Séries allemandes au Canada
Cours de latin avec coups de poing et coups d’épée
« Arminius a massacré Varus - en l’an 9 après Jésus-Christ. Ça, c’est un bonus ». Ce truc mnémotechnique devrait rappeler des leçons d'histoire ennuyeuses à tous ceux qui ont dû se frotter à l'Antiquité et aux annales du savant romain Tacite. « Barbares », première épopée de Netflix sur la bataille de la forêt de Teutoburg, est présentée en six épisodes et n’a certes rien de rébarbatif. Et pourtant, une odeur de renfermé, évoquant de vieux cours de latin, y flotte, et pas juste dans les dialogues tordus.
De Angela Zierow
Tout a commencé de façon très prometteuse : avec leurs communiqués de presse rédigés en latin, les stratèges publicitaires de Netflix ont fait sourire d’appréciation plus d’un critique de cinéma juste avant le début de la série. Mais cette joie anticipée fut de courte durée: l’originalité de « Barbares » n’arrive pas à la cheville de celle de sa campagne de relations publiques. Qui plus est, cette leçon d'histoire en six parties se transforme en un feuilleton historique pratiquement vide de contenu, au look à la fois branché et sale, agrémenté de chics costumes en fourrure, de coiffures audacieusement tressées et hirsutes, et avec beaucoup d’effusion de sang. Un ménage-à-trois risqué, des têtes qui roulent et la crucifixion obligatoire sont bien sûr inclus dans le forfait. Tout ça ne serait pas si dramatique si la série pouvait au moins nous surprendre avec quelques idées originales, des rebondissements amusants ou même un clin d'œil. Cependant, la mise en scène conventionnelle, reposant sur des coups de poing et des coups d’épée, a beau se vouloir aussi cool que dans « Vikings » ou aussi déjantée que dans « Britannia », elle fait aussi mastoc qu’un drame d’aventure présenté sur une scène en plein air. De la tension ? Modérément, car après tout on sait qui a massacré qui dans la bataille de Varus ou d’Arminius. Il reste donc peu de place pour les spoilers.
La série « Barbares » lie l’histoire précédant cette bataille au destin d'un trio d'amis : Folkwin (David Schütter), Ari (Laurence Rupp) et Thusnelda (Jeanne Goursaud) sont liés par un serment depuis l'enfance. Tandis qu'Ari et son frère sont offerts aux Romains en gage de paix par leur père, un prince tribal chérusque, le lancier Folkwin et Thusnelda restent au village. Ces amis d'enfance deviennent bientôt des amants secrets, car Thusnelda, fille d’un prince, est promise à un autre. Ce n'est que des années plus tard qu'Ari, qui s’appelle dorénavant Arminius, retourne dans son pays. Fils adoptif du commandant et gouverneur Varus (Gaetano Aronica), il a fait carrière à Rome et il est devenu le chef des troupes auxiliaires de Varus. Il doit maintenant aider le commandant à mettre les peuples germaniques à genoux définitivement. C'est aussi pour cette raison que le retour sur sa terre natale éveille en lui des sentiments ambivalents. Pendant ce temps, les villages des tribus germaniques, qui sont en conflit les uns avec les autres, sont en pleine effervescence. Des tributs élevés et des mesures punitives brutales font monter les appels à la fin des querelles et à une résistance commune. Lorsque Folkwin et Thusnelda volent l'enseigne de Varus, un aigle, Arminius doit prendre une décision : trahira-t-il son père adoptif pour aider ses amis d'enfance ? Le reste appartient à l'histoire.
L’équipe de créateurs composée d’Andreas Heckmann, Arne Notting et Jan Martin Scharf (« Weinberg ») a choisi un ensemble de jeunes acteurs et actrices sympathiques et de vétérans de séries télévisées, dont Bernhard Schütz (« Eichwald, MdB »), Ronald Zehrfeld et Sophie Rois Laurence Rupp (« Vienna Blood »), lauréat du Prix du cinéma autrichien 2019, incarne Arminius, déchiré entre deux mondes et le regard mélancolique. Jeanne Goursaud (« In Your Dreams »), dans le rôle de la fille de prince rebelle, et David Schütter. (« Wir sind jung. Wir sind stark ») peuvent se défouler tant dans les joutes verbales que dans les combats. Mais le malheureux mélange de langue de bois telle qu’on l’entend dans les théâtres en plein air et de bavardages comme dans les soap pour ados gâche certains dialogues et fait perdre beaucoup de force à la dynamique explosive de ce trio, ce qui est d’autant plus fâcheux. Et l’accent italien mélodieux avec lequel les légionnaires romains parlent latin n’ajoute pas grand chose à l’intrigue, qui n’est pas particulièrement complexe à la base.
Et quand, de surcroît, Thusnelda, maculée décorativement de sang, arbore une coiffure impeccable dans le plus sauvage des carnages, que des guerriers sortent tout propres d’un canal de latrines et que les tenues de cuir semblent fraîchement astiquées même dans la boue la plus épaisse, alors la série « Barbares » glisse dans la catégorie des épopées trash. Et elle y reste malgré la scène d’action finale, mise en scène sans finesse notable, et dans laquelle les combattants, qui doivent nécessairement tous hurler, se tapent dessus au ralenti. C'est d'autant plus décevant que Steve Saint Leger, réalisateur des deux derniers épisodes, avait acquis une certaine expérience derrière la caméra en matière de scènes de combat dans « Vikings » et que la distribution a été entraînée notamment par le chorégraphe de combat Richard Ryan (« Troy »).
La réception par les médias a par conséquent été mitigée, spiegel.de a même conseillé à ses lecteurs : « Ne regardez surtout pas cela ». C'est peut-être un peu trop dur. Les adeptes de séries sanglantes dans un chic décor de boue, temps maussade à l’appui, et les amateurs de grands chagrins d'amour s'amuseront royalement en regardant « Barbares ». Et une ou deux petites bières pour terminer la journée rendront les dialogues cahoteux beaucoup plus fluides. De toute évidence, de nombreux utilisateurs de Netflix sont de cet avis, car cette série en six épisodes s'est hissée au sommet du classement des films et séries de ce service de streaming. La deuxième saison est déjà en préparation. Les dialogues y seront peut-être plus réussis.
Crédits:
OT: Barbares, D 2020, R: Barbara Eder, Steve St. Leger; D: Laurence Rupp, Jeanne Goursaud, David Schütter, Bernhard Schütz, Gaetano Aronica, Ronald Zehrfeld, Sophie Rois; L: 6 épisodes de 50 minutes
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