Ulf Aminde travaille en tant qu'artiste avec les personnes solidaires de la réalisation du mémorial antiraciste sur la place Herkesin Meydanı - Platz für Alle. Le mémorial, qui comportera une partie physique et une partie numérique, est destiné à rappeler les attentats à la bombe perpétrés par le NSU (mouvement clandestin national-socialiste) à Cologne dans la Probsteigasse en 2001 et dans la Keupstraße en 2004..
De Ulf Aminde
Pour contrer les soupçons racistes à l'égard des migrants à la suite du deuxième attentat à la bombe, le mémorial s'appuie sur de nombreuses conversations avec les résidents et des initiatives du quartier et associe le concept de mémoire à un avenir qui doit être constamment (visuellement) renouvelé par une « société du plus grand nombre ».
L’écoute radicale
L'écoute est l'attitude à la base de la conception du mémorial antiraciste de la Keupstrasse, dont la ville de Cologne et quelques investisseurs réussissent à empêcher la réalisation depuis des années. Dans ce mémorial, qui doit devenir un lieu d'apprentissage et de souvenir, les personnes touchées par la violence et l'exclusion racistes prendront la parole et partageront leur point de vue. Le mémorial s’agrandira et se développera continuellement vers l’avenir. Il sera aussi mobile qu'une société au sein de laquelle la migration est devenue une force motrice.
L'écoute radicale est l'attitude que j'essaie d'adopter, en tant qu'artiste blanc, lorsque je travaille avec les personnes touchées et lorsque nous appelons à la création d'un mémorial lors d'événements et de manifestations. Dans chaque communication, chaque publication en ligne, dans les discussions et les panels, nous créons des structures dans lesquelles ceux et celles qui ne seraient pas entendus autrement, dans une société où le racisme n’existe apparemment pas, peuvent avoir leur mot à dire. L'écoute radicale place le point de vue des personnes touchées par la violence raciste au centre de l’attention. Leurs expériences deviennent une condition de base pour la transformation sociale. Les changements sociétaux deviendront possibles lorsque les autorités en place reconnaîtront l’existence de conditions structurelles qui reproduisent continuellement le racisme et lorsque, du même coup, elles décideront de modifier ces conditions.
Des endroits pour écouter
L’écoute radicale m'a finalement conduit à Monument_lab et à son projet « Façonner le passé », une collaboration d'artistes, de designers et d'activistes antiracistes du Canada, des États-Unis et de Berlin, la plupart d’entre eux étant des personnes de couleur. Lors de nos rencontres, ils et elles partagent généreusement leurs expériences en matière de luttes et de débats antiracistes dans et autour de la culture de la mémoire, leurs connaissances et leurs perspectives sur les luttes de résistance en matière de commémoration, de mémoriaux, de statues et de négociation de l'espace public et de l'urbanisme. Pour moi, ces rencontres sont avant tout un lieu d'écoute. Ce sont eux et elles qui m’en apprennent.
Des espaces entre toi et moi
Les événements à l’échelle mondiale et locale entourant #BlackLivesMatter ont conféré une dynamique actuelle au débat sur la commémoration of Color. Non seulement on retire enfin les statues rappelant l'esclavage, la suprématie et la violence blanches, mais les discussions à Monument_lab portent également sur des concepts qui nécessitent une nouvelle compréhension de la commémoration. Aux États-Unis, il existe une longue tradition des arts communautaires, qui ont produit un concept de l'art abordant la pertinence sociale et les formes de communauté d'un point de vue créatif. Ces questions sont également au cœur de mes préoccupations. Existe-t-il des méthodes de travail artistiques qui non seulement illustrent mais aussi façonnent des processus socialement pertinents ? De quelles connaissances avons-nous besoin pour cela ? Les lieux de mémoire contemporains peuvent-ils encore être composés de sculptures ou de plaques vissées à des murs ? Ne devraient-ils pas plutôt être en mesure de rendre justice aux mouvements sociaux et, dans le meilleur des cas, de les initier ? Les lieux de mémoire de l'avenir devraient répondre aux souhaits des personnes concernées. Et pour cela, nous avons besoin de conceptions flexibles qui changent avec les gens.
Ada Pinkston, de Baltimore, est une artiste, activiste et enseignante, et l'une des boursières de Monument_lab. Dans le cadre de son projet « Landmarked », elle a interrogé plus de 300 personnes de Baltimore, Washington DC et Dallas sur les monuments de l’avenir à un moment où les statues des confédérés et la représentation de la violence raciste qui y est associée sont retirées de l'espace public. Beaucoup d’entre elles souhaitent l'utilisation des nouvelles technologies pour répondre aux besoins actuels. Nombreux aussi sont ceux et celles qui aimeraient voir plus de statues de femmes et de personnes de couleur. Elle en vient à la conclusion qu’en édifiant un monument avec des sculptures figuratives installées de façon permanente, on utilise en fin de compte les mêmes moyens que ceux de l'autorité qu’il faut surmonter. Selon elle, les sites commémoratifs doivent rester flexibles afin de créer une signification durable pour les individus et les communautés. Ils doivent pouvoir se déplacer. Merci, Ada.