Protection de l'environnement pour tou·te·s
Des classes sociales et de l’environnement, le tout sur les épaules des géants
Ciao ! Dans cet article, nous nous intéressons à la question de la protection de l’environnement et des classes (le terme est à entendre au sens de classes sociales, cela va de soi ; aucun rapport ici avec vos classes de collège ni avec vos anciens camarades, que vous avez peut-être retrouvés d’ailleurs en 2014 autour d’une pizza party durant laquelle les commentaires allèrent bon train : « as-tu vu comme il a grandi ? Incroyable. C’est comme si c’était hier, tu te souviens qu’on l’appelait Gimli, comme le nain du Seigneur des Anneaux ? C’est fou ce que le temps passe… »).
Mais permettez-moi de vous expliquer le principe (je fais bien référence au présent article, et non à cette histoire avec Gimli, votre camarade de classe du collège) : l’idée est un peu celle d’une boîte remplie de sources d’information. Parmi celles-ci, nous analyserons trois déclarations type quelque peu problématiques avant d’établir le bilan du constat.
De Gabriele Magro
À mon avis, la classe des travailleurs s’engage trop peu pour la cause de l’environnement
Ce propos est en partie vrai, mais relève principalement d’un discours à teneur plutôt culturelle, bien moins lié à la question de classe sociale qu’on ne pourrait le penser. Pour aborder le problème, l’idéal est peut-être de s’appuyer sur les concepts sociologiques de centre et de périphérie. Tout est expliqué ici.Mais le fait est que certains des mouvements pour la planète se limitent à des micro-initiatives qui ne disposent souvent pas de l’appareil médiatique suffisant pour se faire entendre comme il le faudrait. C’est ce qu’explique si justement Marco Armiero dans un article du quotidien Il Manifesto :
Il y a quelques semaines, Berta Cacereres a été assassinée au Honduras. Son destin, semblable à celui d’autres activistes, prouve que la protection de la planète ne s’apparente en rien à un petit passe-temps qui serait réservé aux femmes fortunées ou aux adeptes des promenades.
À mon avis, classisme et discrimination sociale sont l’un des problèmes majeurs du mouvement environnemental.
Si tel n’était pas le cas, cela ne nous aurait certainement pas valu d’article à ce sujet, n’est-ce pas ? Reste qu’en effet, s’il est un enjeu au sein de la lutte pour l’environnement, c’est bel et bien l’intégration des salariés désignés comme sous-qualifiés – essayez d’assurer un service de trente tables au restaurant, et nous verrons qui est le moins qualifié. Dans un article destiné à l’Institut de recherche pour le développement social des Nations Unies, Karen Bell en explique clairement la raison :
La plupart des postes qualifiés d’emplois verts sont inenvisageables pour les personnels non qualifiés ou les membres de la classe travailleuse. (…) Ce sont avant tout des réponses fondées sur le marché ou des initiatives individuelles qui ont dominé l’opinion publique en termes de solutions aux problèmes environnementaux, qu’il s’agisse du changement d’une ampoule ou de technologies brevetées, en passant par la bourse du carbone. L’effet de ces stratégies, pour autant, reste minime, et leur signification, si tant est qu’elles en aient une, s’avère moindre pour les personnes relevant de la classe travailleuse.
Karen Bell
Retrouvez l’article complet en anglais ici.
À mon avis, la lutte pour la justice environnementale n’est pas assez inclusive
Je ne suis pas entièrement certaine non plus que tout le monde soit intégré dans la lutte pour l’environnement. Asuka Kähler s’est consacrée à cette problématique dans un article publié sur le blog dont voici le lien. Je me demande si cet écueil est lié aux dynamiques internes des groupes activistes ou s’il ne s’agit pas plutôt d’un défaut médiatique : il se peut aussi que les médias concentrent leur propos sur de jeunes activistes blancs instruits dans la mesure où ils renvoient une image qui, pour la majorité, se révèle apaisante. Comme l‘écrit Mahlet Sugebo :Lorsque nous pensons aux représentants de l’activisme écologique, ce sont avant tout des personnes telles que Greta Thunberg, révélée via internet, qui nous viennent à l’esprit, tandis que des activistes tels qu’Isra Hirsi, qui s’est battue pour garantir l’accès à l’eau potable à Flint, dans le Michigan, passent à l’inverse inaperçus.
C’est encore une fois ce que met brillamment en lumière Karen Bell dans un article du Guardian :
Si ces combats locaux restent cachés, c’est certainement parce que les personnes qui en sont à l’origine n’ont pour la plupart aucune connaissance parmi leur entourage qui soit pourvue de l’arrière-plan professionnel nécessaire pour mettre en lumière leur travail – que ce soit dans les médias, au gouvernement ou parmi le comité scientifique. Cela participe à l’illusion de croire que la protection de l’environnement serait le fief de la classe moyenne.
Le bilan en question
Pour résumer très brièvement : il est capital que les acteurs centraux développent un terrain d’action qui puisse être réinvesti par les acteurs périphériques. C’est un système qui profite à tous, notamment pour la raison suivante :
Les citoyens des pays les plus défavorisés, menacés par une disparition des ressources en raison de la destruction de l’environnement, sont souvent les premiers à faire preuve d’une très forte conscience environnementale.
Ci-joint l’article de référence dans le New York Times.
En bref : Il va sans dire qu’il est parfois démoralisant de constater qu’en matière de mobilisation de la société, nous ne sommes que de vulgaires nains sur les épaules de géants. Mais l’on conserve une once d’espoir en reconnaissant que ces mêmes géants, qui ont contribué aux bouleversements historiques dont ils sont les acteurs, eux aussi sont des nains à leur échelle, en ceci qu’ils reposent sur les épaules de leurs prédécesseurs respectifs. Voilà pourquoi il en est fini pour moi des railleries à l’encontre de Gimli et de sa petite taille.