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Les Mots-dits ! Une chronique linguistique
Des mots qui attendent sur les murs

Illustration:  Une personne, la main levée, regarde deux panneaux. Inscriptions sur les panneaux : « ordre d'applaudissement » et “auge de remplissage”.
Illustration: Tobias Schrank; © Goethe-Institut e. V.

Elias Hirschl est fasciné par la langue dans l'espace public. Les textes utilitaires sont pour lui le plus beau matériau de lecture et d'écriture qui soit - on les trouve partout. Et c'est ainsi que les règles à suivre lors des applaudissements peuvent se transformer en pièce de théâtre et que le plan d’évacuation d’un bâtiment devient un roman.

De Elias Hirschl

Il y a un peu plus d'un an, j'ai réalisé un petit projet avec l'auteur viennois Fabian Navarro, projet pour lequel nous avons photographié et transcrit tous les panneaux, les indications, les directions, les plans d'évacuation et de protection contre les incendies, et même les notes des techniciens du Volkstheater de Vienne, pour ensuite composer de nouveaux textes que nous avons pu présenter lors de deux soirées au Volkstheater. Nous avons également capté et transcrit tous les autocollants et graffitis collés sur le terrain du Volkstheater. Depuis lors (et même avant cela), les textes utilitaires dans l'espace public ne me quittent plus. Tous ces textes qui n'ont pas de valeur artistique au sens strict du terme exercent une grande influence sur mon écriture, par leur humour et leur beauté souvent involontaires.

Trouvailles au Volkstheater

Les textes utilitaires me fascinent surtout parce qu'ils donnent un bel aperçu de sociolectes et de langues étranges liées à un domaine en particulier qui ne semblent normalement pas avoir assez de valeur pour être intégrés dans une œuvre littéraire. Pourtant, ils recèlent une grande richesse de mots nouveaux que l'on entend rarement ailleurs. Dans le cas du Volkstheater, il s'agissait de termes aussi merveilleux que ceux-ci :

Zuschauerhausrauchklappen (clapets coupe-fumée dans la salle)
Haltemagnet (aimant de maintien)
Deckenspots (spots de plafond)
Kugellampen (lampes sphériques)
Gehörschutzstöpselspender (distributeur de bouchons d'oreilles)
Applausordnung (règles à suivre lors des applaudissements)

et de bien d'autres encore. Nous avons également compilé nos propres textes à partir de ces dernières, les règles à suivre lors des applaudissements. Ces règles renvoient à la séquence technique exacte selon laquelle les actrices, les acteurs et les collaboratrices et collaborateurs d'une pièce de théâtre montent et descendent de la scène pour saluer le public après la représentation, dans quel ordre, d'où et pendant combien de temps. Une belle série de petites instructions techniques que le spectateur n'a normalement jamais l'occasion de voir. Tout cela peut être considéré comme un matériau de lecture artistique. Les règles à suivre lors des applaudissements pourraient être une pièce de théâtre. Les plans d’évacuation des bâtiments pourraient être un roman. Les autocollants à l'intérieur des portes coupe-feu indiquant la dernière fois qu'elles ont été contrôlées par une entreprise - un recueil de poésie.

Des mots étranges pour lutter contre le syndrome de la page blanche

Depuis quelques mois, je photographie de plus en plus de panneaux lorsque je me promène. Parmi les bons mots découverts ces dernières semaines :

Kugelhahnabsaugung (aspiration du robinet à boisseau sphérique)
Befüllmulde (bac de remplissage)
Sickerschacht (puits perdu)
Gasrückführung (récupération des vapeurs)
Handlasten (charges manuelles)
schwebende Fracht (charges suspendues)
Nachtsperreneinbau (installation de barrières nocturnes)
Quetschgefahr (risque d'écrasement)
Küchenanlieferung (livraison de cuisine)
Feuerwehrbewegungsfläche (zone de déplacement des pompiers)
Notentriegelung (déblocage d'urgence)
Befülltrichter (trémie de remplissage)
Blitzschutztrennstelle (point d'isolation pour se protéger contre la foudre)

Ils sont tous géniaux.


Il y a neuf mois, j'ai organisé, toujours avec Fabian Navarro, un atelier sur « l’écriture non créative » avec des participants au concours littéraire Junior Bachmann à la maison Musil de Klagenfurt. Il y était question de méthodes d'écriture reposant sur des moyens et des activités qui ne sont pas considérés comme artistiques : recopier bêtement un texte, laisser un micro ouvert toute la journée et transcrire ce qui a été enregistré, composer des poèmes à partir de résultats de Google, etc. Ce qui a le mieux fonctionné a été de faire marcher les élèves dans toute la maison Musil pour recueillir des mots intéressants. Ceux-ci devaient ensuite être intégrés dans un texte. Je pense que c'est surtout cette combinaison d'activités dynamiques, la recherche de mots comme objets physiques cachés, qui déclenche quelque chose et rend immédiatement le processus d'écriture plus intéressant. En tout cas, je ne peux que recommander de temps en temps ce petit exercice, cette méthode pour vaincre le syndrome de la page blanche. Et de manière générale, je vous recommande de garder les yeux ouverts en vous promenant pour découvrir des mots inhabituels et étranges qui attendent quelque part sur les murs.