Alliance transatlantique
Devenir des leaders en IA : L’Allemagne et le Canada prônent une IA éthique
Comme la technologie de l'intelligence artificielle se développe, l'Allemagne et le Canada tentent de développer leurs propres recherches dans ce domaine et de promouvoir des normes éthiques par la collaboration et la coopération internationales.
De Nina Mondré Schweppe
Lorsque l’Allemagne a promis d’investir 3 milliards d’euros entre 2018 et 2025 pour s’engager dans la course pour devenir un leader mondial de l’intelligence artificielle (IA) axée sur l’éthique, le monde n’a guère sourcillé. Si elle y parvient, l’Allemagne occuperait le premier rang, remplaçant la Chine et les États-Unis, qui ont chacun investi des milliards de dollars de leur propre poche pour assurer le contrôle total de l’IA – pour le meilleur ou pour le pire. Or, l’importance de l’éthique de l’IA est aussi une question de culture. Par exemple, la politique allemande a prôné des valeurs plus strictes que celles de l’Amérique du Nord en matière de protection de la vie privée et des données personnelles. Les Canadiens utilisent le Wi-Fi dans les cafés, choisissant d’ignorer les connexions non sécurisées et la vulnérabilité de leurs données. Alors que les Allemands ont tendance à être plus prudents par rapport aux algorithmes susceptibles d’affecter leurs données et leur vie privée, les Américains sont plus confiants et peut-être aussi plus vulnérables à un écosystème d’IA non réglementé. Par mesure de précaution, le Canada et l’Allemagne intègrent l’éthique dans leurs services publics et cherchent à établir des normes éthiques pour l’IA et à prévenir un scénario dans lequel l’IA serait incompatible avec l’humanité.
Par rapport à leurs homologues, l’Allemagne et le Canada ont du retard à rattraper en ce qui concerne le développement de la technologie de l’IA. Comme première étape pour y remédier, le ministre fédéral allemand des Transports et des Réseaux numériques a présenté un rapport de la Commission d’éthique sur la conduite automatique en 2017 : « À l’ère de la révolution numérique et des systèmes d’autoapprentissage, l’interaction personne-machine soulève de nouvelles questions éthiques... [La Commission d’éthique a] élaboré les premières directives au monde en matière de conduite automatique. Nous mettrons désormais en œuvre ces lignes directrices. Ce faisant, nous resterons à l’avant-garde de l’industrie 4.0 dans le monde entier. »
La Commission d’éthique a joué un rôle décisif dans l’élaboration d’une norme éthique mondiale. Plus encore, l’Allemagne a créé une coalition pour le développement d’une IA éthique en établissant le
German Canadian Concourse (GCC) en 2012. Sa mission de « créer des synapses de coopération transatlantique en matière d’IA » a réitéré l’intention de l’Allemagne de collaborer avec d’autres pays, en particulier le Canada, pour créer et conserver la capacité de faire progresser une IA éthique. Ce qui distingue la collaboration germano-canadienne de la Chine et des États-Unis, c’est que ni la Chine ni les États-Unis n’ont signalé leur intention de créer une éthique de l’IA.
Cette année, le GCC se concentre sur « le paysage de l’IA en Allemagne et au Canada » et jette les bases de la « Certification de l’IA : normes de collaboration en matière de mobilité intelligente ». En érigeant des normes et des certifications pour un écosystème plus sûr dans la conception de véhicules autonomes et la cybersécurité, l’on conçoit par défaut une éthique qui devient un « catalyseur pour l’exploitation économique de la solution IA et la coopération transatlantique ». En février 2019, le GCC a tenu un symposium auquel ont participé des chefs de file de l’industrie, des chercheurs et des équipes juridiques à Montréal. Un deuxième volet aura lieu à Berlin en novembre 2019. Le Canada emploie ses gouvernements fédéral et municipaux pour établir des liens avec les universités et les partenaires de l’industrie. L’organisation caritative mondiale canadienne, le CIFAR, a mis en place une politique sur l’avenir de l’IA dans les grands centres à travers le pays. Montréal est un chef de file en éthique et en IA, avec l’Institut d’éthique de Montréal en intelligence artificielle (MAIEI), qui recrute des gens du monde entier pour un programme d’un an sur l’impact de l’intelligence artificielle dans la société. Le Canada et l’Allemagne reconnaissent tous deux les avantages de la collaboration internationale.
Qu’est-ce qui suscite l’intérêt de l’Allemagne pour l’IA au Canada? C’est peut-être la proximité des États-Unis, ainsi que les efforts du Canada pour devenir une destination mondiale en IA et en innovation, étant donné que les options politiques du Canada vont au-delà des avantages économiques de l’IA, citant l’initiative du Canada « d’identifier les coûts et avantages sociaux associés aux développements en IA ». « Le développement et l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle (SIA) doivent permettre d’accroître le bien-être de tous les êtres sensibles », ajoute la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’IA, une initiative de l’Université de Montréal. De ses humbles débuts transatlantiques, il est clair que l’intérêt de l’Allemagne et du Canada pour l’éthique de l’IA prend de l’ampleur.
D’autre part, l’Europe a un avantage continental par rapport à l’Asie et aux Amériques. Le Comité économique et social européen a été le fer de lance d’un
code d’éthique couvrant le développement et l’utilisation de l’IA et visant à garantir que « les systèmes d’IA restent compatibles avec les principes de dignité humaine, d’intégrité, de liberté, de diversité culturelle et d’égalité entre hommes et femmes, ainsi qu’avec les droits fondamentaux ». Le dévouement du Canada et de l’Allemagne à l’égard d’une éthique de l’IA forge une alliance pour accroître la disponibilité des informations et crée un précédent pour une volonté internationale de collaboration. Il s’agit donc d’une expansion des capacités de l’IA au sein d’un écosystème éthique. Les soins de santé constituent notamment une référence germano-canadienne unique en son genre. En mars, à l’ambassade du Canada à Berlin, une conférence sur « l’IA dans les soins de santé – une perspective germano-canadienne » a appliqué les connaissances de la recherche et de l’industrie pour créer une norme plus efficace. Les résultats représentent des développements à plus long terme qui s’orientent vers le potentiel formidable d’une collaboration germano-canadienne en matière d’IA éthique.
En ce qui concerne la rivalité entre l’Allemagne et les États-Unis dans la course pour le contrôle de l’IA, The Economist a rapporté plus tôt cette année que les investissements de la Chine consacrés à la technologie avaient décuplé entre 2000 et 2016. De 1957 aux années 1990, le premier combat de la Chine pour la supériorité technologique a été contre les États-Unis. La Chine a tenu son avance, en particulier dans le domaine de l’IA. Puis, le 7 mars 2019, The Economist a rapporté que les investisseurs en capital de risque, autrefois désireux d’investir dans la technologie chinoise, ont placé son avenir prospère dans une emprise. Selon Preqin, un fournisseur de données, « plus d’argent a été levé pour les fonds de capital-risque en Chine qu’en Amérique au premier semestre 2018. C’est une première : 56 milliards de dollars, contre 42 milliards de dollars ». En même temps, la réforme de l’immigration américaine réduit le bassin de talents dans son secteur technologique. Le Conseil de l’industrie des technologies de l’information souligne que « la politique d’immigration est vraiment une politique d’innovation. L’économie américaine a énormément bénéficié de la contribution des immigrants. » Cela pourrait sans aucun doute ouvrir des portes à des pays comme l’Allemagne et le Canada, à condition qu’ils maintiennent des politiques d’immigration bien développées. Tous deux ont déjà profité de la perte des États-Unis et se sont associés pour créer une superpuissance non seulement dans le développement de l’IA, mais aussi dans le but d’établir une éthique internationale de l’IA. Enfin, un système établi par les initiatives de collaboration entre l’Allemagne et le Canada constitue un argument solide pour une coalition dans le développement de l’IA. L’infrastructure supplémentaire d’une éthique mondiale inaugurerait un cadre transatlantique pour l’application responsable et bienveillante de la technologie et profiterait à toute l’humanité, même aux populations sans accès à Internet ou aux dernières technologies.
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