Berlinale 2020 : la 70è édition Un vent nouveau sur la Potsdamer Platz
Le plus grand et le plus célèbre festival du film d’Allemagne est placé cette année sous le signe du changement. Voici les plus importantes nouveautés qui marqueront l’édition 2020 de la Berlinale.
De Ula Brunner
Alors qu’au cours des 18 dernières années, Dieter Kosslick a dirigé seul le festival, arborant son chapeau devenu légendaire, la Berlinale 2020 se présente pour la première fois avec à sa tête un duo. Carlo Chatrian, ancien directeur du Festival du film de Locarno, est le directeur artistique, Mariette Rissenbeek la directrice générale de la manifestation. Leur prédécesseur avait rempli à lui seul les deux fonctions au détriment, selon des critiques récurrentes, du niveau cinématographique de la Berlinale. On attend désormais surtout de Carlo Chatrian qu’il définisse plus clairement les contours du festival, ce qui semble lui avoir réussi pour la programmation de l’édition 2020. Avec des réalisateurs comme Christian Petzold, Hong Sang-soo, Sally Potter, Eliza Hittman et les frères D'Innocenzo, les 18 films en compétition constituent un attrayant mélange de cinéma traditionnel et de découvertes originales. À Locarno aussi, ce passionné du genre et critique de cinéma, avait proposé sur les écrans un art cinématographique progressiste. Chatrian et Rissenbeek doivent tous deux trouver le bon équilibre, faire venir à Berlin des films innovants tout en vendant des tickets au public habituel de la Berlinale.
Une compétition à l’heure de la diète
Carlo Chatrian, en tant que commissaire de la section principale, a imposé dès le départ un changement important : on ne verra désormais dans la compétition que des films pouvant espérer des Ours d’Or et d’Argent. La sous-catégorie « hors compétition » disparaît. Elle lui a toujours semblé être « une contradiction en soi », déclare-t-il. Pourtant le festival a fait venir sur son tapis rouge de nombreuses stars internationales qui représentaient des films de cette catégorie : Catherine Deneuve, Tom Hanks, Diane Kruger ainsi que d’autres favoris du public. On ne veut certes pas renoncer à de telles personnalités à l’avenir – on attend Javier Bardem, Sigourney Weaver, Johnny Depp, Cate Blanchett – mais il est clair qu’on va se concentrer prioritairement sur les films eux-mêmes : « la Berlinale n’est pas une machine à glamour ».
Une nouveauté, la section Encounters
La Berlinale présente en 2020 une nouvelle section de la compétition. Encounters montrera « des œuvres originales aux plans esthétique et formel, créées par des réalisateurs indépendants ». Le film inaugural sera Malmkrog de Cristi Puiu. Ce film d’auteur roumain évoque les fêtes de Noël dans un manoir d’aristocrates. Le programme compte en tout 15 films de fiction et documentaires, dont Nackte Tiere (Animaux nus) le premier film de la réalisatrice allemande Melanie Waelde, Shirley de l’Américaine Josephine Decker et Isabella, film argentin de Matías Piñeiro.
Avec cette seconde branche de la compétition qui met en valeur un cinéma plus original, la Berlinale introduit un type de programmation depuis longtemps établi à Cannes (Un certain Regard) et à Venise (Orrizonti). Nous avons hâte de savoir comment cette nouvelle section se démarquera du Forum qui s’intéresse aussi aux films innovants et de la compétition traditionnelle qui propose également du cinéma d’art et d’essai.
Un comité de sélection international
Les 18 films de la compétition 2020 ont été sélectionnés selon un procédé inédit. Au lieu de travailler avec des experts à la recherche de films dans un pays particulier ou une région spécifique, c’est un comité international de sélection qui a choisi les films. Carlo Chatrian a nommé les sept membres de cette commission de sélection. Elle est dirigée par l’ancien directeur des programmes, Mark Peranson. Chatrian a également fait venir de Locarno Sergio Fant, Lorenzo Esposito et Aurélie Godet. Verena von Stackelberg et Barbara Wurm continuent de faire partie de la commission. La première a notamment fondé et dirigé le Wolf Kino, inauguré à Berlin en 2017, la seconde, une universitaire, a travaillé comme critique de cinéma et a contribué de façon déterminante à la programmation de nombreux festivals de cinéma. Paz Lázaro, ancienne directrice de la catégorie Panorama, demeure dans le nouveau comité. À l’avenir, la direction des catégories Forum et Panorama n’apparaîtront plus dans ce comité de sélection.
Des visages nouveaux à la tête des différentes sections
Il y a eu, également au sein des différentes catégories, quelques bouleversements dans l’organigramme. Christoph Terhechte, longtemps chef du Forum, a rejoint en janvier 2020 le DOK, le festival du film documentaire de Leipzig. Cristina Nord a repris son poste. Julia Fidel est le nouveau visage des Berlinale Series. Anna Henckel-Donnersmarck a remplacé Maike Mia Höhne dans la section Berlinale Shorts. Paz Lázaro, qui avait dirigé le Panorama en 2018 et 2019, ne fait étonnamment plus partie de l’équipe. Michael Stütz est le nouveau directeur du Panorama.
Le Cinéma culinaire, c’est fini !
La catégorie « Cinéma culinaire », l’un des projets favoris de Dieter Kosslick, n’est plus : pendant la soirée était présenté un film sur la nourriture et la gastronomie puis on entamait un menu Gourmet. Même sort pour la section NATIVe démarrée en 2013. Les œuvres de créateurs venus d’Océanie et du Pacifique seront certes toujours présentées au cours du Festival, mais pas dans le cadre d’une catégorie à part entière. Carlo Chatrian et Mariette Rissenbeek ont ainsi un peu plus réduit l’envergure de la Berlinale, sans qu’elle soit toutefois appauvrie. L’équipe de direction a supprimé deux sections mais en a créé une, la catégorie Encounters. Avec 13 sections au lieu de 14, le festival allemand en comporte encore deux fois plus que les festivals de Cannes et de Venise. Le programme s’en trouve, en tout cas cette année, plus intelligible : 340 films sont présentés, ce qui en fait tout de même 60 de moins que l’an dernier.
Une atmosphère de chantier sur la Potsdamer Platz !
Contrairement à Cannes et Venise, Berlin ne dispose pas d’un Palais du festival officiel. Le petit monde de la Berlinale se retrouve autour de la Potsdamer Platz, qui a la particularité d’offrir la plus grande densité de salles de cinéma de la ville. Pour l’atmosphère comme pour l’identité d’un festival du film, un lieu de rencontre central où l’on peut déambuler a son importance, notamment parce que les fans voudront peut-être, entre deux films, apercevoir les personnalités et les stars présentes. Pourtant, à partir de 2020, le Multiplex du Sony Center, l’un des principaux et des plus grands complexes cinématographiques de la Potsdamer Platz, sera fermé. On pouvait y voir essentiellement des films des catégories Forum et Panorama. Ceux-ci seront désormais présentés au Cubix, à quelques kilomètres de là, sur l’Alexanderplatz. À cela s’ajoute un chantier sur la Potsdamer Platz qui a fait fuir de la galerie commerciale des Arcades magasins et lieux de restauration. Les visiteurs du festival devront donc aller se restaurer ailleurs entre deux films. Certes, le guichet et le lieu de vente des objets publicitaires de la Berlinale resteront à l’emplacement habituel, mais l’atmosphère de la Potsdamer Platz, qui se crée là où les choses se passent au cours du festival, pourrait perdre de son intensité.