Rock, pop, hiphop, electro: au début de chaque mois nous partons à la recherche de nouvelles trouvailles dans les studios et les clubs de la nation, de Kiel au nord jusqu'à Weilheim dans le sud. En collaboration avec Zündfunk, le magazine de la scène de la radio publique de la Bavière, nous présentons les plus récentes chansons de groupes hors normes. La Pop faite en Allemagne peut également être téléchargé par abonnement ici.
Édition actuelle
...maintenant dans le magazine régional des Goethe-Instituts d'Amérique du Nord, « Gegenüber ».
I’m lost baby I’m lost
Post War, post punk and double crossed
Kreidler, « Loisaida Sisters » (feat. Khan of Finland)
Un nouvel album de Golden Diskó Ship, c'est comme le nouveau livre d'une auteure préférée. n peut toujours faire confiance à la créativité débordante de la mastermind Theresa Stroetges, mais ce qu'elle mélange exactement dans son univers délimité par les coordonnées de la musique électronique d'une part et de la pop d'autre part, réussit à nouveau à surprendre sur Oval Sound Patch. C'est devenu catchy, et ceux qui ne connaissaient pas encore son travail trouveront ici un bon point de départ. C'est un album sur la progression, le changement et l'avenir. Bien qu'elle n'ait pas perdu l'espièglerie de ses précédents albums (celui-ci est le cinquième), ces six nouvelles pistes, composées avec amour, semblent mûres et hymniques. Un album comme un paquet de rayons de soleil.
Le retour du rock ! Après que leur album de retour relativement expérimental Die Gruppe ait été une histoire plutôt introvertie et contemplative, Ja, Panik montrent sur Don't Play With The Rich Kids qu'ils savent encore jouer des riffs de guitare, des slogans criés, des orgues et des cuivres. Le quatuor entourant l'artiste polyvalent viennois Andreas Spechtl se montre en excellente forme et tourne son regard vers l'avenir. Le regard moqueur sur un monde détruit a fait place à un agréable esprit de combat, comme le prouve par exemple l'hymne antifasciste Fascism is Invisible (Why Not You). C'est bien qu'ils existent encore.
Weißt du, da kämpft
wer eintausend Kämpfe in mir drin
Und
Keinen einzigen kann
ich gewinnen
[Tu sais, il y a quelqu'un qui se bat à l'intérieur de moi. Et Je ne peux pas en gagner un seul] Ja, Panik, « Kung Fu Fighter »
Le travail de Kreidler depuis des décennies sur les frontières floues de la pop minimale postmoderne, du dub kraut et du groove exaltant de l'homme-machine s'achève sur Twists (A Visitor Arrives), une nouvelle étape de son voyage à l'intérieur de la musique. A l'instar de la Well-Oiled Machine si bien décrite par Golden Diskó Ship, l'album part en voyage sans but précis et avec des tempos changeants, ils ne racontent pas d'histoires scandaleuses, mais ils parlent d'états, de chemins, d'idées. Le chemin est le but.
toechter a toujours été un peu différent. Mais avec leur deuxième album, elles parviennent à s'émanciper de leur concept étroit de pop de chambre pour créer une ébauche très personnelle de musique pop magnifique, pleine de mélodies enlevées, de voix réverbérées et d'un ciel rempli de violons. Katrine Grarup Elbo, Lisa Marie Vogel et Marie-Claire Schlameus utilisent à nouveau leurs instruments à cordes (violon, alto, violoncelle) comme point de départ de leurs compositions sur Epic Wonder, mais cela est moins évident dans le mixage final et donne une impression générale beaucoup plus équilibrée, plus mûre et plus élaborée de leur travail.
Des compositions instrumentales d'une longueur excessive, d'une ampleur épique, qui tendent vers une résolution éclatante, telle est la marque de fabrique des rockers post-noise berlinois Zahn. Le trio, mené par le claviériste de tournée d'Einstürzende Neubauten Felix Gebhard, montre sur son deuxième album Adria moins du math-metal sec comme un os de leur début, mais mise sur la polyvalence, des touches de guitare surf aux murs de claviers toujours présents, qui confèrent aux morceaux très structurés une émotion qui les distingue de la concurrence.
I’m weak, weaker, weaker, strong
I’m close, closer, closer, far
Oum Shatt, « Play »
À l'évocation du terme « A8 », les Allemand.e.s pensent à l'un des axes est-ouest les plus importants du pays, la fameuse autoroute n° 8, qui est aussi tristement célèbre pour ses risques routières. Le nom A08, premier projet que nous présentons dans le Popcast de la nouvelle année, n'est pourtant pas inspiré de son homonyme autoroutier, malgré l'élément de liaison indéniable du duo berlinois, mais est une abréviation de leur projet précédent, Africaine 808. La référence fonctionne néanmoins. Dirk Leyer et DJ Nomad travaillent avec des artistes du Ghana, de Colombie, du Kenya et d'Allemagne pour donner vie à leur projet de musique électronique mondiale. Le mélange de reggae, de jazz, de folklore caribéen et d'électro qui en résulte et qui vient de paraître sur le label downbeat munichois Compost sous le titre Waiting for Zion, séduit par sa polyvalence, mais qui constitue en même temps sa faiblesse sur la longueur de l'album : A08 s'apprécie mieux si l'on considère chaque morceau pour lui-même.
L'artiste avant-pop Mary Ocher a une discographie extrêmement remarquable et variée et se tourne résolument vers la musique électronique dans son dernier album Approaching Singularity : Music For The End Of Time. L'artiste, qui a grandi à Tel Aviv et réside depuis de nombreuses années à Berlin, a produit un essai pour accompagner le titre apocalyptique de son œuvre, dans lequel elle réfléchit à l'avenir de l'humanité dans un monde en proie à des tendances autoritaires, des extrêmes politiques et des technologies en pleine expansion. Sa voix aussi forte que polarisante s'engage dans des débats sur l'autorité, l'identité et le conflit, et laisse ses visions d'un avenir meilleur s'étendre bien au-delà de sa musique.
Sur Visionäre Leere, la « musicienne pop dissidente » Bernadette LaHengst se penche également sur des questions d'avenir. Le changement climatique et les changements structurels, la guerre et la politique sont autant de thèmes abordés que sa propre relation mère-fille. Sur sa nouvelle chanson Gib' mir meine Zukunft zurück (Rends-moi mon avenir), elle laisse à sa fille de 19 ans, Elle Mae (Hengst), le soin de chanter le refrain. Le résultat est un autre des hymnes pop optimistes et combatifs qui ont fait la réputation de Bernadette LaHengst depuis qu'elle a fait son entrée sur la scène musicale allemande au début des années 90 en tant que chanteuse et guitariste du groupe pop hambourgeois Die Braut Haut ins Auge. Quasiment seule, LaHengst a composé, joué et produit sa pop soul avec une telle compétence qu'on lui pardonne quelques faiblesses textuelles et ses intermèdes de rap qui donnent envie de rentrer sous terre. On peut toutefois douter que la guitare de voyage Vox Apache, fièrement présentée sur les photos de presse, soit même présente sur l'album. Plus que dans les productions précédentes, l'objectif semble avoir été la perfection musicale.
And we had so many plans
Leap from the sill, see where we land
Beirut, « So Many Plans »
Zack Condon alias Beirut, désormais également établi à Berlin, est depuis 2006 déjà une bonne adresse pour l'indie-folk avec des éléments de musique du monde et de jazz. En 2019, alors qu'il s'installait pour un temps sur une île de Hadsel, en Norvège, en quête de tranquillité, il a découvert un « orgue à pompe » dans la maison qu'il louait, et qui est devenu l'inspiration du son de sa nouvelle production. De retour à Berlin, il a dû s'enfermer pour cause de pandémie et a pu terminer tranquillement la production de l'album portant le nom de Hadsel, tout seul, comme il l'avait fait pour son premier album il y a presque 20 ans, dans le style éprouvé de DYI. Bien sûr, il est devenu magnifique, plein de calme contemplatif et de magnifiques sons organiques des instruments de l'extraordinaire collection de l'artiste ainsi que son merveilleux baryton typique.
Le supergroupe allemand Oum Shatt annonce de grandes choses, six ans tout de même après la sortie de leur fantastique premier album Gulag Orkestra. Surf américain, rembetiko grec, no wave et diverses influences orientales sont les pierres angulaires de leurs nouvelles chansons, qui sortiront le 26 janvier. Menés par les passages vocaux en forme de mantras de l'auteur-compositeur-interprète Jonas Poppe et par les percussions parfois sauvages du batteur Chris Imler, ils créent à nouveau un son très personnel malgré leurs multiples influences. Un début fort pour une année qui ne sera certainement pas de tout repos.
Doch was vor mir liegt
Ist meine eigene Einsamkeit
Und ich denke manchmal,
dass wir auseinander gehen
liegt doch auch daran,
dass wir uns so gut verstehen
[Mais ce qui se trouve devant moi C'est ma propre solitude Et je pense parfois que si nous nous quittons c'est aussi parce que, que nous nous entendons si bien] Ostzonensuppenwürfelmachenkrebs « Von Haus aus allein »
Ostzonensuppenwürfelmachenkrebs était premièrement un gros titre publié dans le quotidien par excellence de la presse à sensation en Allemagne, la Bild-Zeitung, avant de devenir, en 1991, le nom d’un groupe démontrant un certain penchant pour l'ironie, l'un des premiers bands à s'inscrire dans un tout nouveau mouvement qui deviendra "l’école de Hambourg". C'était la réponse allemande au lo-fi et à Generation X. Elle a donné naissance à une multitude de groupes très intéressants, dont les Ostzonensuppenwürfel, qui comptaient parmi les premiers et les plus fascinants. Aujourd'hui, à l'occasion du 25e anniversaire de la sortie de leur cinquième et dernier album, Leichte Teile, Kleiner Rock, en 1998, le label hambourgeois Tapete les remet sur le devant de la scène en publiant la version vinyle de l'album, qui n'était alors sorti qu'en CD. Un élément absolument indispensable de la jeune histoire de la musique allemande !
Originaire de Leipzig, Hotel Rimini vient de sortir son premier album intitulé Allein unter Möbeln. Les chansons introverties et en allemand de ce sextuor se prêtent à des arrangements tout en contraste pour instruments à cordes classiques comme le violon, le violoncelle et la contrebasse, mais aussi pour des instruments que l’on associe à des groupes pop comme le piano, la guitare et la batterie. La mélancolie combative des textes du chanteur Julius Förster, qui traitent de phénomènes personnels modernes comme l'idéalisme feint ou l'autopromotion artificielle, constitue l'élément contemporain de ces chansons intemporelles et leur confère une pertinence actuelle.
The world is full of lonely people
Afraid to make the first move
It’s the hardest part
Kiki Bohemia « Lonely People »
Kiki Bohemia, de son vrai nom Karla Wenzel, a mis 15 ans à sortir un deuxième album après son fantastique All the Beautiful. Mais l'attente en valait la peine. Les miniatures folk psychédéliques de la Berlinoise ont conservé leur noirceur morbide, tout en paraissant désormais plus mûres et plus élaborées. Les arpèges de synthétiseurs ne percent que rarement les surfaces atmosphériques et les percussions sont largement absentes de Those Are Not Songs ; Kiki Bohemia accorde plutôt beaucoup de place aux grandes mélodies et à son chant tantôt très intime et direct, tantôt grandiose et distancié, comme par exemple dans la reprise extrêmement réussie de Frozen Warning de Nico.
Ils sont présents sur 300 compilations, ont vendu plus de 100 000 albums et sont dans le métier depuis près de 30 ans. Tout le monde a probablement déjà entendu une chanson de Boozoo Bajou sans s'en souvenir le moins du monde, car les textures sonores détendues des Munichois semblent parfois trop fugaces. À tort : leur son électronique décontracté, teinté d'éléments de blues, de jazz, de soul et de rythmes latins, contient, contrairement à de nombreuses productions downbeat plutôt incolores, une multitude de références savoureuses à un large spectre de la culture pop, comme par exemple la touche de dub techno souvent présente, qui confère de la tension aux œuvres et les empêche de sombrer dans l'insignifiance.
Pour leur nouvel album Flow, les frères Teichmann se sont associés à leur père et ils pourvent, sous le nom de Teichmann & Söhne, que les projets intergénérationnels fonctionnent aussi sans clichés. L'album est né d'enregistrements lors de répétitions entre 2012 et 2022, dans lesquelles la force d'improvisation du père, le musicien de jazz Uli, rencontre les techniques dub et les sons de synthétiseurs modulaires des deux jeunes Teichmann, Andi et Hannes. La famille n'a cependant pas toujours été aussi harmonieuse - plus jeunes, Andi et Hannes se sont rebellés contre l'esprit libre et jazzy de leur père et ont fondé un groupe punk, avant de s’intéresser aux productions techno linéaires, comme celles pour le label Kompakt de Cologne, qui ont fait leur réputation. Mais tous ensemble aujourd'hui, ils offrent un exemple convaincant de la façon dont des approches différentes de création artistique peuvent se compléter de manière passionnante.
Dans son deuxième album, Simulate yourself, Helena Ratka aka Pose Dia crée une atmosphère extraterrestre, accompagnée de paroles poétiques et d'électro-pop abstraite. Ce chant parlé sombre et rauque est soutenu par des mélodies délicates, tout en sensibilité, et d'un son électro innovant, révélant ainsi le travail d'Helena en tant que DJ : depuis quelques années déjà, elle est artiste en résidence au célèbre Pudel Club de Hambourg. En 2019, elle forme avec Sophia Kennedy le duo Shari Vari et sort le superbe album NOW. Son travail de cinéaste et d'artiste visuelle se reflète également dans ses productions musicales : le clip de Feuer évoque des scènes de science-fiction apocalyptiques.
Tout en exerçant des professions différentes, des membres du groupe, l'historien de l'art Hoffmann, l'écrivain Meinecke, l'artiste plasticienne Melián et le photographe Petzi sont restés fidèles à leur groupe, F.S.K. alias Freiwillige Selbstkontrolle, depuis sa création en 1980. Leur pop discursive, pleine d'humour et de ruse, s’est notamment fait remarquer en dehors de l'Allemagne, John Peel ayant déclaré que F.S.K. était son groupe allemand préféré. C'est ainsi qu'ils ont été l'un des rares groupes d'Allemagne à bénéficier d’une séance d’enregistrement Peel à la BBC. Topsy Turvy, chanson-titre de leur dernier album, décrit un monde à l'envers avec des métaphores et des sons chaotiques, carF.S.K. n'a pas peur de la confusion et des ruptures culturelles.
Trois ans après la sortie de son dernier album Andere, Max Rieger alias All diese Gewalt est de retour le 10 novembre avec un nouvel album Alles ist nur Übergang. Dans le projet solo de Max, son côté doux se révèle : alors qu'il se produit normalement en tant que guitariste et chanteur sur de grandes scènes pour le groupe Die Nerven, ses productions se révèlent plutôt calmes et poétiques. Max Rieger connaît également du succès en dehors des feux de la rampe : il s’est mérité le titre de Rick Rubin allemand pour ses trames sonores de films comme Berlin Alexanderplatz ou des productions pour Drangsal, Ilgen Nur et Mia Morgen.
Weißt du grade, wer du bist?
Isabelle Pabst, « Alice »
Depuis ses vacances en Croatie durant son enfance, la musicienne de Cologne Isabelle Pabst aime passer du temps dans l'eau, plus précisément sous l'eau. En plongeant, elle peut se détendre, se concentrer sur ses pensées et faire abstraction de toute agitation. Ainsi, l'eau n'est pas seulement présente sur la pochette de son nouvel album Als die Stille aus der Zeit fiel, mais aussi dans les sons mystiques, calmes et expérimentaux de sa musique. Ses chansons créent une atmosphère nocturne mystérieuse. Cette perfectionniste autoproclamée les a enregistrées parfois des dizaines de fois, au cours d'innombrables nuits, avant de se déclarer satisfaite.
Spirit Fest est un supergroupe formé par les artistes Markus et Micha Acher (The Notwist), Mat Fowler et les groupes Tenniscoats et Aloa Input. Acher a découvert le duo japonais avant-psychédélique-folk Tenniscoats lors d'une tournée au Japon et a été immédiatement séduit par leur univers sonore. Ils se sont tous réunis en 2016 au festival Alien Disko de Munich et ont décidé de se lancer dans ce projet commun. Leur quatrième album, qui vient de sortir, révèlent les différents caractères de ce groupe transnational : les textes des chansons en anglais et en japonais sont accompagnés de notes mélancoliques, surnaturelles et réconfortantes. La pop à la guitare est délicatement agrémentée de piano et d'électronique. Un petit bijou de folk-pop, tout en arabesques.
[Tout faire sauter !] Die Türen, « Grunewald is Burning »
Avec des musiciens comme Maurice Summen, Chris Imler et Andreas Spechtl (Ja Panik), Die Türen peut tout à fait être considéré comme un supergroupe dans le paysage musical allemand. Die Türen est aussi une maison de disques, connue sous le nom de staatsakt, dont on peut dire qu’elle est le meilleur ou, dans des termes plus diplomates, l'un des meilleurs labels du pays. Présent depuis 20 ans dans le business de la musique, le groupe annonce maintenant la sortie de son sixième album, intitulé Kapitalismus Blues Band. Comme le nom et le clip Grunewald is Burning (voir ci-dessous) le laissent supposer, Die Türen célèbre l'apocalypse avec l’enthousiasme et l’humour laconique les caractérisent. Anguleux et plein d'énergie no wave funky, avec son look nerveux fait de bribes générées par l'IA, ce morceau est le digne présage d'un autre chef-d'œuvre de la maison Türen/staatsakt.
Erregung öffentlicher Erregung baigne également dans une ambiance apocalyptique avec Speisekammer des Weltendes, leur deuxième album. Leur post-punk linéaire, une renaissance parfaite de la « Neue Deutsche Welle » des années 1980, rappelle, notamment au niveau des textes, le groupe Ideal, les plus grandes superstars de la jeune scène musicale allemande de l’époque. La chanteuse et parolière Anja Kasten apparaît ici en pleine forme, qu’elle parle de cuisine française ou de ses cheveux. EöE utilise habilement et avec beaucoup d’humour sarcastique le quotidien comme vecteur pour aborder les grands thèmes d'aujourd'hui
Le trio Berliner Doom propose un punk no wave linéaire et furieux. Mine de rien leur premier album, Wer das hört ist Doom, compte 12 chansons et ne dure que 8 minutes - certaines ne font même pas 30 secondes. Chaque idée, qu’elle soit musicale et textuelle, est brièvement esquissée, et déjà la chanson est terminée. Le groupe ne fait manifestement pas de détours ou de compromis, et c'est tout à fait normal.
Je vous French Kiss
Avec la langue de Molière
Chilly Gonzales, « French Kiss »
Le citoyen du monde canadien Jason Beck, alias Chilly Gonzalez, a beau appeler Cologne, en Allemagne, son chez-soi actuellement, son nouvel album French Kiss nous fait découvrir son côté francophile. Rien d'étonnant à cela, puisqu'il a vécu quelques années à Paris. Ce pianiste et auteur-compositeur de talent a composé une collection de néo-chansons insolites et romantiques, que l'on aura d'ailleurs l'occasion de découvrir en live ici à Montréal. Il sera en effet l'invité du Théâtre Rialto à la mi-octobre. Il faut toutefois se dépêcher d'acheter des billets - deux des trois spectacles prévus sont déjà complets.
Rassemblant un nombre respectable de musicien.nne.s (nous en avons compté 8), le groupe Artur & Vanessa est né d'un projet littéraire. Moritz Krämer et Francesco Wilking, du groupe Die Höchste Eisenbahn, s'envoyaient des fragments de texte, mais force fut de constater après un certain temps que l'histoire de leurs deux protagonistes, (surprise...) Artur et Vanessa, qui frôlent la mort dans un parc d'attractions, se prêtait davantage à un album concept qu'à un livre. Après de brèves recherches, ils ont constitué un supergroupe avec des membres de CATT, AnnenMayCantereit et d'autres formations. Et de cette histoire quelque peu singulière, ils ont tiré un album pop opulent, rêveur, magnifique, et avec beaucoup de soul.
Everything is going wrong
But I really love this song
Lobsterbomb, « I Love This Song »
La chanteuse de jazz mongole Enji a enregistré son troisième album Ulaan avec le remarquable label munichois Squama dans le studio Mastermix d'Unterföhring. Comme pour son précédent album, Ursgal, les compositions sont essentiellement calme : elles allient la musique, la langue et le storytelling traditionnels mongols au folk et au jazz d'aujourd'hui. Deux musiciennes brésiliennes, l’une à la clarinette et l’autre à la batterie, se joignent au trio et contribuent ainsi largement et de manière stupéfiante à la qualité stylistique de cette œuvre exceptionnelle, d’une grande beauté et sublime.
Le folk électronique de Vincent von Flieger a quelque chose de magique. Dans ce deuxième album, intitulé Mechanisms of Maximalism, le quatuor de Nuremberg allie de charmantes compositions d'auteurs-compositeurs-interprètes à de subtiles plages composées de cuivres modifiés, de chœurs éthérés, de percussions acoustiques-électroniques sèches et de différents instruments à cordes. Les onze chansons, pour lesquelles le groupe a besoin d’à peine 38 minutes, semblent aller droit au but, tout semble réfléchi et exécuté avec précision. Un petit chef-d'œuvre facile à sous-estimer qui, espérons-le, sera tout de même écouté là où on peut l'apprécier.
On ne peut qu’admirer l'univers musical de Skuff Barbie, de Münster, dans Passiflora, son premier album sorti récemment sur le fameux label 365XX. Avec son dancehall germanophone, aux influences hip-hop et R&B, elle fait figure d'exception dans le paysage musical allemand et assume ce rôle avec une énorme confiance en elle et une grande maîtrise artistique. Son atout le plus précieux, comme on peut l’entendre dans Meine Freunde, Eure Feinde, est sa voix, qui semble planer sans effort à travers les morceaux, qui sont courts et variés. En intégrant différents styles musicaux dans son travail, elle a su développer un style qui lui est propre.
Du garage rock comme dans le bon vieux temps : voilà la marque de commerce du trio berlinois Lobsterbomb. Son premier album, Look Out, qui vient tout juste de sortir – et en vinyle rouge de surcroît – se distingue par les morceaux pimpants, de deux minutes et demie environ, qui le composent. Les chansons courtes et directes, aux textes souvent plus criés que chantés sur la vie festive et déjantée du groupe, le son éraillé des guitares et la batterie qui se déchaîne nous résonnent longtemps dans la tête. Il serait erroné de considérer le trio comme une troupe rétro, amusante – car derrière la façade haut en couleur se cache un contre-projet artistique passionnant, qui se démarque du paysage pop actuel plutôt conformiste et qui vaut vraiment la peine d'être pris au sérieux.
C'est de Hambourg, au nord de l'Allemagne, que vient le trio Wareika, dont les morceaux downbeat tentaculaires et tendus semblent être un écho des étés passés. Comme si les improvisations de guitare écoutées toute leur vie sur les plages du sud de l'Europe avaient été volées par bribes dans le sampler, pour être aujourd'hui, des années plus tard, habilement recomposées sur Tizinabi, aux côtés de douces grosses caisses, de pianos et d'autres trouvailles de la boîte à musique électronique. Et comme il se doit, l'album est accompagné d'un mix global, car le projet est hébergé sur le label berlinois Ornaments.
Au cours des deux dernières décennies, JJ Whitefield a déjà travaillé dans de nombreux sous-genres en tant que guitariste, producteur et leadeur du groupe. Les productions de cet innovateur dans le domaine du kraut expérimental, du deep funk et du néo-jazz sont d'une qualité intemporelle. Depuis son adolescence, il est un collectionneur obsessionnel de disques. Aujourd'hui, il atteint un nouveau niveau avec ses débuts dans le kraut-jazz pour Kyptox Music : le nouveau label allemand doit montrer tout ce qui bouge dans l'underground néo-jazz en pleine croissance et réussit à combiner le jazz éthiopien avec le funk psychédelique.
Welcome to the groove religion
Come join the groove religion
Leave your problems at the groove religion
Things get better at the groove religion
Kosmo Kint, « Groove Religion »
Kosmo Kint écrit des chansons qui changent le récit habituel marqué par le chagrin des chanteurs dans le genre de la musique de danse soul : avec une perspective humoristique, elles traitent des leçons de vie et mettent l'accent sur les choses simples. Né et élevé à New York, Kosmo Kint a fréquenté des écoles d'art et de musique renommées et a déjà partagé la scène en tant que chanteur de background avec des grands noms comme Elton John, Alicia Keys et Winton Marsalis. En 2016, Kosmo a quitté NYC pour le melting-pot créatif de Berlin, où il réside encore aujourd'hui. Avec le Toy Tonics Crew, il allie sa sensibilité pour le R&B américain, la soul et le hip-hop au son disco et house chaud caractéristique du groupe.
Palila était autrefois le nom de l'oiseau de passereaux endémique de Hawaii – et c'est aujourd'hui celui que le chanteur, auteur-compositeur et guitariste Matthias « Mattze » Schwettmann et le bassiste Christoph Kirchner ont choisi pour leur groupe commun lorsqu'ils l'ont fondé en 2019. Avec Try To Fail Again, les Hambourgeois ont publié le deuxième single de leur album Mind My Mind, sorti en mai.
Le single parle du fait qu'il est normal d'échouer. Entre toute la noirceur du contenu, le son est porté par une harmonie réconfortante et une certaine effervescence : la mise en musique d'un bonheur passager et d'un tube indie rock à part entière.
Your bus is late again
While you’re yelling at some guy
Who rides his bike on the wrong side of the road.
Palila, « Try To Fail Again »
Lorsque le DJ Sepalot joue dans un club, il ne garantit pas seulement une salle comble, mais aussi un feu d'artifice musical, libre de toute contrainte artistique. Avec un mélange sauvage de hip-hop, de jazz, de soul et de funk, il traîne derrière lui un sillon d'enthousiasme depuis le début des années 90. Pour son premier album solo, il a donné une nouvelle touche électrique à neuf classiques d'AC/DC et a entrepris une vaste tournée au Proche-Orient à l'invitation du Goethe-Institut. Il n'a jamais perdu le contact avec lui-même, joue régulièrement dans des clubs entre ses innombrables projets et ne se laisse pas enfermer dans une case musicale.
365XX naît en 2020 – à un moment où tous les signes sont au changement et où il y a enfin plus de débats sur la diversité devant et derrière la scène. C'est le premier label de musique en Allemagne qui offre une plateforme exclusivement aux artistes féminines, trans et non-binaires.
Outre que Die P, qui a déjà été présentée ici dans le Popcast, sept autres artistes au total sont représentées sur le disque Vol. 1 — et chacune d'entre elles est unique. L'éventail musical ne pourrait pas être plus large : du R&B influencé par le dancehall au rap électrique en passant par le battlerap féministe, tout y est. L'auteure, promotrice de musique et fondatrice Lina Burghausen s'est associée pour cela à la branche allemande de la maison de disques Pias. Ensemble, elles pourraient occuper un vide qui n'existe pas seulement dans le paysage du rap local, mais dans toute l'industrie musicale, toujours marquée par le patriarcat.
Auteur: Ralf Summer Locateur (Anglais): David Creedon Voix de femme haut-parleur (Anglais): Louise Hollamby Kühr
Réalisé en plein confinement, le deux
ième album de la DJ Joyce Muniz, née au Brésil et vivant à Berlin, porte bien son nom Zeitkapsel (Capsule temporelle), car l'album retrace quelques étapes de sa carrière. Ce qui est remarquable, c'est son flair pour les meilleurs moments de l'electro-house des années 2000, et le plaisir audible qu’elle éprouve à faire la fête. Son calendrier se lit alors comme il se doit - de Berlin à Ibiza, puis en Australie, avant de revenir à Vienne, où elle a vécu dans les années 1990. Et ce n'est que le mois de juin, l'été n'a pas encore vraiment commencé
Esta es la Rumba
La Rumba de la Bruja
La Bruja que te embruja
La Bruja del Volcán
Daniel Haaksman, « Bruja » ft. MALAGÜERA + Los Bulldozer
Auteur, musicien et gérant de label, Daniel Haaksman a un faible pour les rythmes sud-américains, et en particulier les rythmes brésiliens. Et il poursuit cette passion de manière si conséquente que ses publications ne rappellent jamais, ne serait-ce qu'un peu, le temps pluvieux à Berlin. Il offre même à de nombreux musicien.ne.s brésiliens une plateforme pour leurs sorties internationales. Mais c'est bien plus que de la musique pour les vacances à la plage. Le mariage magistral des cultures, la production retentissante de styles latino-américains comme le funk carioca (rebaptisé « baile funk » par Haaksman), la soca ou la cumbia, mais aussi les sons africains comme sur sa compilation African Fabrics, sont des contributions importantes au paysage musical, et pas uniquement à celui d’Allemagne.
Raz Oharas n'est pas un rockeur. Mais c'est à peu près la seule classificationqui nous vient à l'esprit, tant ses collages de chansons, composés avec amour et dans lesquels on dit qu’il aime s’échantillonner lui-même, sont complexes. Souvent, un simple piano mural porte les harmonies en plus de sa voix enregistrée de très près. Le jazz joue un rôle de plus en plus important dans son nouvel album Tyrants. Face à tant de charme analogique, on s'étonne devoir que son catalogue comporte essentiellement des collaborations électroniques. Mais grâce à ce nouvel album, il renoue avec l'Odd Orchestra, avec lequel il a pu exprimer son amour du genre chanteur/compositeur. Le mélange équilibré qu’on y retrouve entre la mélancolie et la transfiguration a de quoi plaire.
Instinctive Travels on the Paths of Space and Time, le nouvel album de l'auteur, poète, musicien et politologue de formation munichois Angela Aux, se présente sous la forme d'une trilogie, flanquée d'un roman de science-fiction et d'une pièce de théâtre (Introduction To The Future Self, créée l'année dernière au Kammerspiele de Munich). Mais à elle seule déjà, la weird folk du bassiste et chanteur du groupe munichois Aloa Input vaut la peine d'être écoutée. Son récit de science-fiction tentaculaire à propos d'un extraterrestre aux questions existentielles sur l'univers est une œuvre souple, aérée et d’une incroyable douceur, qui dessine avec des slides de synthé et des courbes mélodiques des cordes un avenir réconfortant dans lequel les questions de l'humanité et de l'humain peuvent être résolues pour le bien de tous les extraterrestres et non-extraterrestres.
Let the ships of the mind sail, dear clouds and stars
MD Pallavi & Andi Otto, « Prayer To The Cloud »
La chanteuse classique Hundustani MD Pallavi de Bangalore & le compositeur et DJ hambourgeois Andi Otto ont entamé il y a plusieurs années une collaboration artistique très particulière et fructueuse, qui a vu le jour après une première rencontre lors d’un spectacle de théâtre à Berlin et s’est poursuivie dans le cadre d’une résidence en Inde. Songs for Broken Ships présente une vision de la musique pop électronique issue de deux origines très différentes et marquée par les poèmes de Pallavi récités dans la langue indienne Kannada et les productions électroniques d'Otto, que l'on pourrait qualifier tantôt de slow house, tantôt de folktronica. Ce faisant, l'œuvre interculturelle développe une beauté intense, dans laquelle les histoires des poèmes deviennent des récits musicaux.
Everything in me is new and light like air Every thing is freed It is new and free of care
Jungstötter, « Air »
Les vétérans de la pop alternative allemande, les Robocop Kraus de Nuremberg, sont de retour. Leur nouvel album Smile souffle comme un vent frais dans la pièce. Il est tantôt entraînant comme un groupe de garage rock des années 1960, tantôt minimaliste et espiègle avec d’amusantes lignes de synthétiseur, et tantôt généreusement gorgé de chaleureux et d’agréables emprunts à la Côte Ouest. Ce qui caractérise ce groupe, c'est son sens aigu de l'observation et de l’humour : l'album regorge de petites et grandes histoires qui valident l'expression musicale. Le meilleur album jusqu'à présent d’un groupe qui n’est pas piqué des vers. Ici, par exemple, en mode Devo :
Hendrik Otremba, chanteur du groupe Messer, vient de sortir son premier album solo. Le peintre, auteur et conférencier (etc.) met sa musique sur un pied d’égalité avec ses autres formes d’expression ; une idée peut très bien devenir un tableau, un roman ou justement une chanson. Son album Riskantes Manöver (Manœuvre risquée) prend toutefois quelques risques, comme son titre l'indique : les poèmes qui y entend regorgent d'allusions mystérieuses et de demi-phrases énigmatiques. Ils sont tantôt chantés d'une voix tremblante, tantôt criés ou chuchotés. Avec toute cette théâtralité, on se demande parfois s'il ne s'agit pas d'une satire. Sur le plan musical, l'œuvre est impeccable, elle explore les manifestations les plus diverses des genres sombres, de la brutalité industrielle à la chanson profonde.
Melissa Maristuen, alias Doc Sleep, a une signature beaucoup plus modeste. En tant que gérante d'un label, la Berlinoise s'occupe normalement de la carrière des autres. Mais maintenant, elle présente Birds (in my mind anyway), son premier album. La force de sa musique, que l’on peut classer dans la catégorie techno ambiante, réside dans sa subtilité, mais aussi dans sa polyvalence. Le temps ne semble jamais compter et même lorsqu'un breakbeat s'immisce dans les séquences oniriques, les compositions restent terre à terre et l'on a l’agréable sentiment d'assister à un chef-d'œuvre intemporel.
As far as I can tell, everyone loves you with your silly heart, your pretty smile
Kid Empress, « Forever Young »
Issus de l'environnement créatif du label Frische Luft, les Kid Empress se distinguent d'abord par la cohérence de leur travail artistique, dans lequel on peut détecter leur prédilection pour les peintures acryliques abstraites. Sur le plan musical, ils se montrent toutefois plus ouverts. Ils subordonnent systématiquement le choix des arrangements à leurs compositions, et cela leur réussit particulièrement parce qu’ils ont étudié le jazz ensemble. Le jazz n’occupe pas une place importante chez les Kid Empress, et à l'instar du groupe américain Midlake, le quatuor préfère se tourner vers l'univers de la pop alternative.
Peu de seconds albums ont été attendus aussi longtemps et avec autant d'impatience que celui de Fabian Altstötter, alias (haha) Jungstötter. Son premier album Love Is, sorti en 2019, a établi le baryton comme une sorte de Scott Walker allemand. Ses arrangements orchestraux généreux mais bien pensés et son lyrisme atmosphérique ont ajouté une facette jusqu'alors inconnue à l'histoire de la musique allemande. Il conserve ici son pathos de bon goût et le caractère sérieux et bienfaisant de son interprétation : One Star reprend là où le premier album avait laissé le public. Les compositions longues et calmes nous réconcilient avec cette attente prolongée et produisent un effet d'attraction magique dont il est difficile de s'échapper. Plus homogène et plus accessible que son prédécesseur, il connaîtra sans aucun doute un vif succès commercial.
Le trip hop des années 90 est de retour - mais sous une nouvelle forme : avec son album Right on Song, le trio originaire de Bavière FEH livre un premier album hors du commun. D’aucuns connaissaient le bassiste Oliver da Coll Wrage et le batteur Manuel da Coll en tant que (ex-)membres du groupe de pop-brass bavarois LaBrassBanda. Mais ceux qui s'attendent à trouver chez FEH des pantalons en cuir et du dialecte se trompent lourdement : le trio de la chanteuse Julia Fehenberger livre un trip hop élégant et décontracté, parfois minimaliste, parfois plus soul. Impressionnant - notamment en raison de la voix experte de Fehenberger, qui semble glisser sans effort sur les arrangements de ses collègues.
Contrairement à que le titre de son dernier album, Am Wahn (À la folie), l’indique, l'auteur-compositeur Tristan Brusch n'est pas devenu fou. Avec de nombreux effets dramatiques, cet exercice d'équilibre entre la chanson et la musique pop nous ramène dans la France des années soixante. Comme avec les grands chansonniers français, on retrouve chez Brusch immanquablement une certaine dose de peine de cœur. Son dernier album illustre ainsi les facettes des relations amoureuses toxiques. On peut littéralement sentir la fumée de cigarette et le vin rouge, tandis que la voix de Brusch plane clairement sur des arrangements de cordes et des sons mélancoliques de piano et de guitare.
Just because I’m not a man
I cannot be objective, I can’t control my feelings,
I am just a casualty in your fucking life
CAVA, « Touch my skin »
Nommé d'après le vin mousseux espagnol, le duo berlinois CAVA est dans son premier album Damage Control aussi pétillant que son homonyme. La guitariste Peppi Ahrens et la batteuse Mela Schulz livrent un punk garage comme on les aime avec des mélodies accrocheuses, des textes provocateurs et beaucoup de feedback. S’en dégage ici et là une touche de féminisme et de critique du capitalisme. Rien d'étonnant à ce que le duo trouve son inspiration entre autres dans le mouvement Riot Girrrl. La musique de CAVA est pleine d'énergie, tout comme le groupe lui-même, pour qui la sortie de son premier album, Damage Control, n’arrivait pas assez vite. Ils l’ont donc publié par leurs propres moyens à Berlin, avant de rejoindre leur label hambourgeois Buback.
Avec son septième album, l’aurore boréale Niels Frevert fait déjà partie des "vieux de la veille" du paysage de la pop allemande. Pseudopoesie fait suite à son album Putzlicht sorti en 2019 et, contrairement à ce que le titre laisse supposer, il n'est pas du tout « pseudopoétique ». Dans le style habituel de Frevert, les mots sont tournés et retournés, des mots comme "rebord de lavabo" sont transformés sans hésiter en titre de chanson et une personne peut parfois être « flatterhaft wie Flatterband ». Comme Putzlicht, Pseudopoesie est nettement plus dansant que les albums précédents, comme en témoignent les titres Fremd in der Welt ou Kristallpalast. Le nouveau producteur de Frevert, Tim Tautorat, connu surtout pour sa collaboration avec des groupes de pop allemande comme AnnenMayKantereit, Provinz ou Faber, y est probablement pour quelque chose.
Ich sing' in einem Käfig, in dem der Algorithmus nicht greift
[Je chante dans une cage où l'algorithme n'intervient pas] Niels Frevert, « Fremd in der Welt »
Des Pays-Bas à l'Ouganda en passant par le Kazakhstan : le travail créatif de Zoë McPherson en tant que DJ, performeuse et artiste multimédia l'a déjà conduite dans les pays les plus divers. Son dernier album, Pitch Blender, est empreint de techno expérimentale et a été publié sur son propre label, SFX, que McPherson a fondé avec Alessandra Leone. SFX n'est pas seulement un label, c’est également une plateforme pour les arts audiovisuels offrant un espace pour l'expérimentation et la créativité. McPherson aime faire des essais et cette préférence se ressent également sur Pitch Blender.
Ces dernières années, Stefan Schwander s'est créé un créneau très particulier sous le nom d'Harmonious Thelonious, en mélangeant des rythmes africains, sud-américains et moyen-orientaux avec une électronique minimaliste. Sur son nouvel album Cheapo Sounds, il tourne le dos à tout cela. Réduit à un seul instrument, le synthétiseur Monomachine de l’entreprise suédoise Elektron, sorti il y a une dizaine d'années (et qui est loin d'être bon marché), il a créé une collection d'esquisses de chansons réduite à quelques pistes. Celles-ci semblent parfois extrêmement fragiles, mais développent un charme hypnotique auquel il est difficile de se soustraire.
La techno et la leftfield house marquent l'œuvre du Dj et producteur munichois Sam Goku. Alors que ses apparitions dans certains des clubs les plus connus d'Europe et son set éclectique lors de la dernière édition de la Secret Garden Party anglaise l'ont fait connu internationalement, il n'a jamais cessé d'affiner ses compétences de mixeur et de sélecteur, mais aussi de producteur. C'est ce qui ressort de son nouveau matériel, annonciateur de son deuxième album à paraître, Things We See When We Look Closer.
Wir laufen nebeneinander 1,5 Meter Abstand
[Nous marchons côte à côte à 1,5 mètre de distance] Mira Mann, « Abschied »
Réservée, réfléchie, abstraite et poétique, c'est ainsi que la musique du premier album weich de Mira Mann semble. L'artiste, qui travaille comme autrice entre autres pour le magazine culturel Das Wetter et le Süddeutsche Zeitung, exprime ses réflexions froides sur un son osseux, largement électronique et souvent lyrique. Le rythme est toujours modéré, pas un son de trop, on sent combien de réflexions ont été investies dans la production. Les auditrices et auditeurs attenti.ve.fs de Popcast reconnaîtront en elle l'un des membres fondateurs du groupe post-punk munichois Candelilla, dont le deuxième album a été produit par nul autre que Steve Albini. Une œuvre fantastique.
And we will never sympathize with these iron jaws
Until the coast is clear – hide
Grow stronger
Colder
Gemma Ray, « Be Still »
Gemma Ray & The Death Bell Gang est une expérience anguleuse d'electronica cinématographique, qui s'éloigne d'une certaine manière de la pop-noir souple qui les caractérise habituellement. Mais chez Death Bell Gang aussi, la tristesse et le mal se mêlent à la tendresse et à la nostalgie, et une cloche résonne toujours quelque part. La Berlinoise d'adoption, née en Grande-Bretagne, a déjà derrière elle un grand nombre de publications, mais elle se montre également rafraîchissante et curieuse sur cette dernière œuvre.
Pascow, le projet punk vieux de plus de 20 ans des frères Alex et Ollo Thomé, originaires de la paisible Rhénanie, fait partie d'une scène très stable du punk rock germanophone, qui a toutefois du mal à se faire entendre en dehors de l'espace germanophone. En revanche, ils le sont d'autant plus en Allemagne - leur dernier album s'est classé dans le top 50 des ventes d'albums lors de sa sortie en 2019. Ils sont pourtant à mille lieues du mainstream - selon leurs propres dires, ils sont devenus plus durs que doux au fil des années.