Congrès et exposition
Panorama des bibliothèques allemandes
Offrir un accès libre à l’information et au savoir ; tel est l’objectif premier des bibliothèques municipales et académiques en Allemagne. Comment le réseau des bibliothèques se structure-t-il et à quels défis le secteur est-il confronté ?
De Jürgen Seefeldt
L’information constitue un facteur de progrès clé en Allemagne, tant en matière d’économie que d’un point de vue social. Les organismes en charge de la transmission d’informations, dont font partie les bibliothèques, participent ainsi activement à ce processus. En jetant un regard extérieur sur le paysage des bibliothèques, on remarque rapidement le fossé majeur – qui s’explique par des raisons historiques – entre les bibliothèques municipales et les bibliothèques académiques. Reste que ces deux types de bibliothèques ont un même but : participer à la diffusion du savoir et créer des sociétés fondées sur la connaissance, l’accès libre et universel à l’information étant considéré comme socle de l’économie, de la politique et de la démocratie.
Néanmoins, les deux types de bibliothèques se différencient en de nombreux points. Aussi est-il plus judicieux, afin de comprendre leur rôle et la portée éducative et culturelle de leur mission politique, de les présenter séparément. Des informations sur leur arrière-plan politique et législatif étayeront le propos.
Un réseau décentralisé
La République Fédérale d’Allemagne se compose de 16 États Fédéraux. Les affaires culturelles, de même que la science, l’art, l’école et les instances d’enseignement dans leur ensemble, relèvent ainsi avant tout, selon les termes de la Constitution allemande, de la compétence des États fédéraux. Dans le cadre de leur autonomie culturelle communale, les quelques 11 000 villes et communes participent donc de façon non négligeable à cette souveraineté culturelle. Il n’existe pas de loi nationale dédiée aux bibliothèques en Allemagne, telle que l’on peut en trouver dans de nombreux pays d’Europe ou dans les États anglo-saxons. Il est vrai que six des 16 parlements des États fédéraux ont adopté dernièrement des lois s’appliquant aux bibliothèques et qui décrivent l’état actuel de la structure des bibliothèques régionales. Pour autant, celles-ci ne comportent aucune précision ni sur un quelconque standard à adopter, ni sur le cadre de subventions des organismes de financement, et n’imposent aucune compétence spécifique.La République Fédérale d’Allemagne se compose de 16 États Fédéraux. Les affaires culturelles, de même que la science, l’art, l’école et les instances d’enseignement dans leur ensemble, relèvent ainsi avant tout, selon les termes de la Constitution allemande, de la compétence des États fédéraux. Dans le cadre de leur autonomie culturelle communale, les quelques 11 000 villes et communes participent donc de façon non négligeable à cette souveraineté culturelle. Il n’existe pas de loi nationale dédiée aux bibliothèques en Allemagne, telle que l’on peut en trouver dans de nombreux pays d’Europe ou dans les États anglo-saxons. Il est vrai que six des 16 parlements des États fédéraux ont adopté dernièrement des lois s’appliquant aux bibliothèques et qui décrivent l’état actuel de la structure des bibliothèques régionales. Pour autant, celles-ci ne comportent aucune précision ni sur un quelconque standard à adopter, ni sur le cadre de subventions des organismes de financement, et n’imposent aucune compétence spécifique.
Le secteur bibliothécaire en Allemagne se caractérise aussi bien par sa structure décentralisée que par l’absence d’une instance centrale de planification et de direction. Ce secteur se distingue également par les différents types de bibliothèques qui le constituent ainsi que par la grande diversité d’organismes responsables, comprenant tant des structures publiques et privées que des organismes administrés par l’Eglise. Cette diversité offre de nombreuses opportunités de développement individuel et suscite la créativité – individualisation qui n’est pas sans présenter un risque de morcellement. C’est justement parce qu’une bibliothèque indépendante peut difficilement accomplir l’ensemble des tâches qui lui reviennent, que la coopération entre les bibliothèques, de même que la création d’organismes remplissant des fonctions centrales et l’instauration de prestations de services de grande ampleur, s’avèrent fondamentale. Surtout, cette situation rend la représentation des intérêts au niveau fédéral indispensable. Quatre associations capitales permettent ce type de gestion au niveau fédéral, avec en tête l’Association des Bibliothèques Allemandes (DBV), association déclarée qui fédère les différentes institutions, puis deux associations indépendantes, l’Association Professionnelle de l’Information sur les Bibliothèques (BIB) et l’Association des Bibliothécaires Allemands (VDB), regroupées, avec le Goethe-Institut et le Groupe de Prestation de Services pour les Bibliothèques, sous l’appellation Bibliothèque et Information Allemande (BID). Enfin, le Réseau de Compétence pour les Bibliothèques (knb), relié au DBV à Berlin d’un point de vue organisationnel et financé par la Conférence du Ministère des Affaires Culturelles des États Fédéraux (KMK), a également une fonction coordinatrice non négligeable dans des missions centrales.
Les bibliothèques municipales : effectif, structure et types de médiaS
Les bibliothèques municipales, grâce à un panel de services et une offre médiatique larges, accomplissent une mission éducative fondamentale et contribuent grandement à la mise en place d’une réelle égalité des chances. Elles constituent aujourd’hui le type de bibliothèque le plus répandu. Les données recueillies par la Banque Statistique des Bibliothèques Allemande (DBS) répertorient plus de 9 000 lieux publics faisant office de bibliothèques, gérés pour la majorité par les collectivités locales des villes et des communes, sans oublier l’Église catholique et évangélique, qui ouvrent l’accès aux bibliothèques des communautés au grand public.Dans les grandes villes de plus de 100 000 habitants, les bibliothèques municipales se divisent souvent en deux secteurs, avec une bibliothèque au centre et une bibliothèque annexe en banlieue. À cela s’ajoutent des formes spécifiques telles que les bibliothèques jeunesse, les bibliothèques musicales, les collections d’art, les bibliothèques mobiles ou encore les bibliothèques scolaires dont la fonction est annexe. Certes, il reste vrai qu’on ne peut y emprunter en majorité que des ouvrages pratiques en version papier, des belles lettres ou des livres pour enfants. Mais la part de médias numériques empruntés en ligne via le site des bibliothèques n’a cessé d’augmenter ces dix dernières années. Cela représente depuis lors 15 à 20 % de l’ensemble des emprunts. Parmi ceux-ci figurent tant des livres ou journaux électroniques (e-books, e-journaux) que des livres audio ou des magazines téléchargeables sur des appareils électroniques tels que les liseuses, les tablettes ou le Smartphone de l’utilisateur, le téléchargement étant protégé par un programme de droits en ligne spécifique. Les contenus sont mis à la disposition de l’utilisateur pour une durée pouvant aller jusqu’à quatre semaines.
Plus de 2 000 bibliothèques publiques mettent actuellement à disposition ce genre de publications en ligne (chiffres de 2019). En allemand, on appelle ce service « Onleihe », un néologisme qui se compose des mots « online » et « Ausleihe » (emprunt) – ce qui correspondrait en français au concept « emprenligne ». Deux prestataires dominent le marché de l’emprunt en ligne : l’entreprise DiViBib ainsi que sa maison mère, l’entreprise Ciando, dont le siège est situé à Reutlingen. Les contenus numériques, acquis seulement à titre de licence, ne sont pas la propriété des bibliothèques. Parmi les bibliothèques partenaires, nombreuses sont celles qui ont choisi de s’associer à l’échelle régionale, formant une association de souvent plus de 80 établissements. Ce fonctionnement leur permet d’acquérir et de mettre à disposition un choix de médias répertoriés sur une plateforme d’emprunt commune et de participer activement à l’essor d’un pôle numérique à l’échelle régionale. Les usagers des zones rurales peuvent également accéder à service en ligne dès lors qu’ils sont inscrits dans l’une des bibliothèques partenaires.
Bibliothèques mobiles, bibliothèques scolaires, bibliothèques enfants et jeunesse
Dans de nombreux Länder ou États Fédéraux, les municipalités et les zones rurales mettent en place des bibliothèques mobiles sous forme de bibliobus pour compléter les bibliothèques fixes. On compte environ 90 bibliothèques mobiles, la plupart du temps rattachées à une bibliothèque de plus grande ampleur, qui font circuler en tout 110 bibliobus. Le but est de réduire le fossé entre les structures offertes par les villes, plus développées, et les petites bibliothèques rurales moins bien achalandées. Les bibliobus, qui disposent d’un accès internet, du wifi, de toilettes de bord ainsi que d’un espace de lecture, proposent un choix de pas moins de 3 000 à 5 000 médias. Ils effectuent jusqu’à six arrêts d’une heure au cours de leur trajet quotidien. En zone rurale spécifiquement, le passage d’une bibliothèque mobile effectuant 15 à 20 arrêts par semaine peut s’avérer être une solution très efficace.L’encouragement à la lecture au sens bibliothécaire du terme, c’est-à-dire la transmission du plaisir et de la faculté de lire de même que la transmission d’information, est un autre ressort des bibliothèques scolaires. En tant que lieux d’apprentissage, elles sont aussi supposées offrir un accueil de qualité. Pour autant, leur état réel demeure toujours insatisfaisant en Allemagne. L’organisation des bibliothèques scolaires revêt différentes formes. Lorsque l’école dispose d’une bibliothèque indépendante, elle en est le responsable légal. Les services proposés par la bibliothèque sont financés dans ce cas par les moyens de l’école, à savoir les dons ou les aides accordées par un sponsor. Il existe en parallèle des modes de gestion partagés, où la bibliothèque scolaire s’associe à une bibliothèque municipale pour partager des salles ou des infrastructures. Dans ce cas, la bibliothèque scolaire est souvent annexée à une structure municipale. Ce type de solution apparaît généralement le plus efficace.
D’après les estimations, environ 20% des 44 000 écoles allemandes sont ou associées à une bibliothèque scolaire extérieure, ou ont mis en place un coin lecture personnel. D’un point de vue objectif cependant, seules 5% des écoles disposent d’une bibliothèque scolaire bien fournie en ouvrages pratiques et d’un personnel compétent. Or, pour un travail en bibliothèque scolaire réussi, plusieurs éléments s’avèrent déterminants : la mise à disposition d’espaces suffisamment spacieux, un approvisionnement régulier en médias, et avant tout la présence d’un personnel formé disposant de compétences tant bibliothécaires que pédagogiques.
En raison du caractère hautement social, pédagogique et politique du travail de bibliothécaire chez les enfants et les jeunes, les bibliothèques municipales accordent la plus grande attention au public de cet âge. Nombreuses sont les villes où il existe ou une bibliothèque enfants et jeunesse spécifique ou un rayon consacré au jeune public. La tendance va dans cette direction, privilégiant ou des bibliothèques indépendantes, ou l’instauration de rayons enfants et jeunesse séparés. Des espaces spécifiques pour tous les types de médias numériques, y compris des consoles de jeu, sont mis en place afin de se détendre, chater, travailler ou réviser, et complètent en cela l’offre livresque. Aujourd’hui, les meubles et les différents éléments d’aménagement des espaces consacrés aux enfants et aux adolescents dans les bibliothèques sont beaucoup plus colorés et conçus de manière plus personnalisée et plus moderne qu’auparavant.
Les résultats des études PISA de ces dernières années ont contribué plus que jamais à faire de l’encouragement à la lecture une mission centrale pour les bibliothèques municipales. Les modes traditionnels d’encouragement à la lecture (avec des heures de lecture de livres illustrés, des lectures d’auteurs, etc.) ainsi que les formes plus modernes d’incitation à la lecture font partie aujourd’hui du répertoire de base, les formes plus modernes se fondant davantage sur des programmes numériques et multimédia. On utilise par exemple les livres illustrés hybrides, qui travaillent sur la réalité augmentée. Ceux-ci permettent aux enfants ayant l'âge pour aller à la crèche de redécouvrir leur imagerie traditionnelle en parcourant le texte sous toutes ses formes, agrémenté de sons et de clips vidéo, via différentes applications sur leur tablette ou leur Smartphone.
Dans les villes, la part d’habitants ayant un arrière-plan migratoire peut atteindre jusqu’à 25 %, parmi lesquels on compte 50 nationalités et groupes de langues différents. La réaction de beaucoup de bibliothèques publiques face à ce nombre important de réfugiés et de personnes en recherche d’asile a été de les reconnaître comme une cible importante. Afin de les intégrer comme usagers véritables au sein des bibliothèques, elles ont imaginé de nouvelles idées permettant de mettre en place un travail interculturel au sein de leurs structures. En plus des visites guidées spécifiques de la bibliothèque et des heures de conte pour enfants et adolescents, nombreuses sont les bibliothèques qui ont pris l’habitude de proposer, entre autres, des abonnements à prix avantageux pour les réfugiés ainsi que des packs de livres multilingues et de médias numériques pour les parents et les enfants. Les bibliothèques fonctionnent ainsi comme des lieux publics ouverts aux échanges, permettant aux usagers d’utiliser les espaces de travail disposant d’une connexion à internet et le wifi pour entretenir le contact avec familles et amis à l’étranger. Livres illustrés, littérature bilingue ou plurilingue pour adolescents et adultes, histoires et ouvrages pratiques rédigés dans une langue simplifiée, de même que les dictionnaires, les intitulés en anglais et les journaux étrangers se sont révélés très utiles pour l’apprentissage de la langue et la découverte de la société allemande.
Qu’y a-t-il de nouveau ? Makerspaces, library of things : les bibliothèques comme tiers-lieuX
De plus en plus, les bibliothèques se déclarent prêtes à saisir de nouvelles idées expérimentales pour proposer au public une plateforme d’expériences pratiques. Des concepts tels que les Maker Spaces servent à susciter la participation du public en permettant à chacun d’expérimenter de nouvelles tendances. C’est ainsi que s’invitent les premiers robots humanoïdes, les imprimantes 3D et les casques de réalité virtuelle dans les bibliothèques – dont l’objectif commun est de familiariser la population avec les nouvelles inventions majeures et d’agrandir le public en créant de nouveaux groupes d’utilisateurs.Une autre nouvelle tendance est « la bibliothèque des choses » qui propose aux usagers, en plus des habituels médias livresques ou non, d’emprunter une multitude d’objets utiles au quotidien : outils, instruments, appareils de cuisine, jeux, skateboards, machines à coudre ou encore sièges-enfants, le mot d’ordre étant « emprunter au lieu d’acheter ». Ce procédé d’emprunt jouit d’une approbation grandissante de la part du public.
Il n’est pas rare de trouver aujourd’hui, dans les capitales ou les villes importantes, des bibliothèques à l’architecture moderne et souvent osée, bâtiments conçus dans les 12 à 15 dernières années dominant la skyline des centres-villes. En faire ce que l’on appelle des « tiers-lieux » est en bien des endroits devenu la marque d’un désir politique des bibliothèques : le désir de témoigner visuellement de leur présence, et par là même d’être vues par le public. À côté de la maison comme « premier lieu » et du travail comme « second lieu », le « tiers-lieu » doit avoir comme fonction de relier temps libre, rencontres, communication et transmission d’information de manière créative. Les bibliothèques se définissent peu à peu comme des plateformes à visée non commerciale et s’imposent comme partenaires évidents grâce à une offre concurrentielle : en plus de mettre à disposition des espaces aménagés avec style, favorisant l’interaction et le libre discours, elles proposent une offre d’apprentissage et de formation particulièrement vaste et enrichie de média numériques de tous types.
Les bibliothèques académiques : types, responsables, médias
À l’échelle nationale, l’ensemble que constituent les bibliothèques académiques comprend une centaine de bibliothèques universitaires et environ 200 bibliothèques de hautes écoles réparties dans des 16 États Fédéraux, des bibliothèques nationales et fédérales, à compétence majoritairement régionale (avec une certaine influence nationale), plus de 2 500 bibliothèques spécifiques appartenant aux entreprises, aux centres de recherche, aux églises, aux cliniques et aux associations scientifiques, les bibliothèques spécialisées des parlements et ministères fédéraux ainsi que celles des hauts tribunaux. À léchelle fédérale, on trouve la Bibliothèque Nationale Allemande (avec un siège à Francfort sur le Main et à Leipzig), dont le rôle est celui de dépositaire légal au niveau national, les trois bibliothèques centrales spécialisées (dans les domaines de l’économie, de la technique et des sciences naturelles ainsi qu’en médecine, en environnement et en sciences agricoles) ainsi que diverses bibliothèques de recherche, et enfin les bibliothèques des parlements, des ministères et des tribunaux à plus haut niveau. Les Länder ou plus précisément les fédérations interviennent ici en tant que responsables du financement, système étayé à l’occasion par des formes de subventions disparates.Les bibliothèques universitaires ainsi que celles des hautes écoles ont pour but premier de fournir un socle de littérature et d’information à leurs étudiants, socle qui peut également servir aux étudiants externes à des fins scientifiques, moyennant dédommagement dans certains cas. Les bibliothèques nationales et fédérales, à visée le plus souvent universelle, ont pour fonction de fournir au niveau régional les informations collectées à plus grande échelle. Du fait de la loi sur le dépôt légal, elles sont chargées de recueillir et de mettre à disposition tout type d’ouvrage médiatique publié au niveau régional.
Bien que les statistiques révèlent une majorité d’ouvrages imprimés parmi les acquisitions des bibliothèques, la part des fichiers numériques dans ces effectifs – qu’il s’agisse de journaux en ligne, de livres numériques, de catalogues rétrospectifs des biens numériques de la bibliothèque, de bases de données ou d’autres types de ressources numériques. L’acquisition de ces données, ou plus précisément l’obtention des licences nationales et d’alliance correspondantes, a lieu par l’intermédiaire d’un accord de consentement avec le soutien de la DFG, l’Alliance de Recherche Allemande. Ce fonctionnement permet d’élargir, financièrement parlant, la marge de manœuvre des bibliothèques individuelles. Par ailleurs, des instruments tels que le Système Informatif de Banques de Données (DBIS), regroupant jusqu’à présent plus de 12 000 bases de données ou encore la Bibliothèques de Revues Numériques (EZB), facilitent l’accès des usagers aux documents numériques.
Les bibliothèques académiques ont nettement tendance à être utilisées comme des lieux de révision. Tant dans les bibliothèques fédérales que dans les bibliothèques régionales et universitaires, on constate une augmentation des effectifs des usagers dans les salles de lecture, ces derniers ayant de plus en plus recours aux collections en accès libre. Souvent, le manque d’espaces de travail dans les locaux conduit, à court terme, à prendre des mesures de régulation et nécessite, à plus long terme, d’augmenter la capacité d’accueil. C’est donc avant tout d’aménagement dont il est question, et il convient de poursuivre la mise en place de lieux et d’espaces consacrés à l’apprentissage. Malgré une numérisation croissante, la bibliothèque n’en reste pas moins un lieu physique. Ainsi, l’aménagement de structures et le besoin d’espace de représenter un impératif majeur pour les bibliothèques dans les années à venir.
Les bibliothèques numériques à l’échelle nationale et internationale
Au cours des dix dernières années, le secteur des bibliothèques académiques s’est majoritairement consacré au développement des bibliothèques numériques, en créant des centres d’information et de publication numérique principalement. Les programmes de subvention de la Communauté de Recherche Allemande se sont orientés vers un développement intense des ressources numériques. En numérisant ses ressources historiques, conformément aux exigences de l’UNESCO, l’Allemagne a entrepris de rendre universel l’accès à son patrimoine culturel et de faire ainsi de la nation un État de culture numérique. De nombreuses bibliothèques académiques ont également fondé des centres de numérisation hautement productifs et comptent désormais dans leur collection en ligne de précieux vestiges accessibles gratuitement depuis le monde entier, parmi lesquels des manuscrits datant du Moyen-âge.Certes, les bibliothèques nationales et fédérales ne comptent pas parvenir à faire face aux géants du commerce tels que Google Books. Pour autant, la force de l’offre bibliothécaire numérique tient non pas à son ampleur, mais à sa qualité et à son engagement, celui de garantir le libre accès des données et leur disponibilité sur le long terme. Du fait la facilité d’accès aux ressources, on perçoit un accroissement de l’intérêt pour les trésors culturels, qui pousse le public à prêter davantage attention aux musées, aux bibliothèques, aux archives ainsi qu’à d’autres institutions culturelles.
Le concept de Bibliothèque Numérique Allemande (DBB Deutsche Digitale Bibliothek) consiste en la présentation de l’ensemble du spectre des trésors culturels et scientifiques allemands. Le public ciblé par cette dernière ne comprend pas seulement les scientifiques et les chercheurs, mais l’intégralité des citoyen·ne·s. C’est là un accès simple et gratuit à des millions de contenus (le chiffre s’élève actuellement à 24 millions) qui s’offre en perspective, qu’il s’agisse de livres, d’archives, de partitions, d’images, de sculptures ou d’œuvres musicales, de fichiers audio ou de films. Mais l’influence de la Bibliothèque Numérique Allemande dépasse le seul niveau national. Rattachée à l’European Digital Library „Europeana“, structure financée par la Commission Européenne, elle contribue fortement à la construction d’une conscience et à l’augmentation de la visibilité du patrimoine culturel allemand à l’échelle européenne.
L’instauration de l’accès libre (open access) et de l’archivage à long terme
Les associations bibliothécaires allemandes s’accordent avec les instituts de recherche et les nombreuses organisations scientifiques pour revendiquer un libre accès au savoir scientifique et au patrimoine culturel. Le mouvement pour l’open access diffuse une nouvelle stratégie de communication scientifique qui vient s’ajouter aux moyens de transmission traditionnels déjà existants : se servir des opportunités offertes par Internet pour échanger les résultats scientifiques. Cette forme de parution suppose que tous les auteurs garantissent aux utilisateurs les droits d’utilisation et de libre circulation de leur contenu en mettant à disposition une copie de leur travail sur le serveur d’archives d’une institution de confiance, assurant ainsi un accès à leur ouvrage sur le long terme. Ce mode de publication alternatif faisant concurrence aux formes de diffusion des maisons d’édition traditionnelles, il est compréhensible que ces mêmes éditeurs voient d’un œil critique la déclaration des bibliothèques quant à la publication en libre accès.En raison du très grand volume de publications numériques, l’archivage à long terme représente sans aucun doute un défi immense pour les bibliothèques académiques qui en ont la charge. La Loi sur la Bibliothèque Nationale Allemande (DNB) a permis de situer le cadre des conditions légales pour la collecte et la conservation des copies de dépôt de l’ensemble des « objets numériques immatériels » publiés en Allemagne, ce afin d’assurer la disponibilité universelle des contenus. Du fait de la rapide croissance des données, bibliothèques, archives et institutions de mémoire recherchent des solutions pratiques. Cela vaut en particulier pour les bibliothèques dont les ressources numériques constituent la source principale de transmission d’informations.
En Allemagne, c’est la Bibliothèque Nationale Allemande qui est responsable de l’archivage des sites pour le domaine « de », une tâche herculéenne presque insurmontable. Dernièrement, il a été convenu que l’archivage à long terme de sites Internet serait confié respectivement aux institutions responsables. Les bibliothèques fédérales en question, du fait de l’obligation de collecter les données à échelle régionale, se retrouvent confrontées à accomplir cette tâche avec des moyens jusqu’à présent très limités. En raison des changements rapides des médias et de la société, la protection du patrimoine culturel à la fois matériel et immatériel est devenue une priorité de premier ordre à l’échelle internationale. Le patrimoine culturel allemand, en tant que part entière de la mémoire humaine collective, acquiert en ce sens une signification globale et une valeur universelle. La conservation du patrimoine relève de la responsabilité des politiques et de la société, qui doivent s’assurer qu’il puisse être transmis aux générations futures.
La numérisation de contenus de valeur ainsi que leur accès universel en version numérique présentent des avantages considérables, non pas seulement du point de vue des utilisateurs, mais aussi de la conservation. Pour autant, à l’ère où le numérique gagne de plus en plus de terrain, l’original imprimé n’en perd pas pour autant sa valeur et doit également faire l’objet d’une conservation sur le long terme. Afin d’assurer cette conservation et de prévenir les ouvrages de la destruction, des conditions climatiques particulières et des mécanismes de protection efficaces sont nécessaires. Sur les recommandations de bibliothécaires, et avec le soutien de l’État, un centre de coordination pour la conservation du patrimoine culturel écrit a été établi à la Bibliothèque Nationale de Berlin – Centre de conservation de la culture prussienne. L’objectif de cette institution est d’abord de récolter et d’exploiter des informations sur la réception de biens culturels imprimés. La création de réseaux doit ensuite permettre d’encourager la collaboration entre les institutions et d’alerter le grand public sur les risques auxquels sont confrontés les biens culturels manuscrits et enfin d’instaurer un soutien à échelle fédérale pour la création de projets modèles. Les quelques millions d’œuvres imprimées et de mètres linéaires de rayonnage dans les salles d’archives et les bibliothèques nécessitent une désacidification massive, eu égard aux acidifiants ajoutés au papier pour l’impression.
Entre présent et futur – les bibliothèques à l’ère du numérique
Ces dix dernières années en Allemagne, les bibliothèques n’ont pas particulièrement gagné la confiance du public, en dépit de leur importance, l’ampleur de leur mission et leur rôle futur dans les structures éducatives et culturelles d’un État industriel. Les nouvelles technologies vont-elles transformer les bibliothèques en des lieux purement virtuels ou les remplacer par des systèmes fondés sur l’utilisation du cloud ? Quel que soit le point de vue adopté, les défis à affronter pour mener le développement d’une structure culturelle et éducative sur le droit chemin n’en restent pas moins considérables. Sous l’influence d’Internet, des Smartphones et des médias numériques, la lecture de livres papier n’est plus quelque chose qui va de soi. Dans le même temps, les annonces sur l’effectif grandissant d’analphabètes fonctionnels en Allemagne ne cessent d’alarmer. L’aptitude à lire, de même que l’incitation à la lecture, demeurent de ce fait absolument incontournables pour compléter les compétences électroniques – pour toute une vie.Le rôle qui incombe aux bibliothèques au sein de la société d’information est absolument déterminant, et il convient d’éveiller l’attention non seulement des responsables politiques, mais aussi des médias et de la population à ce sujet. Il n’y a qu’une façon pour les bibliothèques de remplir ce rôle et les attentes qui s’y rattachent : reconnaître et accepter les défis que représente la société d’information en mettant à profit la marge de manœuvre permise par les innovations technologiques et les améliorations organisationnelles et pallier les points faibles des bibliothèques allemandes grâce à des idées créatives. Pour finir, les bibliothèques se doivent de réaliser leur mission avec une confiance assurée, dans un souci de responsabilité sociale et démocratique.