Notes sur les travaux de mémoire en trois parties.
Rêver d’utopies en architecture.
Ada Pinkston écrit sur le passé, le présent et l'avenir du travail de mémoire aux États-Unis et place son projet « LandMarked » dans ce contexte.
De Ada Pinkston
Première partie : le passé
Pierre, bronze, plâtre, marbre, ciment, acier.Les monuments sont souvent grands et menaçants, surplombant le public avec des yeux de révérence. Le public est dépassé, complètement entouré et encapsulé par sa forme. À condition, bien entendu, qu’il s’arrête pour l’observer.
Aux États-Unis, la plupart des statues confédérées ont été construites des décennies après la fin de la guerre civile. En fait, l’apogée de leur construction s’est produit au début du XXe siècle, lorsque les lois Jim Crow et d’autres pratiques racistes ont été adoptées dans l’ensemble des États-Unis.
Selon le Southern Poverty Law Center, il existe plus de 1 700 symboles de la confédération dans les espaces publics. À ce jour, plus de 100 symboles confédérés ont été retirés depuis le massacre de Charleston en 2015, dont 49 monuments et 4 drapeaux. Les noms de 36 écoles, 7 parcs, 3 bâtiments et 9 routes ont également été changés.
Martin Luther King avait un rêve célèbre. Or, si l’on étudiait de près ses théories sur l’humanité et la justice, on constaterait que son rêve n’a toujours pas été réalisé.
Deuxième partie : le présent
Les architectures sociales de la suprématie blanche se reflètent dans les architectures physiques des monuments qui subsistent encore aux États-Unis.J’ai lancé LandMarked en 2016 après avoir passé un long moment dans le Mississippi pour rendre visite à un parent malade. Le temps que j’y ai passé m’a rappelé l’ironie de la terre où je suis née et où j’ai grandi. Dans les régions rurales et les quartiers urbains confrontés à la pratique discriminatoire du « redlining », il n’y avait et il n’y a toujours pas d’accès à des soins de santé, à de la nourriture et à une éducation de qualité et à un prix abordable. Pourtant, en 2016, au milieu de toute cette architecture d’oppression, les monuments confédérés sont restés intacts et en parfait état.
LandMarked explore les objets architecturaux que nous appelons « monuments ». Il s’agit d’un projet en trois parties qui consiste en des ateliers, des performances publiques et une vision de l’avenir visant à démocratiser les monuments commémoratifs publics en produisant de façon participative des objets de mémoire à l’aide de la technologie d’impression 3D. Lorsque j’ai lancé le projet, je ne rêvais pas de voir les symboles de l’oppression disparaître aussi rapidement qu’aujourd’hui.
Nous sommes à un tournant. Les monuments confédérés sont enlevés, soit par des manifestations de masse dans les rues, soit depuis les chambres des conseils politiques. Le drapeau de l’État du Mississippi n’a plus d’iconographie confédérée. Les conseils scolaires de nombreux États ont voté pour changer le nom d’au moins 39 écoles au cours des six derniers mois. Les dirigeants du Pentagone évaluent actuellement la possibilité de retirer les symboles confédérés des bases militaires.
Mon rêve était de visiter les sites où se trouvaient autrefois les monuments confédérés, d’y organiser des ateliers et d’y donner une série de représentations publiques. Cependant, compte tenu de la polarisation actuelle (et du fait qu’une de mes représentations virtuelles du 16 juin a été piratée par un suprémaciste blanc), j’ai décidé d’y renoncer.
Troisième partie : l’avenir
Il existe de nombreux espaces vides où se trouvaient autrefois ces vestiges du racisme. Mais qu’en faisons-nous maintenant? Comment créer des espaces pour de nouveaux souvenirs? Devons-nous créer un espace pour une nouvelle architecture qui ne soutient pas le récit et la voix des personnes au pouvoir? Comment utiliser la technologie pour démocratiser l’espace public sans recréer l’esthétique du fascisme? Quelles sont les esthétiques de la vérité? À l’heure actuelle, il n’y a pas d’utopies. Je ne suis pas certaine qu’il y en aura un jour. Toutefois, en tant qu’artiste faisant partie de ce nouveau mouvement du travail de la mémoire, j’ai bon espoir que nous nous rapprocherons d’une manière ou d’une autre de ce rêve.Ada Pinkston est une artiste, une éducatrice et une organisatrice culturelle vivant et travaillant à Baltimore, dans le Maryland, où elle est professeure en éducation artistique à l’Université de Towson. Son œuvre explore l’intersection des histoires imaginées et des réalités sociopolitiques sur nos corps en utilisant la performance, les médias numériques et les sculptures et installations mixtes.