L’histoire du cinéma en Allemagne
Du cinoche aux multiplexes
Il y a 120 ans, en 1895, les frères Skladanowsky montraient les premiers films en Allemagne - cela se passait dans la salle de bal d’une auberge de campagne à Pankow. Les lieux dans lesquels nous voyons des films ont constamment évolué depuis.
L’année 1895 marque la naissance du film - également en Allemagne. L’auberge Feldschlösschen dans le quartier berlinois de Pankow tint lieu alors de tout premier cinéma au pays : c’est ici qu’avec leur projecteur, Max et Emil Skladanowski présentèrent à un public sélect leurs premiers films courts qu’ils avaient tournés. Après un premier essai réussi en juillet, suivirent des représentations publiques régulières : à partir du 1er novembre, un public de curieux put admirer dans les jardins d’hiver de Berlin (Berliner Wintergarten) les images en mouvement - point culminant sur lequel se terminait un programme de variétés classique.
Du cinéma d’attraction au « PALACE »
À ses début, le film ne connaissait ni forme narrative fixe ni lieux de présentation. La fascination qu’exercaient à elles-seules par leur nouveauté ces images scintillantes en mouvement suffisait à attirer le public dans les cafés-théâtres et dans les foires. C’est là que des projectionnistes ambulants offraient en spectacle des films de courte durée. Le cinéma d’attraction, terme utilisé par l’historien américain du cinéma Tom Gunning, a marqué la forme de ce jeune média. Il a déterminé la façon dont fut perçu le film jusque dans les dix premières années du vingtième siècle.Cette énorme popularité donne naissance alors aux premières salles de cinéma. D’abord petits et peu représentatifs, ces bâtiments avec débit de bière vont très bientôt prendre de l’expansion. C’est en 1912 qu’on inaugure à Berlin dans le palace Vaterland de la Potsdamer Platz une salle de cinéma qui peut accueillir 1200 personnes. Ce cinéma ouvrait ainsi la voie à ces complexes somptueux de plus en plus nombreux qui inciteront la population à fréquenter le cinéma en plein centre-ville.
Loisir de masse et média dominant
Le « Kintopp » comme on appelait le cinéma à ses débuts en Allemagne, devint un lieu de rencontre pour des groupes de conditions et d’âges très divers. Durant plusieurs décades, rien n’altéra son pouvoir d’attraction. Vers la fin des années 20 plus de 5000 cinémas allemands drainaient tous les ans plus de 350 millions de cinéphiles. Le national-socialisme tenta d’exploiter l’impact des cinémas. Les programmes de variétés et d’informations à saveur propagandiste, entre autres les premiers films en couleurs, attirèrent dans les dernières années de la Seconde Guerre mondiale plus d’un milliard de spectatrices et spectateurs dans les cinémas.À la fin de la Seconde Guerre mondiale, un grand nombre de ces prestigieux cinés-palaces étaient en ruines. Comme dans les premières années du cinéma, on convertit différents locaux en salles de cinéma que les Alliés allaient utiliser à des fins de « Re-éducation » cinématographique. Grâce au « miracle économique » ouest-allemand les investissements reprirent et on vit naître d’élégantes salles de cinémas réservées à la projection en primeur des nouveaux films, où les spectateurs pouvaient approcher les stars. Grâce à l’intégration de documentaires et des actualités, la sortie au cinéma devenait un loisir primordial pour toute la famille.
Mort du cinéma et diversification
L’introduction de la télévision à la fin des années 50 allait toutefois entraîner une crise du cinéma : le nombre de cinéphiles s’effondra. De nombreux cinémas durent fermer : cela toucha aussi bien les petites entreprises de province que le petit cinéma de quartier dans les grandes villes. Pour contrer ce déclin de la fréquentation des cinémas, on mit l’accent sur les superproductions riches en couleurs, de quoi faire blêmir les programmes de télévision en noir et blanc.Cependant, face à un public de plus en plus diversifié, on allait exploiter de nouveaux créneaux. Ainsi, dans les années 70, compte tenu des nouvelles tendances, on transforma les grandes salles en petites « boîtes à cinéma ». En réaction au cinéma commercial, on créa un peu partout des cinémas communautaires autonomes (connus sous l’appellation « KoKis ») qui présentaient un programme indépendant. Néanmoins cette spécialisation ne fut pas une panacée. C’est ce que prouva le succès de la vidéocassette dans les années 80 : il sonna le glas de ces nombreuses salles obscures situées dans les gares où l’on présentait des films d’action et des films pornos.
Arrivée des multiplex
Le marché du cinéma ne cessa de se resserrer comme aux États-Unis, on vit s’ouvrir, au début des années 90, les premiers multiplex dans les villes allemandes. Ils offraient sous un même toit plusieurs grandes salles dotées d’équipements techniques haut de gamme permettant un visionnage optimal, leur programme étant constamment à la recherche des derniers blockbusters destinés à un public plutôt jeune. Celui-ci afflua dans ces centres qui tout en étant spacieux n’en étaient pas moins fonctionnels. Ces multiplex firent disparaître un peu partout les petits cinémas gérés par leurs propriétaires. Cependant, en établissant de nouveaux standards, ils consolidaient un intérêt grandissant pour le cinéma.Les SUPER-CINÉMAS et la haute technologie de l’avenir
La mode récente des super-cinémas dotés de salles restaurées à grands frais ou aménagées au prix de grands efforts, avec service individuel de boissons, montre toutefois que pour la plupart des gens la sortie au cinéma est bien plus qu’une projection techniquement parfaite. Contrairement aux multiplex uniformisés, le local joue un rôle de choix. Ces maisons font délibérément référence aux somptueux palaces d’antan.Parallèlement on voit se poursuivre la révolution du numérique dont le plus petit des cinémas se doit désormais d’être équipé. La prochaine génération des cinémas offrira grâce à des projections laser fortement contrastées des niveaux de noir et blanc encore inégalés. Il fera sombre comme par la nuit la plus profonde et le soleil levant à l’écran éblouira le spectateur. Pour cela, les salles se transformeront en espaces totalement noirs, où aucune lumière diffuse ne détourne l’attention de la perception du film. En revanche, la salle de cinéma en tant que telle se fera oublier.