Histoires d'ascension sociale  Take a seat?

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Les histoires d'ascension sociale dans la littérature sont-elles des motivateurs utiles ou des contes de fées manipulateurs ? Anne-Carolin Seebeck parle de la littérature trompeuse du bien-être.

Au 20e siècle, l'appartenance (ou non) était avant tout une question économique. Depuis, le regard sur les dynamiques sociales a évolué, la classification en classes sociales va désormais au-delà des facteurs purement économiques. Mais la littérature cède souvent à la facilité : si l'on veut, on peut « y arriver », tel est le credo, et cela plaît au public. Une multitude de facteurs sont ainsi ignorés, la recette du succès de toute une série de livres publiés ces dernières années semble douteuse.

Société de classes moderne 

En raison de différents facteurs, les sociétés produisent des barrières qui déterminent les structures sociales de leurs membres, créant ainsi une sorte de « société de classes moderne ». Le concept de classe, marqué idéologiquement par Marx et Engels, est sans doute un peu passé de mode entre-temps. Pourtant, la question du revenu et de la propriété d'une personne n'est plus la seule caractéristique permettant de déterminer sa position au sein de la société. Alors que Marx considérait les « outsiders » avant tout dans le contexte de ceux qui se trouvent en dehors du système capitaliste, la réalité de 2024 est plus complexe.

Depuis les années 80 déjà, le sociologue français Pierre Bourdieu attire l'attention sur les empreintes religieuses et culturelles qui, outre les facteurs économiques, favorisent une classification de la population. Les différents environnements culturels sont donc le terreau et la définition des disparités sociales. Le sentiment d'être en dehors d'une certaine « classe » sert souvent de modèle dans la littérature pour des récits dans lesquels les protagonistes prennent leur vie en main et effectuent une ascension verticale fulgurante à travers les couches sociales par la seule force de leur volonté.

Entre deux chaises

Un bon exemple est le roman autobiographique du journaliste et auteur allemand Christian Baron, Ein Mann seiner Klasse (Un homme de sa classe), dans lequel il évoque les expériences de son enfance et son désir d'appartenance. Il décrit le sentiment de grandir dans un pays riche dans des conditions pauvres et d'être pour ainsi dire assis entre deux chaises. Le roman a suscité la controverse, car il est monocentrique et se concentre sur la perception que Baron a de sa propre histoire, et ne permet pas d'en déduire un problème social général.

C'est pourtant ce qu'il prétend faire. Il reprend le motif de l'outsider, qui sert souvent de point d'accroche aux récits sur la quête d'intégration. Dans ces histoires, il s'agit presque exclusivement d'une tentative de faire partie d'un nouvel « environnement ». Cependant, malgré tous leurs efforts, les protagonistes* ne parviennent que partiellement à s'intégrer dans leur nouvel environnement. La journaliste Isabelle Rogge décrit cette situation comme suit : « Pendant longtemps, je n'ai pas su verbaliser correctement ce sentiment. Le sentiment que je n'appartiendrais plus vraiment à certains cercles et jamais vraiment à d'autres ». 

Le fossé entre les deux  

Mais comment réussir à surmonter le fossé entre les différentes couches sociales et finalement le laisser derrière soi ? Outre la confiance que les autres placent en soi, il faut surtout croire en soi. Mais cela ne suffit que rarement. Christian Baron a réussi son « ascension éducative », comme il le dit lui-même. Et pourtant, le passé l'accompagne jusqu'au présent, entaché par le sentiment de différence. Un exemple actuel est fourni par l'homme politique américain J.D. Vance qui, dans son livre Hillbilly Elegy paru en 2016, aborde, outre l'histoire de sa vie, les problèmes sociaux de la classe ouvrière blanche américaine. Vance a grandi dans une famille ouvrière et a été confronté dès son plus jeune âge au chômage et à la dépendance. Il quitte lui aussi son pays et laisse apparemment son passé derrière lui. Après avoir servi dans les Marines, il a suivi des études à la Yale Law School, ce qui lui a ouvert la voie vers la politique. Mais Vance retourne dans son Ohio natal et devient en 2024 le candidat à la vice-présidence sous Donald Trump.

On trouve également des parallèles chez l'humoriste de stand-up, podcasteur et auteur allemand Felix Lobrecht, qui raconte une histoire de vie similaire dans son roman Sonne und Beton (Soleil et béton). Lobrecht aspirait à laisser derrière lui son enfance difficile dans le quartier en préfabriqué de Gropiusstadt à Neukölln et à s'élever dans la classe supérieure universitaire. Malgré son statut d'étudiant (sciences politiques) et ses efforts d'adaptation - comme le port de vêtements alternatifs et son engagement dans le slam poétique - la fusion avec la classe supérieure élitiste ne se produit pas non plus chez lui. « J'ai alors en quelque sorte remarqué que même si je ressemblais aux autres, je ne serais malgré tout pas accepté dans ce groupe ». 

Bancs et barrières

Le terme transclasse de la philosophe française Chantal Jaquet illustre le fait que les couches sociales ne se fondent pas simplement les unes dans les autres, mais sont séparées par des barrières qui rendent l'ascension sociale plus difficile. Dans la littérature, de tels « passages de frontières », comme les appelle Isabelle Rogge, sont souvent présentés de manière simplifiée et idéalisée, ce qui donne une image unilatérale. En dehors de la littérature, il existe aussi des histoires quasi oniriques d'ascension sociale : Eminem, Oprah Winfrey ou Céline Dion. Mais ces exemples sont souvent l'exception.

En effet, l'ascension sociale exige des capacités exceptionnelles, de la foi et de la chance, mais aussi et surtout un travail acharné. Une véritable intégration ne signifie toutefois pas seulement une adaptation et une transformation extérieure, mais aussi l'acceptation de sa propre identité. Une première étape correcte consiste à reconnaître le problème dans sa singularité et sa complexité et à proposer des solutions concrètes, par exemple en améliorant les chances de formation et l'accès au logement. Cela permettrait de faire tomber progressivement les barrières et les préjugés et de créer une société plus perméable et plus inclusive. Une société, pour ainsi dire, remplie de bancs plutôt que de chaises individuelles, dans laquelle des rencontres d'égal à égal sont possibles - indépendamment de l'origine sociale.

À propos du livre

Christian Baron « Un homme de sa classe »
Livre de poche Ullstein, Berlin 2021
ISBN 9783548064673
Site de l'éditeur
Le livre dans Onleihe

Christian, 10 ans, grandit avec ses trois frères et sœurs et ses parents dans des conditions difficiles. Une porte d'appartement enfoncée, un père enclin à la violence et des problèmes financiers accompagnent l'enfance du garçon. Même si Christian subit souvent dans sa propre chair la colère de son père Ottes, celui-ci représente pour lui une sorte de héros. Lorsque Christian reçoit une recommandation pour le lycée, la relation entre le père et le fils change radicalement. Alors que la mère, atteinte d'un cancer, est favorable au changement d'école et espère une vie meilleure pour Christian, Ottes s'y oppose avec véhémence. Avec le décès de la mère, la question semble tranchée, s'il n'y avait pas la tante de Christian, Juli, qui veut quand même réaliser le souhait de sa sœur décédée. 

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