Intelligence artificielle
Quand un robot humanoïde frappe à la porte
Les réseaux de recherche internationaux travaillent sur des robots qui ne ressemblent pas seulement aux êtres humains du point de vue de leur intellect mais aussi de leurs mouvements et de leurs comportements. Il va toutefois falloir encore attendre un bon moment avant de pouvoir rencontrer une intelligence artificielle à hauteur d’homme.
De Johannes Zeller
Le Human Brain Project (HBP) a été lancé par l’Union Européenne en 2013 avec l’objectif ambitieux de développer dans les dix prochaines années une intelligence artificielle (IA) atteignant une capacité de calcul d’un exaFLOPS. Un exaFLOPS correspond à une capacité de calcul de 10 puissance 18 opérations par seconde, un nombre plus grand que celui des étoiles de la voie lactée et de la galaxie Andromède réunies (FLOPS: Floating Point Operations per Second ; Exa : un milliard de milliards, donc un 1 suivi de 18 zéros ou 1018). Tout individu porte en lui depuis sa naissance la version compacte d’un tel ordinateur : le cerveau. Le HBP veut donc réaliser en dix ans avec l’IA ce que l’évolution a mis des milliards d’années à créer.
Une meilleure efficacité grâce à la coopération
Au commencement de ce grand projet, auquel participent plus d’une centaine de structures de recherche et d’entreprises, il y eut la mise en place d’un réseau de recherche international. Des neuroscientifiques, des informaticiens et d’autres spécialistes de différentes disciplines échangent entre eux aujourd’hui dans ce cadre. Ils examinent ensemble le cerveau humain d’une façon qui n’avait encore jamais été aussi détaillée, et qui va du niveau moléculaire aux connexions permettant les processus cognitifs complexes. Comme ces recherches touchent aussi des questions éthiques, des philosophes y participent également.
Afin qu’une telle coopération se déroule sans heurts, les échanges à l’intérieur de la communauté scientifique doivent être améliorés. Il n’existe à ce jour aucune norme internationale pour la recherche neurologique et les résultats sont structurés différemment d’une organisation à l’autre. Il est donc difficile de saisir l’état actuel de la recherche dans un modèle unique. C’est ce qui doit changer avec le HBP : les chercheurs du monde entier doivent avoir accès aux nouvelles connaissances issues du projet et être en mesure de les utiliser dans leurs propres projets. Le HBP veut à cette fin mettre en place une plateforme internationale qui traite les données de neuroscience de façon homogène pour tous. Les découvertes pourront ensuite être utilisées, notamment pour la recherche médicale.
Se serrer la main grâce à l’IA
Tandis qu’à Genève le HBP s’intéresse à la structure du cerveau, des chercheurs construisent à Munich un robot qui devra ressembler au corps humain dans toute sa complexité. Ce robot qui répond au nom de Roboy est en quelque sorte le visage, mais aussi les bras et les jambes, l’articulation du pied, le tour de hanche et le battement de cils du HBP.
L’histoire de Roboy a commencé en 2013 à l’Université de Zurich où se sont réunis des informaticiens, des ingénieurs et des mécatroniciens pour développer un robot qui, d’un point de vue technique, n’aurait rien à envier à l’être humain. Des chercheurs sont venus de toute l’Europe et des partenaires venant d’autres continents ont également participé au projet. Des chercheurs de Melbourne ont ainsi apporté, avec leurs connaissances sur le contrôle musculaire, une contribution importante au logiciel qui pilote les capacités motrices de Roboy. En échange, l’équipe en charge de Roboy leur a donné du matériel informatique de pointe qu’ils pourront utiliser pour leurs propres projets.
Le robot Roboy sait déjà faire du vélo et utiliser un lecteur de disques. En 2020, il devrait même être capable de faire des diagnostics médicaux.
| Photo: © Roboy 2.0 – roboy.org
Le robot a aujourd’hui emménagé au sein de l’Université technique (Technische Universität München) où, chaque semestre, une nouvelle équipe d’étudiants de diverses disciplines se charge de lui apprendre quelque chose de nouveau. Ils lui montrent par exemple comment discuter avec deux personnes à la fois ou jouer du xylophone. Toutes les connaissances acquises sont alors mises sur Internet, sur une plateforme de robotique à la disposition de tous. De la mécanique de ses pieds au schéma de connexions qui permet à Roboy de voir, l’anatomie complète du robot est expliquée sur un portail open source, prête à être téléchargée afin que tout amateur, chercheur ou geek puisse accéder aux informations techniques et ensuite les développer.
Et ce petit robot apprend très vite : Roboy sait déjà faire du vélo et se servir d’un lecteur de disques. Des carrières de serveur et de menuisier, des métiers qui exigent une diversité motrice exceptionnelle, l’attendent par la suite.
Une machine qui n’avait jamais autant ressemblé à l’Homme
Et en 2023 ? Le HBP veut atteindre son but d’ici là et avoir développé un ordinateur qui n’ait rien à envier au cerveau humain. Mais avant d’en arriver là, il reste encore quelques obstacles à dépasser. Il est notamment nécessaire de franchir une nouvelle étape technologique pour atteindre une capacité de calcul d’un exaFLOPS. Pour simuler la vitesse et la capacité de mémoire du cerveau humain, ne serait-ce que partiellement, il faut de l’énergie en très grande quantité. Cela suppose un travail de développement dans le domaine de la puissance de traitement du rendement énergétique, ce qui pourrait finalement révolutionner aussi l’industrie traditionnelle.
Si ces obstacles en viennent à être dépassés, l’avenir de Roboy sera impressionnant : équipé du « cerveau » exaFLOPS de HBP, le robot disposerait de capacités humaines comme aucune autre machine auparavant, ce qui soulève naturellement des questions éthiques fondamentales. Un comité d’éthique accompagne par conséquent étroitement le projet depuis le début. Mais déjà son charmant battement de cils, accompagné de sa devise « be friendly », fait en sorte que la rencontre avec Roboy ne soit pas perçue comme une menace.
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