Séries allemandes au Canada
Bad Banks
Que vaut votre morale? Que seriez-vous prêt à sacrifier pour jouer un rôle dans le monde de la banque dominé par les hommes? Vos relations, vos valeurs, votre santé, votre loyauté? La série Bad Banks parle du marché financier européen, mais elle est pertinente à l’échelle mondiale.
De Mark Tompkins
L’ARGENT FAIT TOURNER LE MONDE... ET LE MÈNE À LA CATASTROPHE
La scène d’ouverture de Bad Banks ressemble à celle d’un film catastrophe, seulement, ici, le désastre est financier : alors qu’un journal télévisé met en garde contre un effondrement bancaire qui est « cinq fois pire que la chute de Lehman Brothers », une foule en colère affluant en masse devant un guichet automatique découvre qu’il ne reste plus d’argent liquide et commence une émeute dans les rues du quartier financier de Francfort, le Wall Street de l’Allemagne. Toutes les personnes en veston-cravate sont présumées être des banquiers et des cibles justifiées pour la foule enragée. Même avec du gaz lacrymogène et des barricades, les policiers n’arrivent pas à contenir la révolte.Une silhouette solitaire portant un kangourou évite les violences pour emprunter discrètement une entrée latérale d’une tour de bureaux. Il s’agit de la jeune banquière d’affaires Jana (Paula Beer) et, alors qu’elle se fraye un chemin parmi les débris jonchant le hall de sa firme, un collègue sous le choc l’accuse d’être la cause du désastre.
La série effectue ensuite un retour en arrière de huit semaines jusqu’au jour où Jana perd son emploi dans une prestigieuse firme luxembourgeoise, apparemment pour avoir volé la vedette à un cadre extrêmement sexiste.
Dans un milieu où se faire licencier est un arrêt de mort, elle est humiliée et effondrée. Mais elle reçoit ensuite une offre surprise pour travailler dans une importante banque d’affaires à Francfort, la rivale de son employeur précédent. La scène d’ouverture presque apocalyptique installe donc un fascinant mystère : comment la compétente et discrète Jana pourrait-elle être la cause de tant de dégâts? Des millions de téléspectateurs ont succombé à cette accroche narrative et ont regardé d’une traite la première saison de Bad Banks.
SOMME NULLE OU RIEN
Nouvellement embauchée chez Deutsche Global Invest à Francfort, Jana se retrouve à travailler pour le banquier d’affaires en chef et archétype du mâle alpha, Gabriel Fenger (Barry Atsma). Oubliez ces vieux stéréotypes au sujet des Allemands frugaux et sobres : Fenger roule des mécaniques avec son attitude positive à l’américaine. Il donne totalement l’impression d’être du genre à se motiver pour sa journée de travail en regardant en boucle des films de Tom Cruise. Atsma et Paula Beer ont tous deux remporté de nombreuses récompenses pour leurs interprétations.Sous la coupe de Fenger, Jana découvre rapidement qu’elle est un pion dans une lutte de pouvoir entre les cadres supérieurs de firmes rivales. Mais elle refuse d’être une victime. Ayant appris qu’avoir une conscience est un obstacle à l’avancement professionnel en ce bas monde, elle se vengera des cadres sans se soucier des dégâts collatéraux infligés à la société. L’histoire de Oliver Kienle, scénariste principal, en devient moins une étude d’une mauvaise pente morale que celle d’une chute libre morale.
Il y a du suspense, mais on ne regarde pas ici les intrigues comme si la série était un feuilleton mis au goût du XXIᵉ siècle. Bad Banks est trop troublant. Le public suit l’immersion de Jana dans une culture immorale, mais la soutient quand même, car, en tant qu’unique jeune femme du lieu, elle est la victime d’une condescendance quotidienne et de bon nombre d’insultes. Mais la compassion du téléspectateur est mise à l’épreuve d’une manière très rare à la télévision. Une question ouverte tout au long de la série est de savoir si Jana doit « se comporter comme un homme » pour survivre dans un environnement impitoyable. Ce n’est qu’à la fin de la série qu’elle forme une alliance qui a des airs de rédemption.
Aussi captivantes que soient les nombreuses trahisons, ce qui fait que Bad Banks sort du lot est son style cinématographique. Le réalisateur, Christian Schwochow, et le directeur photo, Frank Lamm, dotent l’action d’une ambiance légèrement froide plus caractéristique du cinéma d’art que d’une série télé – léchée, glaciale et particulièrement regardable. Bad Banks est une coproduction de la chaîne allemande ZDF et d’Arte, la chaîne culturelle européenne, et l’on peut aisément supposer que la sensibilité d’Arte a joué un rôle dans l’esthétique sophistiquée de la série.
BAD BANKS ET MAUVAIS BANQUIERS : ON NE S’EN DÉBARRASSERA PAS DE SITÔT
Bad Banks illustre la façon dont les temps changent pour la télévision allemande. Les deux premiers épisodes ont été diffusés en avant-première sur l’écran géant de l’illustre cinéma Zoo Palast de Berlin dans le cadre de la Berlinale 2018, un lancement prestigieux qui aurait été impensable pour une série allemande il n’y a pas si longtemps. Un jour plus tard, l’on pouvait accéder aux six épisodes sur les sites internet d’Arte et de ZDF, lesquels ont attiré plus d’un million de téléspectateurs en une semaine. Ce n’est qu’à ce moment-là que la première saison a été diffusée à la fois sur Arte et ZDF.Ce sont les chiffres de visionnage en ligne en particulier, ainsi que les critiques très élogieuses, qui ont poussé les chaînes à commander une deuxième saison de Bad Banks moins d’un mois après son avant-première. Aux États-Unis, Hulu s’est arraché la série qui, depuis, est diffusée dans plus de 40 autres pays, un autre signe de la manière dont les séries allemandes trouvent désormais un public dans le monde entier. Bad Banks est offert en diffusion continue sur Netflix dans les pays francophones et germanophones.
Le réalisateur, Christian Schwochow, a récemment pris les commandes de deux épisodes de la série The Crown de Netflix (le premier réalisateur allemand à le faire), entre autres projets; on ne sait pas encore s’il reviendra réaliser d’autres épisodes de Bad Banks. Mais les scénaristes ne devraient pas avoir du mal à trouver de la matière pour de nouvelles histoires. Il leur suffit de suivre les gros titres du monde au sujet des problèmes juridiques en cours d’une certaine banque afin de garantir que la série reste pertinente.
Le tournage de la deuxième saison de Bad Banks de ZDF, cette fois sous la direction de Christian Zübert et avec des scénarios d’Oliver Kienle, a débuté en janvier 2019. En six nouveaux épisodes, la deuxième saison raconte comment le monde financier se réinvente six mois après la crise.
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En Allemagne
« Bad Banks » n'est actuellement pas disponible au Canada. Mais cela changera bientôt - après le succès de la projection au Festival international du film de Toronto (TIFF) 2018, les producteurs sont à la recherche d'une distribution Canada.
Vous pouvez cependant utiliser un magnétoscope en ligne légal comme YouTV ou OnlineTVRecorder pour enregistrer directement depuis la télévision allemande.