Raccourcis:

Aller directement au contenu (Alt 1) Aller directement à la navigation principale (Alt 2)

Berlinale Blogueu.ses.rs 2023
Un été terriblement beau

« Ciel rouge » (Afire) 2023. Réalisateur : Christian Petzold. En scène : Thomas Schubert, Paula Beer, Langston Uibel, Enno Trebs
« Ciel rouge » (Afire), 2023. Réalisation : Christian Petzold | Photo (Détail): © Christian Schulz / Schramm Film

Le film de compétition « Roter Himmel » (Afire) de Christian Petzold oscille de façon onirique entre utopie et dystopie.

 

De Philipp Bühler

Les conférences de presse avec Christian Petzold sont un plaisir. On ne peut en dire autant de ses films que de manière limitée, ils ont longtemps été considérés comme encombrants. Mais rares sont ceux qui parlent avec autant d'enthousiasme de leur propre œuvre, mais aussi du cinéma en lui-même. Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare a été une source d'inspiration pour son nouveau film, explique-t-il après la projection de Roter Himmel (Afire), mais aussi le genre français du « film d'été ». Lorsqu'il utilise ce genre de termes, il donne toujours l'impression qu'il vient de les inventer. L'idée de ce film, qui fait partie des cinq films germanophones en compétition à la Berlinale, lui est venue pendant la pandémie. Il s'agirait de vacances en situation d'urgence, de jeunes gens dans un été qui ressemble à leur dernier, et qui se déroule dans une atmosphère onirique. Ou, comme le dit Petzold, « à moitié endormi ».


L’Angoisse de la page blanche

Les amis Félix et Léon passent l’été dans une maison de vacances au bord de la mer Baltique, où ils sont bientôt rejoints par Nadja et son amoureux Devid, un maître-nageur. Au début, Nadja et Devid sont des invités invisibles et indésirables, surtout pour Léon, car ils le distraient de son travail d'auteur. Apparemment, personne ne se soucie des feux de forêt qui s'approchent dangereusement d'eux - on nous montre même un cochon de sanglier en feu. Felix et Devid se rapprochent de façon inattendue, tandis que Leon s'éprend de Nadja - tout à fait contre son gré. Pourtant, Petzold, un romantique de « l'école de Berlin », observe ces activités amoureuses avec un détachement amusé. L'accent est mis sur le processus créatif masochiste de l'écrivain grincheux - il se retire dans sa coquille et ne va jamais nager alors que tous les autres profite de la vie. C'est par fois inhabituellement drôle. Jusqu'à ce que la réalité prenne le dessus et que sa belle histoire ne soit plus qu'un terrible souvenir.

Une catastrophe naturelle comme avertissement

Lors de la conférence de presse du Roter Himmel, Petzold explique avec humour à quel point il se reconnaît dans Leon, un rêveur coincé entre l'hybris et le doute. La peur du deuxième roman, du deuxième film après le premier succès, est quelque chose qu'il a lui-même enduré. On pourrait l'écouter pendant des heures parler encore des influences littéraires dont il nourrit ses films, en l'occurrence le poème de Heine, Der Asra, récité pas moins de deux fois par Paula Beer lors de la conférence de presse. On peut aussi reconnaître quelques éléments de ses films précédents : la logique onirique de son peut-être meilleur film Yella (2007) et l'amour des femmes à vélo de Barbara (2012). Il serait également raisonnable de dire que c'est son film le plus autoréférentiel et donc le plus personnel à ce jour, après l'allégorie de l'Holocauste Phoenix (2014) et le drame de l'évasion Transit (2018). Mais c'est aussi le film dans lequel il entremêle plus systématiquement que jamais l'utopie et la dystopie. Bien sûr, le changement climatique est à l'origine de tout. Si nous ne faisons rien, cet été brûlant ne s'arrêtera jamais.