Ce mois-ci avec la musique de:
Textor | GrönlandHjirok | Altin Village & Mine
Ferge x Fisherman | Ferge x Fisherman Records
Su Yono | Trikont
Jembaa Groove | Agogo Records
Auteur: Ralf Summer
Locateur (Anglais): David Creedon
Voix de femme haut-parleur (Anglais): Louise Hollamby Kühr
Es kann nicht gut gehen, was sich nicht bewegt
[Ce qui ne bouge pas ne peut pas aller bien]
Textor, « So Muss Es Sein »
Le hip-hop est aujourd'hui l'un des genres musicaux les plus populaires de la scène musicale allemande, comme partout ailleurs en fait. Ayant commencé à s'établir lentement au début des années quatre-vingt-dix, les jeunes pionnières et pionniers se sont toutefois vus confrontés au problème suivant : s'ils pouvaient s'inspirer des modèles américains sur le plan musical, ils ne pouvaient guère s'en inspirer sur le plan du contenu. De plus, les premiers hip-hopeurs (et hip-hopeuses, même si le domaine était au départ très masculin) étaient plutôt issus de la classe moyenne que des ghettos du pays. Parmi les premiers crews, mentionnons Kinderzimmer Productions, un groupe originaire de la paisible ville d'Ulm, qui s'est surtout fait connaître pour avoir dû retirer son premier album du marché à cause de l’utilisation d’un sample non-autorisé des Stranglers. Textor, leur MC, n'a jamais abandonné la musique et vient de présenter un album qui, malgré des racines old school évidentes, est frais et actuel. Avec des textes de très haut niveau, So Tun Als Ob n'emprunte certes pas toujours de nouvelles voies musicales, mais on peut lui attribuer ici les plus hautes notes de style.
La chanteuse kurdo-iranienne Hani Mojtahedy et Andi Toma de Mouse On Mars ont imaginé pour un projet commun le personnage fictif de HJirok, un mélange inhabituel mais extraordinairement cohérent de musique traditionnelle soufie - un style musical percussif que l'on retrouve dans les pratiques mystiques de diverses cultures du Proche-Orient, d'Afrique de l'Ouest et d'Asie du Sud - et de field recordings et manipulations électroniques du musicien de Düsseldorf.
L'album éponyme développe, au fil de ses huit morceaux relativement longs et majoritairement calmes, un sillage magique qui porte un voile mystique grâce à la technique vocale non conventionnelle de la chanteuse et aux différents instruments de percussion étrangers aux habitudes auditives.
L'idée de mélanger le hip-hop avec des sons jazzy est née du besoin de rendre hommage à la tradition musicale afro-américaine du début du 20e siècle dans le cadre de pratiques musicales contemporaines. Des dérivés ultérieurs tels que le trip hop ou le nu jazz, une musique numérique moins basée sur les samples, témoignent de la capacité de transformation de cette fusion de styles. Le duo Ferge x Fisherman de Nuremberg se situe plutôt du côté traditionnel. En live, ils se déplacent naturellement avec un groupe et intègrent des éléments de la soul des années 90. Mais c'est surtout au niveau musical qu’ils sont convaincants, leur son décontracté est absolument impeccable, sur tout l'album, et ils font preuve d’une très grande maîtrise stylistique.
C'est tout un tas de petites œuvres d'art excentriques que le trio Su Yono a déversé dans son album Wellen. Une batterie traînante et un chant brouillé mènent la caravane, sur le dos d'un orgue lyrique et de cuivres polyphoniques, vers le pays de la pop pour guitares dans lequel s'est installé le trio, composé de Marcus Grassl, connu pour le magnifique projet munichois Aloha Input, Chris Hofbauer (Micro Circus) et Pola Dobler, la chanteuse de la chorale féministe The Witches of Westend. On dit que la pop indienne enchantée de Wellen, consommée avec une pincée de poussière de fée, guérit même les verrues !