Séries allemandes au Canada
Un temps nouveau : le Bauhaus dans une série

Désormais, le public canadien pourra également la voir : la série sur le « Bauhaus » du réalisateur Lars Kraume, le spécialiste des films historiques. Ces dernières années, ses succès cinématographiques, « L'État contre Fritz Bauer » et « La Révolution silencieuse », ont habilement exploré deux épisodes de l'histoire allemande d'après-guerre et suscité un grand intérêt auprès du public : l'un à l'Ouest, l'autre à l'Est.

De Jochen Kürten / Deutsche Welle

La série à l’occasion de cette année de commémoration culturelle et historique du Bauhaus

En 2019, le réalisateur allemand de cinéma et de télévision, né en Italie en 1973 et ayant grandi à Francfort, s'est attaqué au sujet historico-culturel par excellence de cette année, le 100e anniversaire du Bauhaus, et a présenté les premières années de cette école sous la forme d'une série aussi passionnante que révélatrice historiquement parlant. Après la projection des deux premiers épisodes au Festival de Cannes devant un public d'experts, la première mondiale des six épisodes au Festival du film de Munich et la diffusion publique de la série en Allemagne, c’est maintenant au tour des téléspectateurs.trices canadien.ne.s de se réjouir de voir Un Temps nouveau.

Il n’est pas trop audacieux de prédire que Un temps nouveau suscitera également un grand intérêt dans d'autres pays. L'école d'art fondée par Walter Gropius à Weimar en 1919, qui ne portait alors que le nom de « Bauhaus », est devenue mondialement célèbre et constitue sans aucun doute l'un des éléments essentiels du patrimoine culturel allemand.

Lars Kraume: « L’histoire de l’émancipation était la clé »

Mais comment Lars Kraume a-t-il cerné le phénomène « Bauhaus » ? « J'ai d'abord dû réfléchir à ce qui m'intéressait vraiment », admet le réalisateur dans une interview accordée à la Deutsche Welle. C'est ensuite un sujet en particulier qui lui a permis de comprendre le « Bauhaus » : « Raconter les choses du point de vue des femmes. L'histoire de l'émancipation qui a débuté à cette époque, c'était la clé pour moi. »

D'autres éléments se sont ajoutés en cours de recherche. « Bien sûr, la réalisation d’un film réunit toujours différents motifs », déclare Lars Kraume, qui aime justement « traiter de l'histoire, surtout la nôtre ». Même dans ses longs métrages, il s'est toujours « beaucoup intéressé » à l'histoire allemande, ainsi qu’à « l’art et l’architecture ». Tous ces éléments sont réunis dans la série sur le Bauhaus.

 

La relation entre le professeur et l’élève

La série en six épisodes de Kraume est centrée sur la relation entre le fondateur du Bauhaus, Walter Gropius (August Diehl), et son élève Dörte Helm, dont l'architecte devenu célèbre était proche personnellement. Et comme c'est toujours le cas avec les séries et les films historiques qui abordent leur sujet par le biais de la fiction, Un temps nouveau est également basé sur de nombreux faits, des recherches historiques - et une certaine dose de licence poétique.

« C'est raconté exactement comme cela s'est passé », déclare Lars Kraume, soulignant la proportion de faits historiquement prouvés au sein de la série, qui, outre les débats historiques sur l'architecture et l'art, se concentre également sur la relation entre le professeur et l’élève. « Gropius a fait de l’égalité des sexes un principe fondateur du Bauhaus. Il a cependant dû renoncer à cette idée « sous la pression de la bourgeoisie conservatrice de Weimar, pour qui tout cela allait trop loin ».

Walter Gropius s'est battu sur plusieurs fronts

En tant que directeur du Bauhaus, Walter Gropius était assis entre plusieurs chaises, et la série le montre très clairement. À travers les idéologies et les idées de l'époque attachées aux différents protagonistes, le spectateur.trice est à même de comprendre l’énorme bouleversement esthétique qui s’est opéré.  D'une part, il y avait la politique et la société, dont Gropius était dépendant - surtout financièrement. D'autre part, il y avait les points de vue des enseignant.e.s, qui étaient radicaux pour l'époque - et des femmes, qui commençaient à conquérir leur place dans l'art et l'architecture.

« C'est un va-et-vient dans la bataille des sexes, c'était intéressant - et c'est précisément le cœur de mon récit », explique Kraume. Le réalisateur montre également à quel point cette « bataille des sexes » était en avance sur son temps - et comment elle a d'abord dû encaisser de nombreux échecs. Car « en fin de compte, bien sûr, cette génération était encore d'avis que les hommes étaient le sexe fort et les femmes le beau sexe. » À l'époque, les hommes étaient encore convaincus « que les femmes ne peuvent tout simplement pas penser logiquement. »

Le mouvement d'émancipation au Bauhaus

Anna Maria Mühe incarne de manière impressionnante la peintre Dörte Helm, qui ne voulait pas s'en tenir à l’idée de la répartition traditionnelle des rôles ancrée dans l’esprit des gens à l'époque, explique Lars Kraume. « Elle ne voulait tout simplement pas y adhérer, elle ne l'acceptait tout simplement pas - et elle s'est rebellée jusqu’à ce que Gropius la laisse entrer, en tant que première femme, dans la classe d'Oskar Schlemmer (l'un des professeurs du Bauhaus, ndlr). »

Kraume utilise comme parenthèse narrative de la série une longue interview qu'une journaliste mène avec l'architecte star désormais grisonnant à New York en 1963 à l'occasion de son 80e anniversaire. Walter Gropius revient sur les années mouvementées de la fondation du Bauhaus, se souvient de l'aube de la modernité, de la lutte entre les forces conservatrices et de l'avant-garde artistique.

les années du Bauhaus à Weimar

Le réalisateur s'est penché plus particulièrement sur les années de fondation de l'école d'art et d'architecture, qui a vu le jour à Weimar en 1919. Lorsqu'il a commencé à travailler sur le sujet, il existait « avant tout une idée approximative du Bauhaus de Dessau », explique Kraume. « Mais pas du tout du Bauhaus de Weimar, et certainement pas de ce Kulturkampf (combat pour la civilisation) fondamental qui se déroulait à l'époque, non seulement dans l'art, mais aussi dans la politique. »
La série fait aussi le pont avec 2019 : « Tout ce complexe, le Kulturkampf dans la République de Weimar : cela m'intéressait fondamentalement, je voulais comprendre et aussi voir à quel point ce thème est toujours d'actualité et à quel point nous discutons encore des mêmes choses aujourd’hui. »

Le « Bauhaus », un sujet encore d’actualité

Dans l'interview, le réalisateur Lars Kraume est convaincu que l'attitude des gens n'a pas tellement changé. « Aujourd'hui, dit-il, il suffit de se promener dans n'importe quel musée d'art contemporain et de regarder les visages interrogateurs, les personnes qui secouent la tête, qui pensent encore que ce n'est pas de l’art. » Si on se remémore cette époque, on sent encore aujourd’hui « à quel point le réveil de l'art et de l’avant-garde » était d'actualité.


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« Un temps nouveau »
Allemagne 2019, 6x45 min.
Production: zero one film ,coproduit avec ZDF et ARTE, Constantin Television, NADCON Film GmbH.
Scénario: Judith Angerbauer, Lars Kraume. Réalisation: Lars Kraume.
Avec: Anna Maria Mühe, August Diehl, Sven Schelker, Ludwig Trepte, Valerie Pachner, Birgit Minichmayer, etc …
Première mondiale: 28.06.2019, Festival du film de Munich. Première diffusion à la télévision: septembre 2019, ARTE, ZDF