Bandes sonores années 1990: Blumfeld – « Tausend Tränen tief »  De nouvelles possibilités

Tonspuren 1990er Illustration: © Hanka Sedláček

Après la fin de la « Neue Deutsche Welle » (NDW), et sur une longue période, l'intérêt porté aux groupes germanophones qui se sentaient vaguement liés à la notion « d'indie » était plutôt faible. Cela n'a changé qu'au début des années 1990, avec l'école dite de Hambourg, à laquelle appartenait le groupe «Blumfeld ».

Bandes sonores

Le journaliste musical Mario Lasar met en lumière des phénomènes culturels et sociaux importants de l'histoire de l'Allemagne (fédérale) d'après-guerre à travers huit chansons en langue allemande, sur huit décennies.

La plupart des chansons et des artistes mentionné.e.s dans cette série peuvent être écoutés (dans l'ordre de leur mention) dans une liste de lecture Spotify: open.spotify.com/playlist/soundtracksBRD/

Le terme Hamburger Schule (École de Hambourg) naît au début des années 1990 et fait ironiquement allusion non seulement au lieu d'origine de nombreux groupes, mais aussi au fait que les textes souvent alambiqués et chargés intellectuellement des groupes Kolossale Jugend, Cpt. Kirk &, ou justement de Blumfeld, présentaient certaines similitudes avec l'image que l'École de Francfort, autour des sociologues et des philosophes Max Horkheimer et Theodor W. Adorno, se faisait d'elle-même.

Bien que le groupe Kolossale Jugend se soit séparé en 1991, il est considéré comme un précurseur de « l'École ». Avec la sortie de son album Heile Heile Boches en 1989, le besoin de voir du indie rock en langue allemande évoluer dans un milieu plus large s'est à nouveau fait sentir. C'est dans ce climat que Blumfeld a sorti à l'automne 1991 le single Ghettowelt, dont les paroles, accompagnées d'accords de guitare secs et gris, formulent la thèse selon laquelle la musique peut faire office de mur qui nous protège du monde extérieur.

Sur ses deux premiers albums, Ich-Maschine et L'Etat Et Moi, Blumfeld a largement poursuivi son approche alliant des textes (auto-)réflexifs à un indie rock énergique et cassant. L'album Old Nobody, paru en 1999, a marqué un tournant, ajoutant de nouvelles impulsions à l'orientation traditionnelle du groupe, ce qui se voit particulièrement dans le single Tausend Tränen Tief. Cette chanson n'est pas basée sur des guitares électriques, mais sur des guitares acoustiques, et sur des sons de synthétiseur sphériques et plats. Le tempo élégiaque fait de cette chanson une ballade. De plus, le frontman Jochen Distelmeyer s’éloigne de son style déclamatoire et déformé pour se présenter de manière très offensive comme un chanteur à la George Michael.

Le fait que Blumfeld assouplisse son ancienne identité montre à quel point le groupe était prêt à déstabiliser les frontières esthétiques. Cette ouverture se poursuit au niveau du texte. La ligne « Es könnte viel bedeuten » (traduction littérale: cela pourrait signifier beaucoup) fait référence à la chanson elle-même, ce qui indique son interprétabilité. Par analogie avec la modernité, Tausend Tränen Tief s'écarte de l'idée selon laquelle la langue peut refléter fidèlement la réalité. Cette chanson « chante de nouvelles possibilités pour toi seul » (original allemand: singt für dich allein von neuen Möglichkeiten), nous fait savoir le locuteur. L'accent mis sur le « Möglichkeitssinns » (Robert Musil) (traduction littérale: sens du possible) peut être considéré, au vu de la date de sortie de Tausend Tränen Tief, comme une perspective laissée en suspens sur le nouveau millénaire qui s'annonce.

L'utilisation de termes comme « schweben » (flotter) et « fließen » (couler) suggère que le nouveau millénaire n'est pas perçu comme une rupture, mais comme une charnière qui relie l'ancien au nouveau. Le texte dit notamment: « So wie du ein Teil von mir / bin ich ein Teil von dir » (traduction littérale: Tout comme tu es une partie de moi / je suis une partie de toi). Et même s'il s'agit ici de deux amants, la lecture a été conçue de manière à ce que les lignes décrivent une zone de contact entre deux époques. En accentuant les transitions graduelles, cette chanson sʼoppose à 1999, de Prince, un hymne à la fête mettant lʼaccent sur une rupture orchestrée avec beaucoup de faste et de pompe. Au moment de la création de la chanson, au début des années 1980, lʼambiance de la transition au nouveau millénaire n’était qu'une projection dans lʼavenir pour Prince, tandis que Blumfeld décrit ses impressions en temps réel, au coeur même de l’année 1999. Il y règne un calme anti-hystérique et expectatif - un contraste agréable avec lʼalarmisme permanent autour du terme « bogue de l’an 2000 », qui a marqué lʼactualité en 1999.

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