Generation 14plus
« Ha’Mishlahat » (The Delegation)

 Leib Lev Levin, Neomi Harari et Yoav Bavly dans « Ha’Mishlahat »
Leib Lev Levin, Neomi Harari et Yoav Bavly dans « Ha’Mishlahat » | © Natalia Łączyńska

« The Delegation », ou « Ha’Mishlahat » en langue originale, est un des 17 films dans la catégorie Generation 14plus présenté à la Berlinale 2023 et il a eu sa première mondiale au même festival.

De Maya Chesnay

Écrit et réalisé par Asaf Saban, un réalisateur isréalien, ce coming of age combiné avec le genre du road movie met en scène trois jeunes adolescents du lycée, Frisch (Yaov Bavly), Nitzan (Neomi Harari) et Ido (Leib Levin) durant un voyage où les jeunes visitent plusieurs lieux en Pologne qui sont reliés avec la Shoah et la Deuxième Guerre mondiale. 

se questionner sur son propre identité

Avec un groupe de jeunes Israéliens, leur professeure et un survivant de la Shoah, Frisch, Nitzan et Ido voyagent à travers la Pologne pour en apprendre plus sur ceux qui les ont précédés. Tout au long de cette visite que presque tout jeune Israélien et Israélienne fait au long de sa vie, ils visitent des anciens camps de concentration et des lieux de commémoration de la Shoah. Ces visites leur font questionner leur propre identité en tant que Juifs et créent quelques tensions dans le groupe. Et puis, comme durant tout voyage de jeunes, chaque relation est intensifiée, ce qui crée encore plus de tensions dans le petit groupe d’amis formé de Frisch, Nitzan et Ido. Eux aussi, ils seront, durant le cours du voyage, portés à se questionner sur leur propre identité de façons différentes. Ils devront aussi surmonter plusieurs obstacles.
  • Yoav Bavly dans « Ha’Mishlahat » © Natalia Łączyńska

    Yoav Bavly dans « Ha’Mishlahat »

  • Arrêt sur l'image du film « Ha’Mishlahat » © Natalia Łączyńska

    Arrêt sur l'image du film « Ha’Mishlahat »

  •  Leib Lev Levin, Neomi Harari et Yoav Bavly dans « Ha’Mishlahat » © Natalia Łączyńska

    Leib Lev Levin, Neomi Harari et Yoav Bavly dans « Ha’Mishlahat »

Comme le film est israélien, je n’avais jamais vu ces jeunes acteurs avant le visionnement de Ha’Mishlahat. Par contre, leur jeu n'était pas du tout décevant. En effet, chacun d'eux avait une façon naturelle d’agir, ce qui rendait l’histoire encore plus réelle. Par exemple, Neomi Harari, qui joue le rôle de Nitzan, fait un excellent travail pour dépeindre ses émotions et les doser parfaitement pour la situation dans laquelle se trouve son personnage. Nitzan semble souvent joyeuse devant ses amis et ses camarades de classe, mais quand elle est seule ou qu’elle se retrouve dans un moment de vulnérabilité, elle enlève son masque et montre son côté triste et touché par tout ce qu'elle vit durant le voyage. Et puis, dans chaque scène, Neomi Harari nous touche profondément avec son jeu impeccable. Elle réussit à représenter de façon précise les émotions qui doivent traverser l'esprit de son personnage à ces moments cruciaux. 

Un autre acteur qui m’a impressionnée avec sa prestation est Ezra Dagan, dans le rôle de Yosef, un survivant de la Shoah. Même s’il n’avait pas autant de scène que les deux jeunes, à chaque fois qu’il arrivait en scène, il exécutait ses lignes fluidement et d’une manière naturelle. La majorité du temps, le personnage de Yosef essaie de raconter son histoire en tant que survivant des camps de concentration, mais à chaque fois qu’il s'apprête à commencer son histoire, quelque chose le distrait ou il se perd dans ses faits. Il y a aussi un moment où le groupe est en déplacement dans l’autobus et le guide demande au grand-père s’il peut continuer son histoire pour ne pas perdre trop de temps rendu à leur prochain arrêt. Le personnage de Yosef semble alors pris dans des émotions mixtes de tristesse et d’ignorance, ce que Ezra Dagan présente de façon juste. Et puis, en général, l’acteur sait se démarquer malgré sa différence d’âge et ses scènes courtes, mais touchantes.

La quête de recherche de soi-même

Ensuite, le développement de l’histoire est vraiment intéressant durant tout le film. Du début à la fin, il n’y a aucun moment d'ennui puisqu’il se passe toujours quelque chose d’intéressant, que ce soit un moment triste ou un moment de fête. Dès le début, les personnages sont présentés de façon claire : les jeunes ramassent leurs bagages de l’aéroport et on voit déjà que même si c’est un voyage où ils feront face à des endroits avec une atmosphère glauque, ils ne laisseront pas les petits moments de folies et de « niaisage » passer. Et durant leur voyage, il y a un motif qui revient toujours dans l’histoire. En fait, on pourrait dire que ce cycle commence quand le groupe arrive dans un des lieux historiques, comme, par exemple, le premier cimetière qu’ils visitent. Ils arrivent dans cet endroit rempli d’Histoire, qui choque et où chaque jeune est en silence, jusqu’au moment où ils se séparent pour explorer. Il y a ensuite un moment de complicité entre Frisch et Nitzan, suivi par le retour du groupe sur le bus. La prochaine étape dans ce cycle serait que la classe débriefe sur ce qu’ils ont ressenti durant leur visite.

La dernière étape est alors le moment où les jeunes peuvent profiter de leur jeunesse et être eux-mêmes, en courant dans les corridors, en se cachant dans les toilettes pour se cacher du professeur, etc. Bref, ce cycle montre que même si ces jeunes sont en voyage pour découvrir la dure histoire des Juifs, ils ont quand même besoin de se défouler et de laisser aller leur tête de temps en temps. Et même si les personnages se séparent de plein de façons différentes, ils ont tous accompli, ou du moins commencé, cette quête de recherche de soi-même à travers leurs ancêtres. 
 

Pour moi, ce film était dans mon top 3 de tous les films que j’ai vu à la Berlinale. Je n’avais aucune connaissance de ces délégations de jeunes qui se rendent en Pologne pour se sensibiliser sur ce qu’ont vécu leurs grands-parents. J’ai trouvé que la qualité du jeu et du film en général était impeccable. Et puis, en ayant à peu près l’âge des personnages dans l’histoire, j’ai pensé que leur quête pour se trouver eux-mêmes résonnait vraiment avec ce que je vis. Même si ces jeunes-là sont Israéliens et Juifs, tout ce qu’ils vivent peut être vécu par des milliers de jeunes partout sur la planète. Je pense que c’est vraiment un des points les plus forts de ce film. 
 

« Generation »

Generation Kplus et Generation 14plus : deux compétitions qui présentent un cinéma international dans l'air du temps. Pour le jeune public et pour tous les autres. Des récits épiques et des instantanés, des désirs, des fantasmes et des réalités amères. Des histoires sur le passage à l'âge adulte : merveilleuses, sauvages et furieuses, émotionnelles et obstinées.

Avec un programme complet de films contemporains qui s'intéressent à la vie des enfants et des adolescent.e.s, Berlinale Generation jouit d'une position unique en tant qu'inspirateur d'un cinéma pour les jeunes, au-delà des conventions. Generation présente un cinéma qui veut défier sans surcharger et entretient un dialogue ouvert et controversé avec le public, les artistes, les visiteur.e.s professionnel.le.s et les critiques de cinéma.

La sélection se concentre sur des films qui, dans leurs récits et leur langage cinématographique, prennent les enfants et les jeunes au sérieux. Des histoires qui sont racontées du point de vue de leur.e.s jeunes protagonistes et qui permettent de découvrir leur monde. Des films significatifs qui ouvrent une porte vers des mondes inconnus. Des films qui demandent du courage, montrent des perspectives intersectionnelles et encouragent des solutions communes. Des films qui tendent un miroir au monde des adultes. Des films de fiction, des œuvres documentaires, des animations, des films de genre et des films qui élargissent le langage formel du cinéma sont en concurrence sur un pied d'égalité dans les deux compétitions de la section.