Séries allemandes au Canada  Vengeances (Totenfrau)

Les fans de films noirs nordiques seront rapidement conquis par « Totenfrau » de Netflix, puisque ce thriller en six parties se déroule dans les Alpes autrichiennes du Tyrol. Mais le climat n'est pas le seul facteur à provoquer des frissons.Une ville de montagne pittoresque cache un monde criminel profondément corrompu et décadent, allant au-delà de la simple corruption et des privilèges des riches.

L’héroïne elle-même présente des traits de sociopathie, semblant plus à l’aise dans sa relation avec les morts que dans ses interactions avec les vivants. Dans ce thriller, les traumatismes et les psychoses font tourner le monde.

Plus sombre, s.v.p.

Totenfrau est une adaptation d’un roman policier de Bernd Aichner. L’histoire tourne autour de Brünhilde Blum (Anna-Maria Mühe), une directrice de pompes funèbres, et de son mari Mark (Maximilian Kraus), un policier décontracté. Ils résident avec leurs deux enfants dans une petite ville aux abords d’Innsbruck, où les propriétaires de la station de ski locale détiennent le vrai pouvoir. Lorsque Mark est victime d’un délit de fuite fatal un matin, ses collègues policiers semblent étonnamment peu enclins à enquêter, mais Blum commence à fouiller de plus en plus en profondeur. La mort de Mark marque un tournant dans la vie de Blum. Des rétrospectives elliptiques nous révèlent qu’elle a été adoptée par un couple de directeurs de pompes funèbres sadiques. Leur méthode de discipline préférée consistait à la confiner dans un cercueil. Dans sa jeunesse, Blum a développé la capacité à entendre les voix des défunts de la morgue de ses parents, qui lui prodiguaient des conseils réconfortants.

Même aujourd’hui, Blum ressent une connexion profonde avec les défunts lorsqu’elle est seule. Mark représentait son ancrage dans la réalité, sa lumière, et avec son meurtre, les ténèbres intérieures de Blum resurgissent. Son sens de l’injustice devient une arme puissante qu’elle utilise contre quiconque se met sur son chemin.

L’horreur, l’horreur

Co-produite par Netflix et la chaîne autrichienne ORF, la série Vengeances s’inscrit dans une récente tendance de séries policières germanophones se déroulant dans des villes de montagne isolées. Cette série adopte un ton « noir alpin », cherchant à dissiper les idées plaisantes que les téléspectateurs pourraient avoir des destinations de vacances pittoresques et rustiques. Ces lieux idylliques ne sont pas à l’abri du chaos. La télévision suisse a déjà produit quatre saisons de Wilder, et l’Allemagne, avec Höllgrund, situé dans une ville de la Forêt-Noire, a précédé Vengeances de seulement deux mois. On ne serait pas surpris qu’une adaptation sombre et grinçante de Heidi soit proposée prochainement.

Tant Vengeances que Höllgrund soulignent la vulnérabilité des migrants au sein de communautés montagnardes isolées. Les habitants de ces régions semblent réticents à accepter l’arrivée du XXIe siècle, mais inévitablement, il finit par se frayer un chemin. Les seules à véritablement comprendre cette réalité sont les jeunes héroïnes de chaque série.

Les deux séries explorent également les aspects les plus inquiétants du thriller policier sombre en flirtant avec des éléments d’horreur. Blum converse naturellement avec les morts, tandis que dans Höllgrund, la policière principale est régulièrement visitée par le fantôme sarcastique de son père décédé, qui évalue de manière critique ses avancées dans la résolution de son propre meurtre.

Dans les deux cas, les séries conservent une certaine ambiguïté, laissant entendre que les dialogues se déroulent principalement dans l’esprit des protagonistes. Cependant, cette incursion dans le domaine de l’étrange pourrait bien indiquer que le réalisme seul ne suffit pas à dépeindre les troubles qui prévalent dans le monde d’aujourd’hui. Cela pourrait également indiquer que, même dans le paysage audiovisuel germanophone, les conventions bien établies des séries policières perdent de leur attrait et nécessitent une réinvention, particulièrement si les chaînes de télévision visent à attirer un public plus jeune.  

#MeToo, avec sang versé

Pour résoudre le complot entourant la mort de son mari, Blum dans Vengeances doit puiser dans son côté femme fatale. Ses cibles au sein de la cabale des puissants locaux sont exclusivement masculines, chacune représentant un exemple de privilège arrogant. Blum finit par révéler que toutes les institutions de sa ville sont corrompues, voire gangrenées de l’intérieur.

Vengeances est une série à couper le souffle, chaque épisode débordant de violence inventive. Elle peut néanmoins sembler un peu redondante et épuisante par moments. La distribution est solide : il est gratifiant de voir Anna-Maria Mühe incarner avec brio une force de vengeance, tandis que ses antagonistes sont un exemple de cruauté dénuée d’empathie, avec une touche de menace voilée et condescendante. Parmi les autres atouts de la série, notons le générique d’ouverture imaginatif, qui évoque des couvertures de romans policiers d’époque prenant vie, ainsi que les séquences de conduite à moto dans les routes alpines avec Blum, capturées par une caméra à ras du sol.

Dans le dernier épisode, un retour en arrière choquant révèle que les fils chéris de la ville ont scellé leur destin à l’adolescence en commettant un acte de violence sexuelle particulièrement épouvantable dans le téléphérique d’une station de ski. En tant que crapules d’âge moyen, ils ont évolué pour devenir des meurtriers de femmes migrantes sans défense, utilisant des masques d’animaux pour accomplir leurs méfaits, ajoutant ainsi une touche d’horreur cinématographique particulièrement marquante à la série. Lorsque Blum les confronte un par un, elle cherche à venger non seulement le meurtre de son mari, mais aussi des décennies d’abus.
 

À l’instar de la célèbre trilogie Millénium de Stieg Larsson, Vengeances peut être interprétée comme une critique sociale camouflée dans un thriller sanglant. Nous y suivons une héroïne meurtrie, armée d’un Taser, qui se dresse contre un ordre social façonné par la domination de l’homme blanc malveillant. À l’époque de la publication du roman de Bernhard Aichner en 2014, ce scénario semblait certainement novateur. Toutefois, près d’une décennie plus tard, les téléspectateurs ne peuvent s’empêcher de remarquer que Vengeances se rapproche dangereusement d’un récit de QAnon, où un groupe maléfique contrôle tout, même si la réalité est bien plus nuancée.

Totenfrau (Vengeances)
Huit épisodes d’environ 48 minutes chacun. Réalisation: Nicolai Rohde; Avec : Anna Maria Mühe, Felix Klare, Yousef Sweid, Gerhard Liebmann.
Scénario d'après le roman de Bernhard Aichner : Barbara Stepansky, Wolfgang Mueller, Benito Mueller, Mike Majzen et Nicolai Rohde.
Musique originale de Patrick Kirst
Produit par Barry Films / Mona Film Produktion pour Netflix / ORF

 

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