Séries allemandes au Canada
4 Blocks: Berlin nous appartient maintenant !
Il est certain que « 4 Blocks » est ou fut la série de langue allemande la plus influente des dix dernières années. Depuis, toutes les grandes chaînes ou tous les grands fournisseurs de streaming en Allemagne veulent avoir leur propre série policière urbaine où apparaissent les odeurs de la rue aussi bien que des rappeurs-euses en tant qu’invité-es surprise. Néanmoins, « 4 Blocks » représente bien plus qu’une simple série qui a prouvé que l’on peut réussir des séries TV en s’alliant avec la scène du hip-hop allemand et qui est aussi regardée par les ados d’Instagram (et de TikTok).
De Sascha Ehlert
On a su que 4 Blocks serait quelque chose de différent dès les premières secondes de la série. Un jeune homme est assis devant un stand et mange, au second plan on parle arabe. Un autre jeune homme en mobylette l’appelle : « Yallah, viens ». Et nous partons avec lui en regardant, en tant que partie du public, les deux types démarrer en trombe sur leur mobylette et parcourir la Sonnenallee à Neukölln, puis Kreuzberg où ils échangent, au parc de Görlitz, de l’argent contre de la drogue avec des vendeurs de rue noirs. En même temps, on entend une pulsation lourde et sombre : Hassan K., musicien à Neukölln, quasiment inconnu avant 4 Blocks, est en train de rapper : « Les junkies ont Isyan et du chagrin, ses drogues remplacent la chaleur d’une mère, il bave, désormais le cristal est sa pitance ». (Junkies haben Isyan und Kummer, Seine Drogen ersetzen die Wärme von Mutter, er sabbert, jetzt ist das Kristall sein Futter.)
Par rapport à la technique du storytelling, 4 Blocks est un polar structuré de façon très classique. On trouve l’inévitable jeu du chat et de la souris avec les forces de l’ordre, les affrontements prévisibles entre bandes concurrentes dans un même milieu, mais 4 Blocks est surtout une histoire de famille. Une histoire qui montre un groupe d’hommes ayant des liens de parenté plus ou moins directs et qui gagne de l’argent grâce à la violence et la drogue, mais qui représente également la vie des gens vivant de et avec cet argent sale, la vie des amies, des épouses et des enfants. 4 Blocks fait cela très consciencieusement et il faut le mettre au crédit de la série. Ce n’est pas une série dans laquelle le cadre narratif ne servirait qu’à apporter un maximum de violence à l’écran. La série réussit pour une large part à montrer des individus en tant que tels, pas seulement en tant que victimes ou coupables.
Il reste bien sûr une question à éclaircir : est-ce que 4 Blocks est uniquement une série qui a de l’influence et procure des effets intéressants, ou est-ce aussi de la bonne télévision ? En grande partie, oui. Surtout en ce qui concerne la Saison 2 après que (attention, risque de divulgâcher) Frederick Lau, le « bon Allemand » avait trouvé la mort à la fin de la Saison 1, la série s’est davantage concentrée, dans la Saison 2, sur la représentation de la vie des musulmans à Berlin,de manière nuancée, entre conservatisme religieux d’un côté et cosmopolitisme moderne de l’autre. En même temps, elle aimantait le public par son organisation du suspense. Mais après la fin dramatique de la Saison 2, cela a tourné court. Ensuite, ceux qui étaient aux manettes de la série ont apparemment voulu rajouter une couche et ont finalement atterri là où 4 Blocks n’aurait jamais dû arriver (n’est-ce pas ?), c’est-à-dire dans le piège des clichés du film d’action dramatique. On voit ainsi apparaître la réponse à une seconde question : est-ce que 4 Blocks s’approche du niveau de ses modèles américains ? Non, ce n’est malheureusement pas le cas.
Ali Haamdy, le « chef » de la grande famille incarné par Kida Ramadan, est appelé Toni par ses amis, ce qui est une référence assez explicite à Anthony ou « Toni » Soprano, le chef aussi intimidant que fragile psychologiquement de la meilleure des séries qui soit sur le crime organisé. Les Soprano ont réussi, entre tous les cadavres produits par la série, à esquisser une image incroyablement complexe de cette société et à déconstruire en même temps une masculinité malsaine pour soi-même ou pour les autres, longtemps avant que cette notion soit dans toutes les bouches. Mais 4 Blocks fait seulement allusion à la tristesse et à la fragilité qui se cachent derrière les visages de ces hommes violents et se fige la plupart du temps dans de solides clichés. Anthony Soprano et Christopher Moltisanti sont des personnages qu’on n’oubliera jamais et dont on se rappelle presque comme s’il s’agissait de « véritables » individus, de gens qu’on a la fois haïs et aimés. Ali et Abbas demeureront quant à eux les personnages d’une série de bonne qualité.
4 Blocks Saidon 1 - 3 / 19 Épisodes à 45 - 60 minutes.
Réalisation: Marvin Kren (6 Épisodes, 2017), Oliver Hirschbiegel (3 Épisodes, 2018), Özgür Yildirim (10 Épisodes, 2018-2019).
Conçu par Wiedemann & Berg Television et TNT Serie. « 4 Blocks » a été écrit à l'origine par Hanno Hackfort, Bob Konrad, Richard Kropf et Marvin Kren, qui a également réalisé la première saison. La troisième saison a été écrit par Hackfort, Frédéric Hambalek et Niko Schulz-Dornburg, basé sur le concept de Hackfort, Konrad, Kropf et Eckehard Weis.
Regarder « 4 Blocks »
Au Canada: Saison 1 et 2 :
Amazon PrimeEn Allemagne: Saison 1 - 3
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