La grand-mère de Leonor est à l’hôpital et les choses ne s’annoncent pas bien. Sa petite-fille lui rend visite, mais mamie n’aime pas parler de la mort. « Mamie », dit Leonor, « ce n’est pas si grave si tu meurs. Nous te mettrons sur le tas de compost et, une fois que les vers t’auront mangée, nous te transformerons en petits pois. Et la grand-mère de mourir de rire (même si elle était déjà en train de mourir), elle pense qu’en fraises, ce ne serait pas mal non plus, ou peut-être en carotte ? On pourrait la donner à manger à un cheval qui s’en irait ensuite au galop : ça lui plairait bien. Oma Erbse (Mamie petit pois), magnifique et déchirant mélange de comique et de pragmatisme enfantin, de Michael Friemel capte le deuil autour de la grand-mère. Et le trait sobre, presque classique de Jacky Gleich convient parfaitement à la situation.
Avec un langage imagé et inhabituel, rempli d’éléments surréalistes, Nikolaus Heidelbach raconte dans Marina l’histoire d’une fillette à la peau foncée que deux frères trouvent au bord de la mer et emmènent chez eux. Lorsqu’elle commence à raconter sa vie de princesse des fonds marins, le grand frère se moque d’elle et disparaît. Une histoire mystérieuse qui peut s’interpréter de plusieurs manières et dont la diversité des images invite à la réflexion. Où cesse l’imagination, où commence la réalité ?
Avec son premier album Es war einmal und wird noch lange sein (Il était une fois et cela le restera encore longtemps), Johanna Schaible a réalisé un ouvrage exceptionnel, conçu de façon très originale. C’est un voyage dans le temps qui rend immédiatement compréhensibles le passé, le présent et le futur à partir de pages aux dimensions changeantes. On raconte tout d’abord l’histoire de la Terre, ensuite les dinosaures viennent peupler la planète, puis les êtres humains migrent à travers les déserts et les montagnes, deviennent sédentaires et construisent des choses spectaculaires comme les pyramides. On s’approche finalement de plus en plus du présent et chaque page rétrécit d’environ un centimètre en hauteur et en largeur. À partir du milieu du livre, on se dirige vers l’avenir, et on en arrive aux questions : « Que te souhaites-tu pour le futur » et « De quoi te souviendras-tu quand tu seras vieille/vieux ? » Il n’est pas surprenant que cet album de Johanna Schaible ait été nommé au Prix allemand de la littérature pour la jeunesse 2022, avec cet argumentaire du jury : « Cet album surprend par la parfaite concordance entre son contenu et sa forme. Le voyage dans le passé, le présent et le futur est structuré par un système sophistiqué de grandeurs et de formats de pages (…) Les dessins en aquarelle et en acrylique, disposés de différentes manières sous forme de collages ou par couches, fascinent par l’interaction habile réalisée entre les couleurs, les surfaces et les structures. Un art de l’album qui exploite au maximum toutes les possibilités. »
On a trouvé dans la succession de Jürg Schubiger un bref récit, illustré et publié ici par Rotraut Susanne Berner. Eines Nachts im Paradies (Une nuit au paradis) commence également au début de notre Histoire, littéralement avec Adam et Ève. Au début, ils sont tous deux allongés sur l’herbe et regardent le ciel étoilé. Tandis qu’Adam se satisfait de savoir qu’il y a une quantité infinie d’étoiles, Ève, voulant savoir exactement, souhaite les compter. Elle commence à réfléchir et à poser des questions sur l’éternité et le paradis. Ève se désole pour son lieu de vie : « Ce paradis, ces kangourous, ces gnous et ces cacatoès sont éternels. C’est comme si nous vivions dans un zoo ! » Adam en colère la traite alors d’ingrate et la fait pleurer. Mais c’est en découvrant comment il peut consoler Ève que commence leur véritable histoire d’amour. Rotraut Susanne Berner illustre l’histoire de Jürg Schubiger au moyen d’images réalistes dotées de couleurs vives. La faune africaine traverse ce merveilleux album philosophique qui ne s’adresse pas seulement aux enfants.
UN ALBUM QUI DEVIENT ŒUVRE D’ART
« Aujourd’hui, je veux aller au zoo. Des panneaux lumineux m’indiquent le chemin. », fait dire en 1989 à la petite Sophie Alexandra Prischedko, une artiste née à Jytomyr en Ukraine et qui vit depuis longtemps en Allemagne. Et tandis que Sophie, à l’avance ravie de sa visite, traverse la ville, celle-ci est envahie d’aquarelles colorées qui recouvrent la grisaille. Soudain, la ville entière devient zoo. Deux pandas sont assis à la table d’un café et se demandent pourquoi la jeune femme à côté d’eux fixe un petit objet plat dans sa main, sans même remarquer ses deux voisins. Avec Was macht ihr denn da ? (Que faites-vous donc là ?), Alexandra
