être bibliothécaire au XXIe siècle
« Nous avons besoin de diversité »
On imagine souvent le personnel des bibliothèques du XXIè siècle comme un groupe d’experts en numérisation, en intégration et en inclusion. « Mais il n’est pas juste d’exiger de nos employés qu’ils acquièrent un nombre infini de connaissances », déclare Nate Hill du Metropolitan New York Library Council.
De Samira Lazarovic
M. Hill, vous êtes directeur général du Metropolitan New York Library Council. Pouvez-vous nous préciser ce qu’est votre organisation ?
Le Metropolitan New York Library Council, que l’on appelle aussi METRO, est une association unique en son genre. Elle est notamment dédiée aux bibliothèques, aux archives, aux musées et aide les bibliothécaires de New York et du Westchester County à devenir plus efficaces et plus innovants au moyen de la coopération. Nous faisons tout, de l’organisation du service d’envoi de livres aux programmes pédagogiques.
Pouvez-vous nous donner un exemple ?
Avec le soutien de la mairie et de son directeur de la technologie, nous avons développé un programme de formation continue concernant la sécurité et la protection des données sur Internet auquel peut participer un bibliothécaire de chaque bibliothèque de New York City. Nous formons ainsi des centaines de bibliothécaires. Si par la suite une personne arrive dans une bibliothèque avec un problème qu’elle ne parvient pas à résoudre sur son téléphone intelligent, elle y trouvera quelqu’un pour l’aider.
Nous disposons également d’un laboratoire destiné à ceux qui veulent en savoir plus sur la numérisation et sur la migration de données à partir de supports devenus caducs. Nous possédons des équipements audio, des outils pour podcaster ainsi que de nombreuses bandes magnétiques funky, ‘vintage’ pour ainsi dire. Nous travaillons aussi sur les métadonnées et faisons du développement de logiciels. La New-York Historical Society nous a ainsi chargés de mettre en place la gestion numérique de tous les fonds de sa bibliothèque.
Notre public est clairement constitué d’employés de bibliothèques. Il faut que nos programmes traitent de leurs besoins particuliers de façon très ciblée. Et il est souvent particulièrement difficile de bien concevoir ces programmes et de les mettre en place dans les différentes institutions, car les bibliothécaires travaillent tous de manière très différente.
Comment organisez-vous ces programmes ?
Nous avons ici 14 employés très brillants. Néanmoins, il est impossible de trouver toute l’expertise dont nous avons besoin dans nos effectifs, c’est pourquoi nous utilisons le réseau composé par nos propres membres pour dénicher des experts. Une organisation qui compte parmi ses membres l’université Columbia et la bibliothèque du MoMA, ne doit pas se priver d’utiliser l’expertise particulière qu’elle a sous la main.
Quelles compétences me faudrait-il pour être une bibliothécaire moderne ?
C’est un vrai défi, car les prestations que le public a jusqu’ici associés aux bibliothèques continuent d’être demandées. Les gens viennent dans les bibliothèques pour y trouver des livres et des conseils. Nous devons donc faire tout cela et en même temps nous atteler aux nouveaux rôles ambitieux que l’on nous attribue. Mais l’on ne peut pas attendre d’un employé de bibliothèque qu’il apprenne de plus en plus de choses très diverses. C’est la raison pour laquelle je pense que nous avons besoin d’une plus grande diversité de profils de bibliothécaires. Cela vous semble-t-il crédible
« Un bibliothécaire devrait être quelqu’un qui par nature cherche toujours de nouveaux défis. »
Je ne vous le fais pas dire ! Je pense que la curiosité est l’une des qualités les plus importantes pour un bibliothécaire. Un intérêt personnel pour l’apprentissage tout au long de la vie. En même temps, il n’est pas juste de demander à quelqu’un d’apprendre absolument tout. Idéalement, un employé de bibliothèque devrait donc être quelqu’un qui par nature cherche de nouveaux défis.
Il existe toutefois autour de nous un grand nombre de nouvelles technologies : l’intelligence artificielle, la réalité augmentée, la robotique. Laquelle deviendra selon vous importante pour les bibliothèques en particulier ?
Les bibliothèques jouent un rôle si important dans les infrastructures publiques et sociales qu’il n’y a pas de technologies ni d’éléments de la vie moderne qui ne les concernent d’une manière ou d’une autre. Une bonne bibliothèque est un reflet de sa communauté et du monde actuel.
Tout de même, quelle est à votre avis la grande tendance pour les bibliothèques publiques ?
Au cours de ces dix dernières années, j’ai pu constater que les gens se sont de plus en plus demandé quelle serait la prochaine innovation technologique. J’entendais ce type de questions : que ferons-nous ? Comment garderons-nous de l’importance ? Y aura-t-il encore des livres ? Que va-t-il se passer avec Google ? Qu’en est-il de l’intelligence artificielle ?
Une chose qui me réjouit vraiment par rapport à la situation actuelle de ce corps de métier (et malheureusement cela pourrait bien être en lien avec la situation difficile que vit notre monde globalisé), c’est que j’ai pu observer ces dernières années la manière dont les gens se sont éloignés de ces questions. D’après mes observations, notre profession réfléchit aujourd’hui de façon plus constructive à la façon dont nous devons aborder des thèmes comme la diffusion de l’information, l’égalité des chances dans la recherche, etc. Les gens sont beaucoup moins intéressés par la question futile du prochain jouet technologique. J’élude donc un peu votre question, tout en me réjouissant vraiment de pouvoir le faire !
Nate Hill est le directeur général du Metropolitan New York Library Council (METRO). Avant de prendre ses fonctions au METRO en juin 2015, il travaillait en tant que directeur adjoint de la Bibliothèque publique de Chattanooga. Le Library Journal l’a nommé « Mover and Shaker » en 2012. Les bibliothèques font partie de ses lieux de prédilection depuis son enfance.