Réduflation  L’Impertinence de l’emballage trompeur

Statistiques sur les plus gros emballages frauduleux de l'année
En 2022, ces cinq produits étaient les augmentations de prix cachées les plus audacieuses et étaient en lice pour le prix de l'emballage trompeur de l'année. Les consommateurs* ont ensuite désigné à une large majorité celui qui arrivait en tête. Photo (détail): © Verbraucherschutzzentrale Hamburg

Il y en a déjà eu plus à l’intérieur, non ? Même taille d'emballage, même prix, moins de contenu : les emballages trompeurs nous exaspèrent. Pourquoi les fabricants recourent-ils volontiers à cette méthode injuste et que peut-on faire pour y remédier ?

Les fabricants de produits alimentaires essaient souvent de tromper les consommateurs et consommatrices avec des emballages plus grands. Et l'inflation a accéléré ce phénomène, explique Daniela Krehl, experte en matière de protection du consommateur, dans cet entretien.

Portrait de Daniela Krehl Daniela Krehl est conseillère en nutrition à l’Office de la protection du consommateur de Bavière (Verbraucherzentrale Bayern). | Foto (Detail): © Verbraucherzentrale Bayern / Marcus Schlaf Daniela Krehl, qu'est-ce qu'un emballage trompeur exactement ?

L'emballage trompeur est un terme juridique : légalement, l’emballage ne doit pas donner l’impression aux consommateurs et consommatrices qu’il y en a plus à l’intérieur. Par exemple, il est interdit d’ajouter trop d’air dans un emballage. Mais très souvent, nous sommes confrontés au problème suivant : là où il n'y a pas de plaignant et de plaignante, il n'y a pas de juge. En Allemagne, un juge doit decider pour chaque cas qui lui est présenté s’il s’agit d’un emballage trompeur. Il n'y a pas de références juridiques qui définissent ce terme.

Quelle est la situation actuelle en matière d’emballage trompeur ?

Au cours de l’année 2022, nous avons constaté un grand nombre de hausses de prix cachées. C’est ce qu’on appelle la réduflation. Ce terme est une contraction des mots « réduction » et « inflation ». En anglais, on parle de « shrinkflation ». Cette pratique est très néfaste pour l'environnement. Une étude commandée par la Fédération allemande des Offices de la protection du consommateur démontre que l’on ferait l’économie de 1,4 million de poubelles tous les ans en Allemagne si les fabricants renonçaient aux emballages trompeurs.

Y a-t-il des chiffres qui prouvent que la réduflation a été plus importante que d'habitude en 2022 ?

Oui. En janvier 2023, l’Office de la protection du consommateur de Hambourg a commencé à attribuer une distinction qui démontre clairement que les hausses de prix cachées ont été plus nombreuses en 2022 en raison du prix plus élevé des denrées alimentaires.

Pouvez-vous nous donner un exemple ?

La margarine Rama a été la controverse de l'année 2022. Avant, il y avait 500 grammes dans un contenant. Maintenant, il n'y a plus que 400 grammes, mais le contenant n’a pas changé de taille. Ne vous méprenez pas, une augmentation de prix est plus que justifiée pour ce produit. Les ingrédients sont devenus plus chers, notamment l'huile. Mais ce que nous critiquons, c'est qu'il s'agit d'une augmentation de prix déguisée : une augmentation de 20 pour cent qu’on ne voit pas parce que le contenant est resté le même. On fraude ainsi les consommateurs et consommatrices.

Couronnement de l'emballage trompeur numéro un de l'année Oui, les coûts de production ont augmenté et une hausse de prix aurait été appropriée. Mais pas directement de 20% et avec moins de contenu pour le même contenant. C'est pourquoi l’Office de la protection du consommateur de Hambourg a attribué à Rama le titre d’emballage trompeur 2022. | Photo (détail): © Verbraucherschutzzentrale Hamburg Depuis quand le phénomène de réduflation existe-t-il ?

Le fait que les fabricants proposent le même emballage avec moins de contenu n’a rien nouveau. Nous l’avons vu souvent avec les Pringles, par exemple, ces chips empilées dans une boîte en forme de tube. Lorsque les ingrédients devenaient plus chers, le fabricant changeait le nombre de grammes. Mais la taille de la boîte, elle, n'a jamais changé. À un moment, il y avait 265 grammes de chips, puis ensuite il n’y en a eu que 185. Nous connaissons ce genre de chose. Mais si nous parlons ici de réduflation, c'est parce que cela s'est vraiment produit à grande échelle en 2022. Il y a eu tellement de cas et tout y est passé, des Gummibärchen (Oursons d’or) à la lessive.

Vous dites vous-même que les ingrédients deviennent plus chers. Mais l'industrie alimentaire doit quand même gagner de l'argent. Existe-t-il des cas où des augmentations de prix cachées sont justifiées ?

Pour nous, les consommateurs et consommatrices, les augmentations de prix sont justifiées, et ce pour de nombreuses raisons. Pas seulement à cause des ingrédients : les coûts énergétiques ont augmenté. Nous avons un salaire minimum - ce qui signifie que lorsque les aliments sont produits en Allemagne, les coûts associés au personnel sont plus élevés. Les récoltes de fruits et de legumes ont diminué en raison d’une sécheresse extrême. Aucun problème à ce niveau. Mais ce qui se passe avec la réduflation, c'est de la manipulation. La seule chose à laquelle je peux me référer en tant que consommatrice, c'est le prix de base : les supermarchés ont l’obligation légale d’indiquer le prix au kilo à côté du prix final. Cela signifie que si je suis bien informée, je le remarque. Mais qui a le temps de verifier ce genre de chose ? Et surtout maintenant, avec les prix qui augmentent tous les jours.

Quelles mesures l'État devrait-il prendre pour endiguer la réduflation?

Les fabricant.e.s sont rarement poursuivis en justice pour avoir produit des emballages trompeurs, car il n’existe pas de définition « d'emballage trompeur ». Nous aurions besoin d'une loi qui prescrirait par exemple qu'une augmentation de prix cachée de plus de dix pour cent est illégale. Il ne serait alors plus nécessaire de traiter chaque cas individuellement. Il serait également important de prescrire la quantité d'air dans un emballage. Par exemple, il ne devrait y avoir une limite supérieure de 30 pour cent d'espace vide que dans les cas où il est prouvé que c’est pour des raisons techniques. Je suis également favorable à l'étiquetage de toute augmentation de prix. Vous savez certainement qu'au supermarché on étiquette les aliments en promotion ? Nous avons besoin d'une approche similaire pour les augmentations de prix. Ce ne serait que justice envers les consommateurs et consommatrices.

Quoi d’autre ?

Il est parfois judicieux d'utiliser des emballages plus grands. Par exemple, si le fabricant propose moins de contenu en raison d'une augmentation de prix, mais qu'il a encore 20 000 anciens emballages dans l'entrepôt. Mais là aussi, l’étiquetage devrait être obligatoire. Nous connaissons ces étiquettes indiquant : « Plus de contenu ». Pourquoi n'obligeons-nous pas les fabricants de produits alimentaires à écrire : « Attention, en raison de l'augmentation des prix, le contenu est maintenant réduit. »
Rayon du supermarché rempli de bonbons Ce n'est qu'en comparant les prix au kilo que l'on peut déceler les emballages trompeurs au supermarché. Mais qui se donne la peine de le faire pour chaque produit ? | Photo (détail): © picture alliance/Eibner-Pressefoto/Augst L’Office de la protection du consommateur plaide également pour un étiquetage en cas de changement de qualité.

Oui. Prenons par exemple le « pesto alla genovese ». Il est traditionnellement fabriqué à partir de basilic, de pignons de pin, de parmesan ou de pecorino, d'huile d'olive, d'ail et de sel. Toutefois, à l'heure actuelle, il n'existe pas de definition de pesto dans la législation alimentaire, ni d'exigences de qualité pour sa production. Certains fabricants remplacent les ingrédients typiques de la recette originale par des ingrédients moins chers, comme l'huile d'olive, qui est souvent plus chère, par de l'huile de tournesol, et les pignons par des noix de cajou. Bien entendu, nous ne pouvons pas nous attendre à trouver un pesto fait à partir d'ingrédients coûteux pour 1,99 euro au supermarché. Mais avec les ingrédients de substitution, le produit ne correspond tout simplement pas à ce à quoi les consommateurs et consommatrices s’attendent en général quand ils achètent un pesto italien traditionnel.

Aimez-vous être une experte en matière de protection du consommateur ?

J'aime être David qui se bat contre Goliath. L'industrie alimentaire a un pouvoir de marché démentiel et un énorme lobby. Si les fabricants dissimulent ce qui se trouve à l'intérieur de l'emballage, je pense que les consommateurs et consommatrices doivent être protégés contre ce genre de chose. Je suis nutritionniste. Je connais donc la complexité et l’importance d’une alimentation saine et équilibrée. C’est une chose que chaque personne devrait pouvoir se permettre et à laquelle elle devrait avoir accès, sans être trompée par la réduflation telle qu’elle est pratiquée par l'industrie alimentaire. Et comme c'est ma conviction, ce travail me va très bien.

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