System Crasher, de Nora Fingscheidt
L’enfant sauvage
![Benni (Helena Zengel) hat heute so gar keine Lust Benni (Helena Zengel) hat heute so gar keine Lust](/resources/files/jpg883/intro_systemsprenger_foto_06_983_427-formatkey-jpg-w320m.jpg)
À côté d’elle, la petite Manon des Bons débarras, de Francis Mankiewicz, a l’air d’un ange, et l’enfant sauvage, celui que François Truffaut tente de « civiliser » dans son film éponyme, apparaît comme un être d’un raffinement exquis en comparaison de la petite Benni (Helena Zengel, foudroyante de vérité, et foudroyante tout court!).
Von André Lavoie
Dans System Crasher, de la cinéaste Nora Fingscheidt, on pourrait la surnommer la tornade blonde tant elle réussit à tout détruire sur son passage : briser des fenêtres, casser des nez, crier à tue-tête, pratiquer le vol à l’étalage, prendre ses jambes à son cou en pleine nuit, en pleine forêt, ou en plein hiver, rien ne l’arrête. Surtout pas son immense colère que personne ne semble en mesure de canaliser, sauf peut-être Micha (Albrecht Schuch, d’une intensité sans cesse contenue et bien calibrée), lui aussi dans un long processus d’« anger management », et qui saura ce qui l’en coûte de déroger aux règles strictes qui balisent le travail des intervenants sociaux. Et qui, disons-le, contemple en elle son propre désarroi intérieur.
Cette petite héroïne d’une beauté angélique digne d’un tableau de Raphaël – du moins lorsque rien ne la contrarie ou qu’elle camoufle les ecchymoses sur son petit corps frêle — représente la somme des histoires de ce que l’on surnomme ici les enfants de la DPJ, ballotés d’un centre jeunesse à une famille d’accueil, la rage au cœur et l’avenir ombrageux. Ne craignant pas les défis casse-cou, Nora Fingscheidt voulait raconter l’errance de ces naufragés sociaux, ces enfants aux comportements si problématiques qu’aucune ressource ne semble suffisamment adéquate pour leur venir en aide. Et c’est lors du tournage d’un documentaire dans un centre pour réfugiés qu’elle a fait la connaissance de sa tout première « system crasher », une adolescente allemande de 14 ans dont le profil atypique lui vaut le triste honneur de passer à travers toutes les mailles de tous les filets (sociaux).
La vraie nature de Bernadette
Benni – de son vrai nom Bernadette, mais la fillette de 9 ans refuse qu’on l’interpelle ainsi – représente un danger potentiel partout où elle passe, suscitant la méfiance des plus dévoués travailleurs sociaux, et des enseignants les mieux intentionnés. Car elle peut piquer une sainte colère pour moins que rien, fracasser une vitre supposément incassable avec une chaise, et épuiser tout le monde avec ses cordes vocales pour réclamer de revenir vivre auprès des siens. Malgré toutes ses bonnes intentions, la mère de Benni, et de deux autres enfants, n’arrive plus à contrôler les accès de colère de sa fille, cherchant en quelque sorte à protéger le reste de sa famille contre cette bombe à fragmentation.![La cinéaste Nora Fingscheidt Nora Fingscheidt, Réalisatrice](/resources/files/jpg883/systemsprenger_foto_07_regissseurin_300_400-formatkey-jpg-default-m.jpg)