Yukiko Watanabe
Composer des bruits
La compositrice germano-japonaise Yukiko Watanabe travaille avec le pianiste japonais Kimihiro Yasaka à Montréal pendant l'automne 2019 dans le cadre d'une résidence. Lors de leurs répétitions au Goethe-Institut de Montréal, nous avons pu poser quelques questions à Yukiko sur son travail et son parcours artistique.
De Webredaktion Goethe-Institut Montreal
La Résidence en musiques nouvelles qu'offre chaque année le Goethe-Institut Montreal en collaboration avec le Conseil des arts et des lettres du Québec et le groupe Le Vivier a été attribuée en 2019 à la compositrice germano-japonaise Yukiko Watanabe. Yukiko a tout d'abord étudié la composition et le piano auprès de la Toho Gakuen School of Music avant de s'installer à Graz où elle étudia avec le compositeur et chef d'orchestre Beat Furrer auprès de l'Université des Arts de Graz. En 2014, elle s'installa à Cologne où elle poursuivit ses études au Conservatoire sous la direction de Johannes Schöllhorn.
Je ne dirais pas que je compose de la "musique expérimentale". Je compose de la musique mais je ne sais pas du tout comment la nommer.
Yukiko Watanabe
Ce qui m'importe surtout, c'est de pouvoir penser intuitivement. Pour moi, cela ne signifie pas seulement travailler avec de la spontanéité ou des automatismes mais il faut aussi de la logique. Cette logique est basée sur des expériences très variées, sur ce que j'ai entendu, mangé, lu, les personnes que j'ai rencontrées, tout ce que j'ai vécu. C'est ainsi que je commence à penser la musique, à partir de ma vie quotidienne. J'ai par exemple écrit une pièce sur le thème des déchets. Il y a à proximité de mon appartement un centre de traitement des déchets et quand je passe devant en train, je suis toujours fascinée par les couleurs et les textures hétéroclites et qui se renouvellent sans cesse des matériaux qui attendent leur transformation.
Est-ce que tes compositions ont des thèmes particuliers ou est-ce que toutes tes décisions sont de nature musicale ? Est-ce que des pièces comme Fanfare für Straßenbau (Fanfare pour travaux de voierie) sont des manières de réagir à ton environnement ou racontent-elles une histoire ?
Le bruit est un thème important pour moi, de même que savoir comment je peux utiliser les bruits du quotidien dans ma musique. Très généralement, c'est une idée fascinante de considérer les bruits de notre environnement, comme par exemple le vent ou l'eau, comme de la musique. Mais dans notre société moderne les bruits revêtent beaucoup de significations. Je trouve notamment que les klaxons des voitures ou les bruits d'un centre de traitement des déchets sont passionnants. Il serait intéressant de savoir pourquoi ces sons me plaisent alors qu'il ne s'agit pas objectivement de "beaux" sons. Dans le morceau, Fanfare für Strassenbau apparaît notamment le thème du klaxon.
Comment es-tu venue à la musique dans ta jeunesse, et à la composition en particulier ?
Ma mère était professeure de piano et j'ai commencé à jouer de cet instrument quand j'étais toute petite. Dès le début, j'ai aimé improviser et je me suis beaucoup intéressée à la composition ; c'est comme cela que j'ai commencé très tôt, à 9 ou 10 ans je crois. Ma première professeure de composition s'appelait Keiko Harada et elle m'a beaucoup influencée. J'ai suivi ses cours pendant plus de 10 ans au Japon, avant de m'installer en Europe en 2008 pour poursuivre mes études.
Comme j'ai commencé par le piano, j'aime bien la musique classique comme Beethoven, Mozart, Debussy, Schubert. Mais quand j'étais plus jeune, j'ai joué aussi des percussions pour orchestres de jazz et j'ai composé des chansons pop avec des amis. Je crois que toutes ces choses très différentes que j'ai faites se retrouvent dans mes compositions. Je ne dirais pas que je compose de la "musique expérimentale". Je compose de la musique mais je ne sais pas du tout comment la nommer.
As-tu des modèles ou des influences importantes ?
Michiko Toyama, une compositrice japonaise née en 1913 et morte en 2006. Elle faisait partie de la première génération de compositeurs japonais qui ont étudié à l'étranger. Elle était très active, en tant que mère et en tant que compositrice, mais elle n'est pas très connue au Japon. Grâce à elle, je sais que concilier la famille et le métier de compositrice n'est pas chose facile, mais que c'est possible !
Est-ce que la théorie musicale et l'harmonie sont des sujets pour toi, ou évolues-tu en dehors de toute considération théorique ? Dans le jazz, par exemple, il peut être difficile d'ignorer la théorie parce que l'improvisation se fait avec d'autres. C'est différent pour les musiques nouvelles, et dans ton cas en particulier. Es-tu ainsi plus libre ?
Toutes nos connaissances, pas seulement la théorie musicale ou l'harmonie, se glissent toujours dans nos propres créations. On ne sait pas distinguer ce qui est important de ce qui ne l'est pas. Je crois qu'on doit s'intéresser à beaucoup de choses, même si elles n'ont rien à voir avec la musique. J'ai appris la théorie musicale et l'harmonie il y a très longtemps, par moi-même puis à l'école, avant de réaliser à quel point elles étaient importantes. Aujourd'hui, je sais que les théories et les idées du passé sont de précieuses inventions qui peuvent toujours me donner de bonnes pistes pour mon travail.
Que penses-tu de Montréal ? As-tu trouvé du temps hors de tes activités professionnelles pour visiter la ville ?
C'est beau ici ! Vraiment, j'aime beaucoup Montréal. Beaucoup de cultures différentes coexistent en toute quiétude dans la ville. Je trouve ça vraiment bien.
Yukiko Watanabe et le pianiste japonais Kimihiro Yasaka présenteront les résultats de la Résidence de musique 2019 le 14 décembre 2019 à 17h30 au Goethe-Institut Montréal. Plus d'informations ici.