est souvent citée comme la première association féminine, fondée en 1973 après l’indépendance, la professeure des médias et activiste Hissa Lawtah remarque qu’elle a été l’une des fondatrices de “l’Association de la renaissance omanaise” en 1967, donc avant l’indépendance. Lawtah dit: “J’avais douze ans à l’époque, et nous étions toutes plus mûres que nos âges, et avions de l’enthousiasme pour le volontariat. Ce n’était pas un luxe, nous nous sommes concentrées sur la sensibilisation, l’éducation et la lutte contre la drogue, et nous étions prêtes à l’activisme social en commun avec les hommes dans les clubs”. Aujourd’hui, l’Union féminine, établie en 1975 et présidée par l’épouse du prince héritier, et les associations qui se sont formées par la suite, jouissent du support total du gouvernement, semblables à des institutions gouvernementales plutôt qu’à des ONG.
À Oman, malgré le rôle de la femme omanaise en la lutte armée dirigée par le Front de libération du Dhofar, puis par le Front populaire de libération du Golfe arabique occupé, qui a inscrit la libération de la femme au sein de ses programmes, les associations structurées n’apparaissent qu’en 1971, avec la fondation de “l’Association de la femme omanaise” à Mascate en 1972, grâce au retour des femmes omanaises qui avaient reçu une éducation supérieure dans les états arabes. Cela fut suivi par la formation de trente-huit associations qui ressemblent en grande partie leurs homologues aux Émirats, leurs buts étant la sensibilisation, la lutte contre l’analphabétisme, la formation professionnelle des femmes, et qui coordonnent toutes leurs activités avec la Direction des affaires de la femme et de l’enfant au Ministère du Travail et des Affaires Sociales.
L’activiste omanaise Habiba Al-Hanaï qui habite Berlin affirme: “À l’instant présent, il n’y a pas de mouvement féministe sur terre à Oman, et les associations qui existent ressemblent plutôt aux cercles gouvernementaux, et aucune entité ne prend en charge les revendications de la femme omanaise”. Al-Hanaï, qui est mariée à un allemand et revendique le droit de la femme de léguer à ses enfants d’un père étranger sa nationalité omanaise, et présente son fils Hafez comme un exemple d’enfant privé des avantages de posséder la nationalité de sa mère, a formé en 2012 un groupe sur Facebook du nom de “L’Équipe omanaise pour les droits humains”, réunissant 4000 membres, mais ce groupe fuit ensuite fermé.
Au Qatar, les ONG féminines sont complètement absentes, malgré la formation en 1998 du Conseil suprême des affaires familiales, présidé par l’épouse du prince, pour se charger des problèmes des femmes et de la famille, mais il a été dissolu en 2014. Selon Israa Al-Moftah, professeure à l’Université du Qatar et doctorante, les campagnes sur les médias sociaux représentent le moyen populaire d’expression des revendications féminines.
En Arabie Saoudite, où il n’existe aucune association ou organisation civile féminine, le mouvement “féministe” a pris forme et devenu l’appellation qui regroupe les groupes et mouvements pour les droits des femmes. Noura Al-Daïji, doctorante saoudienne à l’Université de Harvard, affirme dans un article de recherche titré “Lecture des transformations du mouvement féministe saoudien”, que: le féminisme saoudien a évolué et devenu un mouvement indépendant entre 2011 et 2018, remarquant que, malgré les actions féministes non institutionnelles en Arabie Saoudite, des campagnes se sont formées à partir de réseaux d’activistes qui insistent sur leur citoyenneté à part totale. Elle voit que les droits qu’a obtenus la femme saoudienne sont le résultat des revendications des femmes à travers les campagnes durant des années, y compris le droit de conduire, et le droit de candidature et de vote dans les conseils municipaux. Là aussi les médias sociaux ont été le moyen pour ces campagnes de s’exprimer et revendiquer.
Des moyens et outils numériques
Les associations féminines, avec leur structure connue et les nombreuses permissions qu’elles doivent obtenir pour jouer leur rôle, ne sont plus importantes pour la revendication et la défense des droits des femmes. En effet, l’espace numérique est grand ouvert et les voix de femmes se font entendre d’un seul clic jusqu’à chaque coin de la planète, ce qui a permis à la femme du Golfe de recevoir du soutien de toutes parts du monde. Les causes féminines ont également été résumées en des “hashtags” lancés dans l’espace numérique. Hoda Al-Sahy, étudiante bahreïnienne qui s’intéresse à la cause féminine du Golfe et doctorante en Italie, dit: “L’espace numérique fournit à la femme une zone pleine de promesse où il est possible de redéfinir les rôles patriarcaux en révisant la culture sociale. Il offre aussi l’opportunité d’intensifier la participation politique grâce à la signature des pétitions, les dons, ainsi que la publicité et partager les informations concernant les causes locales et mondiales depuis l’ordinateur personnel à la maison”.
Des droits acquis et des revendications en progrès
Les revendications féminines dans les six pays du Golfe se ressemblent, malgré les différences en leur traitement et les outils disponibles et associations féminines à la tête du mouvement. La majorité des demandes s’axent vers l’acquisition de la citoyenneté totale de la femme comme fin ultime, tandis que le mouvement dans chaque pays se préoccupe de plusieurs questions vues comme ayant grande importance car affectant directement la qualité de vie de la femme. Les acquis principaux du mouvement ont été les droits politiques, car la femme a le droit de vote et de candidature au Sénat à Oman depuis 1994, et à la municipalité au Qatar depuis 1998. En Arabie Saoudite, la femme a le droit de vote et de candidature aux conseils municipaux depuis 2015. Quant au parlement, Bahreïn fut le premier pays du Golfe à accorder à la femme le droit de candidature et de vote en 2002, suivi du Koweït, qui l’accorda en 2005.
Tandis que la loi sur les affaires familiales est à la tête des agendas féminins au Golfe, les revendications d’une telle loi ou de modifications à celle-ci sont le plus évidentes à Bahreïn et au Koweït. Les revendications documentées à Bahreïn remontent à 1982, lorsque le Comité d’affaires civiles fut formé des membres des associations, puis les revendications ont continué jusqu’à la promulgation de la section sunnite de la loi en 2009, puis de celle jaafari huit ans plus tard, et la loi familiale unifiée a été ratifiée, visant à améliorer la situation légale de la femme en ce qui concerne le mariage, la garde des enfants, l’héritage et le divorce.
Cependant, la présidente de l'Association pour l’avancement de la fille de Bahreïn, Al-Masqati, remarque que “la loi nécessite plus de réformes pour servir la femme”. Fajr Al-Khalifa est d’accord en ce qui concerne le besoin de réforme de la loi sur les affaires civiles du Koweït.
La revendication d’égalité entre la femme et l’homme en ce qui concerne la transmission de la nationalité à l’époux et les enfants est aussi au centre des préoccupations des activistes à Bahreïn, au Koweït, au Qatar, aux Émirats Arabes Unis et à Oman, quoique les manières d’avancer une telle demande et d’y insister face aux autorités diffèrent. En effet, au Koweït, le groupe de femmes mariées à des étrangers, “Koweïtiens sans frontières”, s’est formé en 2011, et ce sujet attire toujours la société civile, qui organise des conférences de presse et demande l’usage du système de points comme en Arabie Saoudite, prenant en compte la naissance, l’éducation, la durée de résidence, etc. Ce qui semble étrange ici est que la femme est privée de transmettre sa nationalité à son époux et ses enfants, alors que certains de ces pays souffrent de la baisse du nombre de citoyens et visent à augmenter le taux de fertilité chez les familles citoyennes!
En plus des questions communes, chaque pays a ses problèmes spécifiques. À Bahreïn, dit Badreya Marzouk, présidente de l’Union des femmes: “L’agenda actuelle du mouvement féminin inclut la réforme de la loi contre la violence familiale de 2015, fruit elle-même des revendications, et la modification d’un article du code pénal qui pardonne le viol si le violeur épouse sa victime. S’ajoutent à cela la question du quota au parlement, et le dossier du travail et du chômage, comme les femmes représentent près de 83% des chômeurs”.
Au Koweït, Fajr Al-Khalifa dit que l’agenda féminin inclut le droit au mariage sans tutelle masculine, le droit au logement, des logis pour victimes de violence, la loi contre la violence familiale, l’égalité en l’héritage, et l’annulation de l’article permettant le pardon du meurtrier de l’épouse ou de la fille en cas de crime d’honneur.
Sur l’agenda omanais, l’activiste Al-Hanaï donne le plus d’importance à la promulgation d’une loi criminalisant la mutilation génitale féminine, les crimes d’honneur, l’égalité du prix de sang entre la femme et l’homme, et l’égalité en la retraite.
À Qatar, Israa Al-Moftah dit qu’il y a des revendications pour améliorer la situation de la femme au travail, en mettant en place des services et des horaires qui conviendraient aux femmes et mères qui travaillent.
En Arabie Saoudite, l’annulation du système de tutelle est à la tête des revendications des activistes saoudiennes et autres, car il encombre la liberté et le mouvement de la femme de plusieurs côtés.
Obstacles et défis
Comme les revendications se ressemblent, les obstacles aussi dans les pays du Golfe. En effet, la plupart des activistes se plaignent des restrictions sur les libertés qu’impose la loi sur les associations, limitant leurs activités. À propos de Qatar, Israa Al-Moftah dit: “La loi sur les associations est un obstacle à la formation d’associations, et aussi restreint tout mouvement social organisé”. Fajr Al-Khalifa affirme cela depuis le Koweït, remarquant que l’emprise du pouvoir exécutif s’étend à la société civile, qui résiste avec difficulté, et disant: “Il n’y a pas du tout de liberté, et l’étroite marge a rétréci jusqu’à nous trouver dans la marge de la marge. Après le mouvement de 2010, le Ministère des Affaires Sociale est devenu bien plus strict et les menaces se font claires et directes.”
Quant à Al-Masqati, elle s’inquiète du désintérêt de la jeune génération pour le volontariat au Bahreïn, car le souci de la société n’existe plus pour cette génération qui ne s’occupe plus des problèmes sociaux, disant: “Dans les associations féminines nous n’entendons que l’écho de nos propres voix lorsque nous nous réunissons ou organisons des conférences autour de sujets importants”. Hassa Lawtah, elle, voit que le volontariat féminin n’a plus le sens de la rue qui le guidait, et ses priorités sont à présent dictées par le gouvernement. Commentant la domination gouvernementale des associations, elle dit: “L’officiel élu veut multiplier les accomplissements et les achèvements, tandis que celui nominé se préoccupe de sa position et de la satisfaction de celui qui l’y a nominé”, et décrit les associations comme manquant de quelque chose de radical qui les préoccuperait, et n’ayant plus d’activité revendicatoire. Quant à Hoda Al-Sahy, elle trouve que les obstacles les plus importants au mouvement féminin dans le Golfe sont l’autorité patriarcale et la répression sociale, mentionnant aussi le manque de support financier et de reportage médiatique qui mettrait en évidence l’importance des activités féminines et l’influence qu’elles pourraient avoir. Lawtah propose un défi non conventionnel, la mondialisation, qui forcerait la femme à prendre un peu de distance et voir ses problèmes et revendications d’un point de vue sociétal plus large, car la mondialisation crée en l’individu un sentiment de chaos et d’anxiété qui le pousserait à penser à soi-même plus qu’à sa communauté, et il faut prendre compte des traits caractéristiques de nos sociétés et nous éloigner de l’image importée que le monde veut voir de nous, ce qui pourrait tenter les autorités à prendre des décisions superficielles pour nous donner l’image de peuples plus civilisés devant le monde. Elle est là rejointe par le chercheur et écrivain koweïtien Mohamed Al-Romeihy en un document de recherche titré “L’Habilitation de la femme du Golfe”, où, adressant la question de la mondialisation, il voit que “la question de l’habilitation de la femme ne peut être considérée dans sa portée étroite, en termes simplement de relations entre les sexes, mais c’est une question aux dimensions développementales et sociétales globales. L'objectif n'est pas de corriger la situation des femmes, mais il faut le faire à travers une vision alternative pour une société qui regarde vers l'avenir à travers un cadre local, régional et international.
Avril 2019