Des canadien.ne.s aux festivals allemands
« Si le son est bon, j'en suis ! »
Tous les ans en été, des milliers de gens regagnent des champs perdus dans la campagne pour assister à des concerts en plein air. Les festivals sont en Allemagne aussi un élément à part entière de la culture musicale. De nombreux artistes canadiens ont déjà eu l’occasion d’y participer. Nous avons interrogé montréalais.es Marie Davidson et Patrick Watson sur leurs expériences et leurs impressions.
Juillet 2021. Habituellement à cette période la saison des festivals bat son plein sur de très nombreuses scènes en Allemagne. Mais, le coronavirus demeurant une menace, de grands événements comme Rock am Ring/im Park, Hurricane ou encore le Wacken Open Air ont dû être annulés. Avant le virus, les compositeurs-interprètes Patrick Watson et la musicienne et DJ Marie Davidson avaient eu la possibilité de se produire aux festivals Haldern Pop, Melt et Nachtdigital. Ce n’était pas la première fois qu’ils œuvraient sur le sol allemand. Tous deux avaient déjà joué les années précédentes dans différents clubs. Pour Marie Davidson, ces expériences cumulées ont constitué le fondement de sa relation avec l’Allemagne : « À l’époque, je suis tombée amoureuse de la club culture en Europe, en particulier en Allemagne. J’ai toujours trouvé cela super d’aller en Allemagne. J’ai d’abord beaucoup donné dans les clubs. Jouer dans des festivals en Allemagne, c’était pour moi comme la suite logique de cette expérience culturelle.
La proximité particulière avec Berlin s’illustre aussi dans le fait que son manager habite actuellement là-bas. Elle-même y a également vécu pendant plusieurs mois. En 2019, Marie Davidson a joué non loin de la capitale, près de Leipzig, lors du festival Nachtdigital, dédié à la musique électronique. Elle dit que ce fut l’une de ses plus belles performances en public : « J’ai joué sur une scène placée sous une tente de cirque. C’était parfait. Les organisateurs ne laissent rien au hasard quand il est question de son. C’est une chose que je peux dire à propos de tous les festivals qui ont lieu en Allemagne et de la culture musicale allemande. Même quand il arrive que l’organisation ou la communication ne soient pas parfaites, parce que, notamment dans les petits festivals, l’équipe est plutôt restreinte, le son, la qualité du système sonore et la sonorisation sont exceptionnelles. En tant que musicienne, c’est une chose que j’apprécie vraiment beaucoup. Peu m’importe si on ne me donne pas un peu de vodka ou si on oublie l’eau. Si le son est bon, je viens avec plaisir ! »Sans tralala
Patrick Watson apprécie plutôt, lui aussi, les petits festivals à taille humaine. En 2009 et 2012, il s’est produit avec son groupe au festival Haldern Pop à Rees-Haldern en Rhénanie-du-Nord-Westphalie : « C’est en tout état de cause mon festival préféré en Europe. Je me souviens que, lors de ma première participation, ce fut une expérience magique. La taille du festival est très bonne pour la musique. Il n’y a que deux scènes. Tout est réduit au minimum et ainsi très bien dimensionné. On n’est pas entourés de milliers de personnes. En tant que musiciens, on est juste là pour faire de la musique. Sans tralala. Ça fait du bien. Stefan (Reichmann), le directeur du festival, tient à maintenir cette ligne. On sent bien que les groupes retenus le sont uniquement pour leur musique et non en fonction de leur degré de célébrité. J’ai l’impression que cette idée plaît autant aux musiciens qu’au public. »Marie Davidson voit les choses de la même manière. Elle apprécie la diversité dans les festivals allemands : « La différence de culture qui existe entre les festivals européens, notamment les festivals allemands, et la plupart des festivals canadiens, consiste en la coexistence de petites et de grandes scènes. À celles-ci s’ajoutent souvent des scènes pour la techno ainsi que pour des musiques assez rares. Au début, j’ai joué sur ces petites scènes. Dans les festivals européens, les genres et les goûts musicaux sont un peu plus diffus. Cela vient peut-être du fait que la dance music et la musique électronique d’avant-garde occupent une position plus centrale en Europe. Mais je constate que les choses sont également en train de changer dans la culture canadienne. Je ne crois pas non plus que c’était dû à un manque d’intérêt de la part des Canadiens. Il était tout simplement plus difficile, par rapport à notre culture, d’organiser des fêtes endiablées. Nous sommes soumis, au Canada, à davantage de règles. » Elle fait surtout allusion ici à la quasi absence d’horaires de fermeture pour les fêtes en Europe, ce qui permet plus de libertés nocturnes. En effet, lorsque Davidson commence à jouer de la musique électronique, ça se passe généralement de préférence très tard, voire dans les premières heures du jour. D’après son expérience, les festivals allemands sont plus permissifs. « Au Canada, il y a plus d’obligations par rapport aux lois sur la consommation d’alcool et les heures de fermeture. Il faut arrêter de jouer tôt. Je ne connais ici aucun festival qui soit autorisé à poursuivre les spectacles toute la nuit jusqu’à l’aurore, peut-être à l’exception d’un très petit festival, autorisé à fermer à 5 heures du matin. Mais c’est vraiment très exceptionnel. En fait, tous les festivals doivent se terminer à 3 heures du matin au plus tard.
Plus de libertés
Contrairement à Davidson, Watson est actif depuis très longtemps dans le monde de la musique. Il a déjà fait des tournées dans le monde entier et a pu accumuler beaucoup d’expériences. Selon lui, les choses ont bien changé depuis ses débuts : « Lorsque nous avons fait une tournée en Amérique il y a vingt ans, on ne pouvait trouver nulle part un Café Latte ou un bon café. Quand nous allions ensuite en Europe ou en Allemagne, nous nous réjouissions toujours à l’idée de boire du bon café. Mais quand nous nous rendons aujourd’hui aux USA, il est possible de trouver du bon café, peut-être même meilleur qu’à Paris. C’est la même chose pour la nourriture. Autrefois, c’était terrible en Amérique. Mais maintenant, on peut choisir entre plusieurs plats. Il y a tant d’idées venues d’Europe dont tout le monde s’est un peu inspiré. L’inconvénient, c’est que, d’une certaine manière, les festivals se ressemblent de plus en plus et qu’on assiste au développement d’une sorte de monoculture des festivals. »Bien que le charme local allemand se perde ainsi un peu, les souvenirs avec les gens sur place demeurent. Par exemple, Watson a l’impression qu’en Allemagne, son public l’écoute avec davantage de précision : « Là-bas, quelqu’un est venu me voir un jour en me disant : « Sais-tu que dans le deuxième couplet, au deuxième accord, au moment de la deuxième coloration, tu as… ». Il ne m’était encore jamais arrivé que quelqu’un vienne me voir après le concert pour me parler d’un accord spécifique et de sa coloration ! » Marie Davidson est tout aussi élogieuse envers les auditeurs allemands : « Le public est super. J’adore jouer devant le public allemand. J’ai un lien particulier avec l’Allemagne. Pour moi, ça fonctionne bien là-bas ; musicalement, ça fonctionne. » Et dans son enthousiasme pour les Allemands, elle ajoute un autre cliché : « Mon expérience avec les Allemands, c’est qu’on ne devient pas amis tout de suite. Ils sont plutôt réservés. Mais une fois qu’on est amis, c’est pour la vie. Certains de mes meilleurs mais sont allemands. »
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