Des choses spectaculaires, oubliées, mémorables et utopiques : la raison d’être de la Berlinale
Le facteur ‚terrasses chauffées’ : un manque qui prend la forme d’un atout
Après Cannes et Venise, la Berlinale fait sans aucun doute partie des trois meilleurs festivals de films internationaux. En mai, au milieu du printemps, Cannes rayonne avec son glamour, ses stars et son grand cinéma. En septembre, le festival de Venise, le plus ancien, apparaît avec les dernières lueurs estivales dans une ambiance romantique et détendue. Et la Berlinale ? Sur un plan strictement météorologique, la capitale allemande n’a rien à offrir, généralement pas même de la neige, au cours d’un mois de février glacial. Au lieu de déguster du champagne sous les palmiers, on grelotte sur le tapis rouge et on boit de la bière allemande sur des terrasses chauffées.
Le succès auprès du public : nous adorons ce que l’on nous donne à voir
Si cela ne tenait qu’à Anna Brüggemann, on pourrait bientôt en finir avec les frissons en robe légère. Sur le compte #nobodysdoll, l’actrice lance un appel pour renoncer au traditionnel code vestimentaire des galas du festival : « Quiconque a pu vivre dans sa chair la différence entre une soirée passée dans une veste confortable et des sneakers et celle passée en petite robe et talons hauts, sait de quoi je parle. » L’organisation de la Berlinale assure que le sexisme et les débats relevant de la thématique #MeToo sont présents depuis longtemps au festival. La sélection témoignerait d’une sensibilité particulière vis-à-vis des scènes sexistes tout en s’intéressant « plus généralement au thème de la discrimination ». Laissons parler les chiffres : selon les statistiques de cette année, tout juste un tiers (32,9 % exactement) des films soumis à la direction du festival ont été réalisés par des femmes. Un sixième, c’est-à-dire quatre des 24 films présentés en compétition, ont été tournés par des femmes. Parmi les 67 éditions de la Berlinale, cinq Ours ont été remportés par des femmes, le dernier en 2017 par la Hongroise Ildikó Enyedi pour son film Corps et âme.
Le facteur politique…
Certains disent que la prétention politique de la Berlinale prend sa source dans une névrose liée à son profil, il s’agirait d’une offensive désespérée selon la devise : nous n'avons ni plage, ni météo favorable, ni stars, mais il nous reste la politique ! Il est vrai que, dès le départ, la Berlinale a été un événement politique. Fondée comme « vitrine du monde libre » en 1951 dans un Berlin en ruines et comme « rempart culturel contre le bolchévisme », marquée pendant des décennies par la Guerre Froide. Ce n’est qu’après la chute du Mur que cette tendance à la confrontation culturelle a pris fin. Néanmoins, aujourd’hui encore et au-delà de la machinerie du marketing qui prend une ampleur de plus en plus grande, le festival est rattrapé par une volonté de faire bouger les choses.
Le directeur du festival Dieter Kosslick | Photo (détail): Ulrich Weichert / Berlinale 2017
Un coup de tonnerre a déjà eu lieu en amont de l’édition 2018. Depuis 2001, ce qui est ressenti comme une éternité, Dieter Kosslick, un monsieur loyal toujours de bonne humeur, mène ce cirque aux ours berlinois. L’ère Kosslick se terminera définitivement en mai 2019. C’est pourquoi 79 personnes appartenant au monde du cinéma ont demandé à la fin de l’année dernière à profiter du changement de direction générale pour donner un nouveau départ à la direction artistique et à l’intendance. Une discussion désagréable a suivi dans laquelle on a contesté les compétences de Kosslick en tant que directeur du festival. Trois mois plus tard, peu avant le début de la 68e édition, celui-ci a certes déclaré que « tout cela était du passé, all history ! ». Cependant, Monsieur Loyal s’est montré exceptionnellement réservé : « Moins d’humour au programme. Les rabat-joie n'ont jamais aimé ça. » La guerre de succession ne sera pas sans laisser de traces sur lui.