Des émotions fortes
Les neuroscientifiques considèrent les émotions comme des processus mentaux déclenchés par des stimuli externes et se traduisant par une volonté d'agir.
Pour la science, les émotions constituent un domaine de recherche difficile. En effet, elles sont très individuelles et souvent difficiles à décrire. L'émotion la mieux documentée est la peur. La sensibilité individuelle représente une partie importante de notre personnalité. Les expériences de notre vie et les événements qui sont associés à des émotions fortes restent particulièrement ancrés dans notre mémoire : on se souvient de notre premier amour toute notre vie.
Le grand amour, une simple question de chimie ?
Pendant la période excitante où l'on tombe amoureux, un neurotransmetteur, la dopamine, inonde le cerveau. Elle est sécrétée par l'hypothalamus, la principale source d'hormones du cerveau. La dopamine agit principalement dans le système limbique et joue également un rôle majeur dans la récompense et l'euphorie. Quand on est amoureux, le corps produit moins d'hormones de stress, les blessures guérissent plus rapidement et on ne ressent pas la douleur avec autant d'intensité. Mais à un moment donné, le niveau de dopamine retombe, et le sentiment amoureux peut alors se transformer en amour profond. C'est là que l'ocytocine se met à jouer un rôle plus important. Elle est produite dans l'hypothalamus et stockée dans l'hypophyse. Cette hormone apaise, réduit l'anxiété et l'agressivité et favorise les sentiments de proximité et de confiance. Le toucher est un stimulus capable de stimuler la production d'ocytocine et de dopamine, même quand la passion des débuts est terminée depuis longtemps.
Fuir ou pas ?
Les émotions provoquent certains types de comportement. La peur, par exemple, prépare le corps à fuir ou à combattre : le rythme cardiaque et la pression sanguine augmentent, les muscles sont énergisés, l'attention est focalisée sur la menace. Selon la situation, cela peut être très utile ou complètement vain. Il faut tenir compte de ses propres sentiments, de ses expériences et du comportement des autres pour pouvoir réagir de manière appropriée. Le cortex insulaire, une partie du cortex cérébral, joue un rôle important à cet égard. Nadine Gogolla et son groupe de recherche à l'Institut de neurobiologie Max Planck cherchent à savoir ce qui s'y passe exactement. Comme souvent dans les recherches sur le cerveau, les scientifiques travaillent sur des souris. Et ils ont découvert que les souris, tout comme les humains, ont des expressions faciales à partir desquelles il est possible de lire de manière fiable des émotions comme la joie, le dégoût et la peur. Grâce à une nouvelle analyse des expressions faciales assistée par ordinateur, les chercheurs peuvent désormais mesurer l'intensité et la nature d'une émotion et la comparer à l'activité des neurones dans une région spécifique du cerveau.
Les émotions dans la société
Ce qu'une personne ressent – et la manière dont elle le montre ou est autorisée à le montrer à une autre personne – n'est pas seulement l'expression d'un état intérieur, mais est également appris et codéterminé par la société. Peut-on dire alors que les sentiments ont une histoire ? Voire même, contribuent-ils à écrire l'histoire ? Ute Frevert et son équipe de l'Institut de développement humain Max Planck, à Berlin, étudient ces questions. Car des émotions comme la peur, la colère ou l'espoir ont également une grande influence sur le plan politique et social. Les chercheurs étudient par exemple la signification de la honte, du déshonneur et de l'humiliation publique dans différentes cultures et époques. Ces sentiments jouent encore un grand rôle aujourd'hui : presque tous les jours, on voit apparaître de nouvelles plateformes de dénigrement sur Internet. Le cyber-harcèlement touche particulièrement les enfants et les jeunes. Et pour vivre ensemble dans des sociétés multiculturelles, il est crucial de bien comprendre les différents effets des émotions.
Soundcheck : musique ou bruit ?
Tout le monde le sait : en matière de musique, les goûts sont très différents. Mais n'importe qui peut dire immédiatement s'il aime ou non un morceau de musique. Les chercheurs de l'Institut d'esthétique empirique Max Planck à Francfort veulent découvrir ce qui fait qu'une personne va trouver de la musique belle ou horrible. Pour ce faire, ils utilisent l'ArtLab, un espace événementiel multifonction qui est à la fois une salle de concert et un laboratoire. Les sons, les expressions faciales, les gestes et diverses données physiologiques des artistes et des 46 auditeurs peuvent y être enregistrés et analysés.
Les chanteurs d'un ensemble vocal répètent dans l'ArtLab de Francfort. On enregistre, entre autres, l'EEG, l'ECG et le rythme respiratoire des artistes : ® Institut d'esthétique empirique Max Planck, Francfort / Jörg Baumann
Les scientifiques de l'Institut Max Planck à Leipzig, quant à eux, cherchent à savoir ce qui fait le succès d'une chanson pop. Le succès d'un morceau de musique ne dépend pas tant des paroles ou de la mélodie que de la suite d'accords. Les chansons particulièrement populaires se caractérisent par un mélange de suites d'accords prévisibles et surprenantes. C'est seulement à ce moment-là que le système de plaisir est activé dans le cerveau. Cela explique également pourquoi on se sent tout de suite mieux quand on écoute de la « bonne » musique.
Amour, peur, colère, tristesse, joie… que se passe-t-il dans notre tête ?
L'amour
Quand on est amoureux, cela active le système de la récompense dans le cerveau. On produit de nombreuses hormones comme la dopamine, la vasopressine et l'ocytocine. Le système limbique est crucial dans l'apparition de ces sentiments positifs. Il est constitué de neurones qui utilisent un neurotransmetteur, la dopamine. Les corps cellulaires de ces neurones se trouvent dans le tronc cérébral, passent dans l'amygdale et l'hippocampe et finissent dans la partie inférieure du cerveau antérieur, dans le noyau accumbens (le système de la récompense).
La peur
L'amygdale décide en quelques millisecondes si l'on a peur. Le cœur bat plus vite, les muscles reçoivent plus d'énergie… nous voilà prêts à nous battre ou à fuir. L'amygdale est située dans le lobe temporal et est reliée au tronc cérébral. Elle a donc une influence sur les fonctions autonomes du corps comme la respiration et la circulation. Un faisceau de nerfs particulièrement épais mène à l'hypothalamus, qui déclenche la production d'adrénaline. L'amygdale reçoit des informations de toutes les régions sensorielles du cortex cérébral. Le lobe frontal compare les signaux sensoriels avec les expériences déjà faites et peut inhiber l'activité de l'amygdale.
La colère
Si nous sommes offensés, l'information est d'abord envoyée par les yeux et les oreilles au diencéphale, qui la transmet à l'amygdale et au lobe frontal du cortex cérébral. Mais si l'amygdale « émotive » décide de mal prendre cette information, le cortex cérébral « rationnel » n'a aucune chance : l'amygdale est plus rapide. Elle active l'hypothalamus, des hormones du stress comme l'adrénaline et la noradrénaline sont sécrétées, le pouls s'accélère rapidement. Le système limbique fait en sorte que la colère devienne également visible : elle s'exprime à travers la voix, les expressions faciales et les gestes.
La tristesse
Si l'on est abandonné ou qu'un être cher meurt, on ressent une grande tristesse. Cela provoque une réaction de stress dans le cerveau. Le système d'alarme de l'amygdale est activé et on sécrète du cortisol, l'hormone du stress. Mais la tristesse est un sentiment conscient. Elle nous aide à gérer le stress et à vivre avec l'expérience de la perte. Pendant le deuil, les zones du cerveau situées dans le lobe frontal sont activées. Elles agissent sur l'amygdale afin de pouvoir à nouveau se détendre.
La joie
La satisfaction, la joie et le bonheur sont étroitement liés. La satisfaction est un état d'équilibre intérieur qui est influencé en partie par la génétique et en partie par l'environnement. Elle se développe entre l'âge de cinq et dix ans et reste en grande partie la même tout au long de la vie. Sur le plan biochimique, elle implique tout particulièrement trois messagers du cerveau : la sérotonine, la dopamine et l'ocytocine. La brève sensation de bonheur provient d'un « cocktail » d'opioïdes fabriqués par le cerveau, comme les endorphines. L'origine de la joie est déterminante pour la qualité du bonheur. Les choses matérielles, comme un nouveau vêtement par exemple, activent principalement le système de la récompense. Mais ce sentiment de bonheur est de courte durée. Les récompenses sociales, comme la reconnaissance et l'amitié, ont un effet plus long.